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Humiliant geste de tire-caleçon ou calculs stratégiques intelligents ?
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Humiliant geste de tire-caleçon ou calculs stratégiques intelligents ?
Des Mauriciens ont cru trop vite que Pravind Kumar Jugnauth (PKJ) était irrémédiablement endommagé quand il a présenté une motion dans la soirée du mardi 18 mai pour faire annuler la mesure de suspension qui frappait Paul Bérenger, Arvin Boolell et Rajesh Bhagwan.
Ces derniers étaient privés de leur place au Parlement techniquement jusqu’aux prochaines élections si la présente session était maintenue. Ils ne pouvaient reprendre leur siège que s’ils se livraient à un exercice de tire-caleçon auprès du Speaker et par extension auprès des parlementaires du MSM et de leurs alliés-croupion ou transfuges.
L’opposition s’est réjouie quand PKJ a fait annuler les trois suspensions. En fait, cet exercice, loin d’être humiliant pour le Premier ministre, serait inspiré de calculs stratégiques bien conçus. L’objectif principal du MSM, ce serait d’ériger une barricade autour de Sooroojdev Phokeer afin qu’il ne soit nullement égratigné par la Cour suprême. Car tout blâme venant d’une telle institution aurait vite déclenché des retombées négatives conséquentes dans le pays comme sur le plan international ternissant ainsi davantage l’image du gouvernement.
En cas de réprobation de la Cour, Phokeer se serait affaibli, ses pouvoirs de tapeur verbal du pouvoir considérablement réduits. Pourraiton imaginer ce que Shakeel Mohamed, Paul Bérenger, Rajesh Bhagwan et Patrick Assirvaden auraient fait d’un Speaker devenu un lame duck ? Alors qu’il fonctionne systématiquement et sans complexe comme un bagarreur de bar populaire enhardi par la consommation rapide de quelques chopines-six de bon rhum.
Ce Speaker – phénomène unique dans toute l’histoire des pays du Commonwealth où la démocratie parlementaire à la Westminster se pratique – constitue un efficace outil de strangulation de l’opposition au Parlement. Il a réussi à désarticuler et rendre impotentes les activités de l’opposition. Sans lui, l’opposition aurait passé à la moulinette, à chaque séance, le Premier ministre, ses ministres et ses PPS qui constituent la couvée la plus médiocre de toute l’histoire parlementaire du pays. Heureusement pour eux, le bouncer est là pour les protéger.
On pourrait bien, à ce chapitre, se demander pourquoi le gouvernement ne ferme pas carrément le Parlement. PKJ a besoin du Parlement pour deux raisons principales. Tout d’abord, le gouvernement a besoin d’argent pour dépenser et dépenser gros. Plus c’est gros, plus est grosse la commission que touche tout le monde, du grand seigneur à l’hôtesse de l’air en passant par le spécialiste en médecine et le propriétaire de quincaillerie.
Ensuite, pour asseoir et consolider les fondations d’un gouvernement de plus en plus autoritaire – et cela selon les analyses de grandes institutions internationales – il faudrait modifier les lois pour mieux faire reculer la démocratie et la liberté d’opposition et d’expression. Pour extraire des fonds du patrimoine national – même si cela endette plusieurs générations à venir – et changer la loi pour consolider l’accaparement du pouvoir et des institutions par le clan Jugnauth, cela passe nécessairement par l’approbation du Parlement où on dispose d’une confortable majorité de votes. Cela passe comme une lettre à la poste surtout si on a au préalable expulsé quelques grandes gueules empêcheurs- de-tourner-en-rond.
Logiquement, on se croirait vivre à Haïti au temps de Papa Doc si la Cour suprême donnait 100 % raison au Speaker et au Premier ministre dans l’affaire de suspension des trois B. Pour PKJ, cela devrait être impérativement 100 % sinon c’est le désastre. La moindre critique serait fatale. Mais on ne sait jamais ce que nous réserve l’avenir surtout avec la façon dont les pétitions électorales progressent après avoir été logées dans moins de 21 jours suivant le vote du 7 novembre 2019. Mais PKJ ne veut prendre aucun risque. Avec son tapeur verbal compromis et fragilisé au Parlement, il met en péril la mise en place graduelle d’un régime autocratique. Mieux vaut un tout petit exercice de tire-caleçon que de gâcher l’oeuvre d’édification d’un royaume déjà enclenchée.
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