Les frères Ritesh, Niresh et Nitesh Gurroby, ayant atteint le summum de la notoriété publique après la plus grosse saisie de drogue dans l’histoire de Maurice, ont détrôné Geeanchand Dewdanee, principale vedette du monde politico-narcotique de 2017 jusqu’au début de mai 2021. Comparaison faite du style de vie des frères avec celui du modeste «traceur» Dewdanee de Soobash Road, Poudre-d’Or-Hamlet, on pourrait bien dire que ce dernier fait figure d’un Boy Scout. 

Toutefois, ils partagent des traits communs, mais chacun dans son style. Ainsi, ils se sont tous tournés vers la mer pour promouvoir leurs intérêts. Dewdanee faisait le tour des banians pour se procurer des produits de mer les plus prisés, dont des homards. Cela lui ouvrait la voie, littéralement, à la cuisine de Lakwizinn. Dans les moeurs mauriciennes, des produits de mer, des camarons, du chou de palmiste, un quartier de cerf ou un sanglier, facilitaient le contact avec des hauts gradés de la police et des membres du judiciaire. 

Avec la démocratisation de la politique à compter de 1959 et l’entrée en scène de nouveaux acteurs, d’autres bénéficiaires de cadeaux ont profité de la générosité des Mauriciens. Surtout de ceux cherchant des faveurs ou pour faire «casser» une affaire policière. Cette forme artisanale de sollicitation de faveurs persiste malgré la modernisation de l’économie avec des transferts d’argent électroniques vers des comptes anonymes cachés dans l’offshore. 

Les frères Gurroby et Dewdanee, si les soupçons sont jamais prouvés en cour, partagent aussi en commun l’adoption de techniques savamment conçues pour faire entrer de la drogue dans le pays. Dewdanee a utilisé des cylindres de gaz, les Gurroby, eux, des vedettes ultrarapides pour réceptionner le produit à partir des navires voguant dans le voisinage du pays. Les Gurroby ont mélangé hi-tech et low-tech, adoptant aussi le moyen préféré du crabe trou-loulou qui sait que la meilleure cachette, c’est un trou dans le sable. 

Les frères Gurroby et Dewdanee ont aussi partagé l’expérience de se retrouver en compagnie de politiciens ou des proches de ces derniers. Dewdanee était toujours présent au Sun Trust et aux fonctions du Premier ministre. Il se retrouvait même dans l’avion qui conduisait le Premier ministre en Inde. Tout n’a pas encore été dit sur les fréquentations politiques de Gurroby mais ils fêtent une grande victoire au Champ-de-Mars avec le père d’un ministre à leurs côtés. Le pater ministériel s’est effectivement retrouvé copropriétaire avec les Gurroby du cheval gagnant. On saura plus tard qui sont ceux, dans la classe politique, qui auraient pu bénéficier de la générosité des frères Gurroby. 

Et voilà un autre trait commun entre les frères Gurroby et Dewdanee car ce dernier s’est retrouvé lui aussi acteur au Champ-de-Mars, considéré comme le temple du jeu et du mouvement d’importantes sommes d’argent. 

À moins que Dewdanee ne soit un Dr Jekyll et Mr Hyde version mauricienne, celui qui se fait très modeste entre l’aube et le crépuscule mais qui change complètement de mode de vie une fois le soleil couché, il n’est nullement comparable en ostentation aux frères Gurroby. On se demande s’il n’est finalement pas un «ti-marsan» déguisé en «ti-marsan» qu’on aurait utilisé pour un grand coup. Très certainement par le grand B… sur qui pèsent d’ailleurs tous les soupçons du Wakashio aux Gurroby. 

Ces Gurroby, comme des bosses de Miami, adorent des bateaux superpuissants, des Jaguar, des BMW, des villas, des campements, des appartements et même une résidence à la Balise Marina qui attire des milliardaires sud-africains. L’ironie du sort veut que le nom Gurroby de leur ancêtre arrivé à Maurice au XIXe siècle ait été sans doute mal écrit par un fonctionnaire colonial. Proprement écrit – Garibi –, ce nom signifie «pauvreté».