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Le show speaker: Chopines-six v/s sirop Dowlut
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Le show speaker: Chopines-six v/s sirop Dowlut
Il semblerait que l’opposition parlementaire ne parvient toujours pas échapper au rouleau compresseur que le MSM déploie au Parlement depuis les dernières élections générales. On avait estimé à un certain moment qu’Arvin Boolell était trop mou pour s’imposer face au speaker, Sooroojdev Phokeer, qui, tel un rustre assis sur le stool d’un bar, se saoulant, en réclamant chopine-six* sur chopine-six, parvient à dominer tout le monde. Et cela, grâce à sa grande gueule enhardie par Goodwill.
Depuis sa nomination, le speaker Phokeer a gagné en épaisseur et en audace, parvenant seul à mater les géants, vieux et jeunes, des bancs de l’opposition. Il n’éprouve absolument aucun complexe. Pour reprendre l’image du goujat du bar, on croirait qu’on assiste à un clash entre un ogre ventru dont l’effronterie est nourrie d’une overdose de Goodwill et une petite armée d’écoliers restaurés au sirop coloré de Dowlut.
Non seulement Phokeer gagne la joute du parler, il dispose aussi de deux puissantes armes que sont l’expulsion et encore le naming. Comme si l’humiliation d’être expulsé n’est pas suffisante, le speaker est assuré de bien jouir par la suite du majestueux spectacle qu’est l’acte auquel le député expulsé et suspendu devra se livrer. C’est le geste avilissant de présenter ses plus plates excuses au tortionnaire avant de reprendre son siège. Et actuellement, dans le contexte de 2021, comment le speaker Phokeer pourrait ne pas se réjouir du spectacle mortifiant mettant en scène des vétérans historiques, de gigantesques «porteavions » de la politique, comme Paul Bérenger et Rajesh Bhagwan, se livrant à l’exercice abêtissant de «tire-caleçon» avant de fouler à nouveau la moquette du Parlement ?
Phokeer, c’est le joker du MSM. Pourtant, le pays prend la mesure depuis quelques mois de nombreuses maladresses à mettre sur le compte du gouvernement, dont sa façon de gérer le dossier Covid-19. Mais il faudrait quand même reconnaître l’efficacité du MSM à contrôler le processus parlementaire et priver l’opposition d’un forum fortement médiatisé pour véhiculer ses points de vue politiques. Tout cela est rendu possible non pas parce que les ministres maîtrisent bien leurs dossiers ou qu’ils peuvent répondre à toutes les interrogations de l’opposition. Ou encore que dans les rangs du MSM on compte de puissants orateurs et débatteurs de la trempe d’Harold Walter, de Kher Jagatsingh, de Cassam Uteem ou encore de Jean Claude de L’Estrac. Le résultat est obtenu uniquement en se cachant derrière leur tapeur qu’est Phokeer. On croirait qu’il a été inventé dans un laboratoire d’Angus Road.
L’opposition n’a toujours pas trouvé de parade pour contenir le phénomène Phokeer. Cent conférences de presse après les expulsions, mille allusions à l’âge d’or de sir Harilal Vaghjee, rien ne changera à l’opération dévastatrice assurée par le speaker à chaque sitting et qui consiste à placer des sabots de Denver sur le véhicule de l’opposition.
Pour que l’opposition parvienne à renverser la vapeur, elle devrait penser hors des paramètres intériorisés depuis des décennies, en partant du speakership Vaghjee fin décembre 1976. D’ailleurs, les fréquentes allusions à sir Harilal sont symptomatiques de ce blocage. Les conférences de presse de routine dénonçant le Speaker constituent en fait un aveu d’impotence politique. L’opposition devrait aussi se débarrasser du vieux réflexe qui voulait que chaque sitting du Parlement présentait une occasion pour «détriper» le gouvernement à travers les questions parlementaires et surtout la supposément solennelle, extasiante mais aussi meurtrière Private Notice Question (PNQ) destinée à arracher des lambeaux de chair de la personne du ministre visé. On ne vit plus à l’ère de Lutchmeeparsad Badry ou de Gyandeo Daby dont les poules dans un centre d’élevage gouvernemental ne pondaient pas des oeufs pendant le week-end.
Quant au MSM, ce parti ne se soucie nullement des raffinements et des institutions, comme le bureau de l’Audit, hérités des Britanniques. Le MSM a manqué d’un poil d’abolir le bureau du Directeur des poursuites publiques (DPP). Ce qui compte pour Lakwizinn, c’est l’efficacité dans le modus operandi et le résultat en découlant. D’où les grands «roulements» comme Pack & Blister, Safe City, complexe de Côte-d’Or. D’où le contrôle total sur la MBC. Le MSM réussit en grande partie à neutraliser ses adversaires au Parlement s’il ne les renferme pas dans un sac de gunny (jute) avec les expulsions et les suspensions. Au point qu’il n’est même pas nécessaire pour le bagarreur-en-chef du MSM de s’armer d’un coup-de-poing américain pour fermer la bouche à tout détracteur sur les bancs de l’opposition.
*La chopine-six, privilégiée par le plus fortuné, c’est une mesure de six topettes de rhum que le barman vide dans une «chopine» représentant la moitié d’une bouteille de rhum. Le petit peuple, lui, se contente d’une topette à la fois.
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