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Et voilà Moody’s qui s’y met !
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Et voilà Moody’s qui s’y met !
De ce que l’on peut lire dans l’annotation de Moody’s en date du 4 mars dernier, rien, en fait, de bien nouveau ou d’inédit. Son analyse répète les grandes craintes anticipées ou notées localement depuis le budget de juin 2020 dans le sillage du lockdown imposé au pays le 18 mars de l’année dernière. Seulement maintenant, c’est une agence internationale qui le dit.
Le coronavirus a affecté la planète entière. Soit. Il y a des conséquences économiques inévitables à cela. Soit. Il est aussi clair qu’il y a et qu’il y aura des impacts très graves sur le voyage et le tourisme en général. Soit. Mais les gouvernements choisissent de réagir différemment en fonction de leur appétit pour le risque. À Maurice, nous avons mis le pays en confinement presque total pour deux mois et demi et nous avons éradiqué le virus d’ici, du moins pour un temps, au grand bonheur de la population. Inévitablement, pour maintenir ce véritable «triomphe», il a fallu garder les frontières fermées et imposer la quatorzaine à tous les visiteurs venant de l’étranger (à part les exceptions diplomatiques, le personnel navigant des avions, les équipes ‘spéciales’ s’occupant de l’après-Wakashio, par exemple, et même, semble-t-il, quelques marins que l’on voit occasionnellement déambuler à Port-Louis !).
«La reprise de l’économie dépend crucialement du tourisme, dit Moody’s. Faudra-t-il lancer une nouvelle campagne de publicité à Liverpool, comme en septembre 2020… ?»
Cette frontière «fermée» a évidemment des conséquences et cela constitue la base même de la réduction de l’annotation du pays de Baa1 à Baa2, avec une perspective négative à l’horizon.
À l’affirmation exaspérée du ministre des Finances, il y a quelque temps, que le tourisme ne représentait qu’un peu plus de 8 % du PIB, Moody’s estime (il n’explique pas comment…) que «… when including the indirect contribution of other industries such as transport and accommodation and food service», cet impact du tourisme est, en fait, à 23 %. Ce chiffre est presque celui mis en avant par l’AHRIM. Moody’s explique sa nouvelle annotation du pays par le fait qu’elle estime qu’il y aura «more severe long term economic scarring than Moody’s anticipated one year ago». Ce qui est l’évidence même puisqu’il y a un an, nous n’avions même pas encore de lockdown !
«Si l’ouverture des frontières passe obligatoirement par l’inoculation de 60 % de la population, nous en avons, au taux moyen établi de 6 100 vaccinations par semaine depuis le 26 janvier dernier, pour encore au moins 2 ans et demi !»
La reprise de l’économie dépend crucialement du tourisme, nous dit, doctement, Moody’s. Le scénario de base de cette agence américaine est basé sur la reprise d’«international tourism flows… in the second half of 2021». On ne précise ni quand exactement (un semestre, c’est long !), ni à quelles conditions. Faudra-t-il lancer une nouvelle campagne de publicité à Liverpool, comme en septembre 2020, ou serait-ce cette fois au Bayern Munich à qui on voudrait transférer la poisse ? Ce qui est certain, c’est que si l’autre déclaration gouvernementale selon laquelle l’ouverture des frontières passe obligatoirement par l’inoculation de 60 % de la population (70 % pour d’autres !), nous en avons, au taux moyen établi de 6 100 vaccinations par semaine depuis le début de la campagne, le 26 janvier dernier, pour encore au moins 128 semaines, c’est-à-dire 2 ans et demi !
Cela, sans compter les complications possibles avec les variants, le refus de la population d’accepter un vaccin ou l’autre, les problèmes d’approvisionnement et l’homologation de vaccins comme le Spoutnik V – jusqu’ici acclamé par au moins The Lancet (*). Mis autrement, pour vacciner 60 % de la population avant septembre 2021, il faudrait, (30 500 citoyens ayant été déjà injectés une 1re dose à dimanche) 1,53 million de doses de vaccins et donc une cadence de 58 830 vaccins par semaine. Est-ce seulement possible ? Si, comme souhaité par l’AHRIM, on veut être prêt au 1er juillet plutôt, il faudra que ce nombre passe à 92 000 vaccins/semaine. On a exceptionnellement réussi 7 000 vaccinations ce lundi !
«Moody’s notait que les points principaux soulevés ont été les fondamentaux économiques qui se sont effrités, la santé fiscale et financière de l’État qui s’était détériorée (y compris pour le profil de sa dette) et, plus grave encore, que "the issuer’s institutions and governance strength have materially decreased"»
Outre le tourisme, Moody’s ne manque pas de mentionner que le pays est plus fragile que ses pairs bénéficiant de l’annotation Baa, puisqu’affichant déjà un ratio dette/PIB de 73,5 % au 30 juin 2020, alors que la moyenne du groupe Baa était à 63,8 %. De plus, elle s’attend à ce que ce ratio passe à juste au-dessus de 80 % en 2021, ajoutant laconiquement que ces chiffres auraient été pires si n’étaient les 12 % du PIB consentis généreusement par la Banque centrale (Rs 60 milliards). Moody’s ajoute que les risques d’inflation et de détérioration de la balance des paiements suggèrent qu’un ‘upgrade’ de l’annotation est visiblement improbable. À la session du comité d’annotation du 1er mars, Moody’s notait que les points principaux soulevés ont été les fondamentaux économiques qui se sont effrités, la santé fiscale et financière de l’État qui s’était détériorée (y compris pour le profil de sa dette) et, plus grave encore, que «the issuer’s institutions and governance strength have materially decreased». Ils ne précisent pas leur pensée, mais la liste noire de l’UE, Angus Rd, le dossier Kistnen, le boycott de la presse, les achats d’urgence pendant le confinement, Pack n Blister… sont tous des candidats pour expliquer, en partie, ce constat. Le «issuer», en l’occurrence, c’est notre pays, bien entendu.
Quoi en conclure sinon que la confiance ne règne pas chez Moody’s.
Ce qui n’est pas très éloigné du «mood» qui règne ici depuis un bout de temps déjà ! Et qui pré-datait, d’ailleurs, la découverte (malchance ou négligence criminelle ?) d’un nouveau cluster local de Covid-19 !
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