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Bodha, un Ashock Jugnauth new-look ?
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Bodha, un Ashock Jugnauth new-look ?
Au Sun Trust hier, on mange son briani comme si de rien n’était. Le petit roi Soleil arrive au son des motards et des pétards. Le comité central “élargi” du MSM, qui se veut une démonstration de force, en guise de réponse à la foule réunie dimanche dernier à La Louise et à la marche du 13 février prochain, commence plutôt mal. Les nouvelles ne sont pas bonnes, mais Pravind Jugnauth arbore son sourire mécanique. Manifestement il reste dans le déni. Le secrétaire général du MSM, qui fait partie des meubles du parti, vient de claquer la porte : so what ? Entouré de ses lèche-bottes, et coupé de la réalité, le leader du MSM prend la parole pour montrer qu’il n’est nullement affecté par ce départ et pour fustiger ses adversaires politiques. C’est ce qu’on lui a conseillé de faire, de dire. Comme dans le film propagandiste, lancé hier pour le glorifier, à l’instar d’un leader nord-coréen, Pravind Jugnauth se dit et se fait fort : après une série de victoires électorales (législatives de 2010 en alliance avec le PTr, et coup sur coup : 2014 et 2019), il pense que tout lui est acquis et que pratiquement tout le monde est contre lui parce qu’on ne peut pas gagner et diriger comme lui. C’est ce qu’on lui a dit encore une fois. De Ramgoolam à Bérenger, en passant par Bhadain, Boolell, Duval, Laurette, et les Avengers, il dit n’avoir pas peur d’eux, car les urnes viennent, encore une fois, de le plébisciter lui et son parti, et non pas eux. La démocratie, c’est une affaire d’urnes, se plaît-il à rappeler. Il félicite au passage le commissaire électoral et son équipe, preuve, dit-il, que les institutions fonctionnent librement à Maurice. Qui dit mieux ?
Mais Nando Bodha, fidèle d’entre les fidèles du père Jugnauth, qui ira bientôt grossir les rangs de l’Opposition United, cela ne compte pas ? Non, pas vraiment, au contraire, le MSM lui souhaite bonne chance, lance un Pravind Jugnauth trop calme dans une situation pareille. Et là : c’est le politicien qui intervient. Recherchant le venin au fond de lui, il crache sans hésiter sur Bodha — qui, selon lui, aurait eu peur de l’affronter : “Il n’est pas venu me voir pour démissionner, même pas un coup de fil. Rien.” Pour le leader du MSM, Bodha s’en va non pas parce qu’il a refusé, par conviction ou par stratégie, de démentir les rumeurs de sa démission qui flottaient dans l’air depuis une dizaine de jours (comme on lui aurait intimé de faire lors du conseil des ministres de vendredi), mais, parce qu’il n’a pas pu résister aux sirènes de Bérenger — qui lui aurait promis le poste de Premier ministre; un poste qu’il n’aurait jamais eu au sein du MSM, vu que la place est réservée aux Jugnauth. Le script est écrit et Pravind Jugnauth doit maintenant tourner son ancien ministre des Affaires étrangères en ridicule. Il affirme que Bérenger, le faiseur de Premier ministre du temps jadis, fait aujourd’hui avec Bodha ce qu’il avait fait hier avec Madan Dulloo ou Ashock Jugnauth, qui étaient eux aussi considérés comme des dauphins de Sir Anerood. Les membres du MSM applaudissent à tout rompre, ils sont plus forts que les pétards ou les motards.
“La situation dans le pays est extrêmement grave (…)”, insiste, pour sa part, Nando Bodha dans sa lettre de démission. Il prend à contrepied son ancien leader. Alors que Jugnauth passe son temps à flatter sa gestion du Covid-19 et le fait que Maurice est bien placé pour relever de grands défis et qu’il ne faut pas écouter les palabres (comme celles qui annonçaient des démissions au sein du MSM), Bodha, lui, souligne que “la culture du pouvoir et le fonctionnement du MSM ne correspondent plus aux valeurs et principes qui ont toujours marqué mon parcours politique”. Il est clair que Bodha est resté fan du leadership de SAJ — qui pourtant disait clairement que “moralite na pa rempli ventre” —, et qu’il ne s’est jamais retrouvé dans le style du fils et de LaKwizinn (même si son beau-frère aurait, avant que la presse ne sonne l’alarme, grignoté quelques restes des fruits du pouvoir). D’autant plus que, davantage que Collendavelloo, le couple Ganoo-Obeegadoo était devenu, aux yeux des anciens comme Bodha et Soodhun, des serviteurs bien trop obséquieux envers le roi Soleil, lui-même entouré d’une cour de flagorneurs qui n’ont pas la culture MSM de bolom-là. Ces nouveaux venus au Sun Trust ont tendance à accaparer le leader et à reléguer au second plan ceux qui ont été pourtant élus par le peuple.
