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Quand Collendavelloo investit sur le long terme

24 avril 2021, 13:15

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Quand Collendavelloo investit sur le long terme

Les sorties publiques d’Ivan Collendavelloo sur les cas de patients dialysés morts après infection au Covid-19 ont été savamment conçues et orchestrées. Quand on est en guerre contre la puissante famille Jugnauth, il faut bien en calculer les risques. Ivan Collendavelloo a sans doute pris la mesure des risques. Et il a foncé.

Ceux qui sont éliminés par Lakwizinn adoptent des attitudes différentes, dépendant de la capacité de la famille Jugnauth de les démolir à tout jamais. C’est ainsi que Raj Dayal dont on s’est débarrassé dans des circonstances injustes à son égard choisit de ne pas s’attaquer aux Jugnauth. Il risquait des représailles foudroyantes, possiblement la perte même de son temple de Grand-Bassin. Ayant été formé en GrandeBretagne, Dayal sait pertinemment bien qu’ils ne sont surtout pas des gentlemen britanniques, les Jugnauth.

D’autres personnages de moindre importance n’ont pas osé croiser le fer avec les Jugnauth. Ainsi, Anil Gayan et Etienne Sinatambou se sont faits tout petits une fois écartés du gouvernement. Gayan a assisté quand même à la marche de Bruneau Laurette. Ce qui ne devait nullement agacer Lakwizinn car le geste était loin de constituer une attaque de front.

L’épisode Vishnu Lutchmeenaraidoo n’a pas provoqué des étincelles. On a l’impression qu’il y a eu dans ce cas particulier ce que les stratèges militaires appellent l’équilibre de la terreur entre l’ancien ministre des Finances et la famille Jugnauth. C’est-à-dire que si jamais une guerre frontale se déclarait entre Lutchmeenaraidoo et les Jugnauth, l’ancien ministre disposait lui aussi dans son arsenal d’armes de destruction. D’ailleurs, les rares escarmouches se produisant juste après le retrait de Lutchmeenaraidoo devaient cesser subitement une fois que Lutchmeenaraidoo a fait allusion à des comptes bancaires à Hong Kong.

Dans le cas de Roshi Bhadain, on a l’impression que bien que la guerre se soit bien déclenchée, chaque camp évite de porter le coup de grâce. Il est fort possible également que l’élément équilibre de la terreur pourrait aussi exister dans ce cas particulier.

Quant à la démission de Nando Bodha, on aura noté que l’ancien ministre a évité jusqu’ici de se lancer dans la moindre attaque frontale et personnelle contre Pravind Jugnauth. On pourrait bien comprendre qu’il évite de s’en prendre à sir Anerood Jugnauth qu’il porterait toujours en estime. En fin de compte, la défection de Bodha a causé plus de tort à la cause de l’unité des forces de l’opposition qu’aux intérêts du clan Jugnauth.

Collendavelloo reste un cas particulier, en rien comparable aux autres ex-membres du sérail de Lakwizinn. À première vue, on serait tenté de croire que les Jugnauth disposent d’une arme mortelle contre Collendavelloo avec l’affaire St-Louis. D’ailleurs, ils ont impitoyablement utilisé ce scandale pour le déloger de son petit trône de Premier ministre adjoint et le priver de sa superbe Mercedes classe S qui ne manque que 5 sous pour faire une véritable Maybach et dont en profite actuellement Steve Obeegadoo.

Mais Ivan, c’est Ivan. En prenant position sur l’affaire des dialysés morts en utilisant des termes aussi forts que carnage, Ivan Collendavelloo prend un risque calculé. Il serait convaincu qu’après sa révocation comme DPM, Lakwizinn éviterait l’escalade. Comme geste de bonne volonté, Lakwizinn a procédé à la nomination de Christelle Sohun, une femme très proche de l’ancien DPM, comme ambassadrice en Allemagne. On dit que c’est business as usual pour les protégés d’Ivan Collendavelloo dans les institutions.

Brillant stratège qu’il est, Ivan Collendavelloo serait en mesure d’exploiter en sa faveur une certaine vulnérabilité des Jugnauth. Laquelle faiblesse n’est pas évidente compte tenu du climat de chatwa (pas diber) qui prévaut au Parlement comme ailleurs. Collendavelloo a déjà commenté sur cette fragilité du MSM. Ainsi, il expliquait que sept voix dissidentes suffiraient pour mettre Pravind Jugnauth en minorité au Parlement. Ce qui politiquement (même Bodha est parti) et numériquement est loin d’être fantaisiste.

Les bénéfices découlant du risque que prend Collendavelloo vis-à-vis des Jugnauth pourraient peser de tout leur poids dans un contexte d’élections générales. Collendavelloo retrouverait alors sa place dans un mouvement d’opposition, fort de son goodwill investi sur le cas des dialysés morts. On ne connaît aucune cause populaire que Roshi Bhadain et Nando Bodha avaient soutenue au risque de se voir virer par Pravind Jugnauth. Pourtant, ils ont été accueillis en héros dans les rangs de l’opposition. Pourquoi pas alors Ie bon lutteur militant Ivan avec une place garantie dans le front bench d’un futur gouvernement ?