La surprise des observateurs c’est qu’on attendait hier, dans une sorte d’ultime sursaut, une démission de Yogida Sawmynaden, eu égard aux éléments dérangeants qui font surface au tribunal de Moka, dans le cadre de l’enquête judiciaire sur la mort de Soopramanien Kistnen, mais, à la place, voilà Bodha qui nous apprend : “J’ai soumis ma démission en tant que ministre et également de toutes les instances du MSM.” Bodha, qui tourne la page très vite, ne cache pas sa nouvelle ambition politique : il annonce ainsi «un nouveau projet politique qui correspondrait aux aspirations des Mauriciens. Il y a une nouvelle exigence». A ce stade, il est difficile de dire s’il va/veut être PM aux côtés de Bérenger (ce qui est loin d’être gagné), ou quitter le navire MSM car il sent/sait que le navire ne peut que sombrer avec le capitaine Pravind à la barre ? En tout cas, pour quelqu’un qui a fermé sa gueule face aux nombreuses dérives du pouvoir auquel il a appartenu depuis 2014 depuis la série ininterrompue de scandales, ne va-t-il pas trop vite en besogne en lançant cette appréciation, qui détonne venant de la bouche de quelqu’un qui a toujours soutenu un régime dynastique, de père en fils : “Notre peuple est très en avance quant à ses attentes en matière de valeurs citoyennes, de bonne gouvernance et de démocratie moderne.” Il nous paraît un peu facile de changer de disque du jour au lendemain. Aujourd’hui, on s’attend donc à ce que Bodha nous explique clairement pourquoi Pravind Jugnauth ne répond pas à ses “idéaux et principes fondamentaux”. Pour avoir la confiance du peuple, il ne suffit pas de jouer la carte personnelle je-veux-être-PM-parceque-le-MMMa-besoin-d’un-hindou, il doit dénoncer le fonctionnement du pouvoir, sinon on risque de croire qu’il est fâché parce qu’il a été exilé, comme Vishnu Lutchmeenaraidoo avant lui, aux Affaires étrangères, loin du Metro Express et des infrastructures coûteuses.
Si Bodha a définitivement fragilisé le gouvernement et mis à risque l’équilibre parlementaire du MSM, il provoque par la même occasion un chamboulement dans les rangs de l’Opposition United. Si en public, les politiciens aiment dire que plus on est nombreux, mieux c’est (surtout quand il faut mobiliser la rue), dans la réalité, il y a des égo surdimensionnés, des susceptibilités et des sensibilités avec lesquels il est des fois difficile de conjuguer. Jusqu’ici, il était clair que le PTr, le MMM et le PMSD aurait pu, tant bien que mal, trouver une formule d’entente en raison des forces et des faiblesses de tout un chacun, et en accordant une petite place à Bhadain et à Laurette, et en évitant Valayden et Teeluckdharry. Avec un Bodha qui connaît les secrets des Jugnauth et qui a les dents longues, le MMM pourrait être tenté de faire monter les enchères en sa faveur, histoire aussi d’assurer une bonne place à l’héritière de Bérenger (surtout que Jeeha et Gunness ont été neutralisés). Ce qui va alors crisper le PTr de Navin Ramgoolam, voire le PMSD de Xavier Duval. A moins que Bérenger ne tente de déstabiliser le PTr en faisant miroiter le poste de VPM à Boolell ?
S’il est encore tôt pour analyser, dans ses différents aspects, l’effet Bodha, on peut, néanmoins, dire que nous sommes à un tournant de cette législature. A bien des égards, cela nous rappelle 1982, cad cette période instable où une équipe qui vient de remporter des élections générales commence déjà à se fissurer avant de s’imploser. Le vieux loup politique qu’est Bodha sait bien que la situation économique n’ira pas mieux et que cela engendrera des crises sociales. Mais en voulant adopter un discours moderne pour essayer d’amadouer tous ces citoyens qui se sont réveillés depuis le 19 août et qui s’élèvent contre le système politique (on verra bien si le momentum se confirme le 13 février), il a intérêt à walk the talk, sinon il risque de finir, effectivement, comme Madan Dulloo, voire Ashock Jugnauth…
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