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Tout (ou presque) fout le camp
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Tout (ou presque) fout le camp
Ces éclats de voix, dignes des voyous, entendus à la Lunch Room du Parlement, et partagés sur les réseaux sociaux, révèlent le niveau de caniveau ou le manque de finesse de beaucoup de nos parlementaires ainsi que le peu de respect qu’ils ont pour ce qui était jadis une auguste Assemblée. Avec de tels élus, il nous semble quasi-impossible de rehausser le niveau des débats et, partant, aspirer à réinventer la politique telle qu’elle se pratique chez nous. Nous sommes définitivement arrivés au bout d’un cycle politique. Nous méritons bien mieux.
Le journaliste-historien Sydney Selvon, qui suit le Parlement depuis l’indépendance de Maurice, me confiait hier que c’est bien la première fois qu’il assiste à une telle «dégradation» parlementaire. «J’ai aussi connu le plus grand de tous les speakers, jamais égalé à ce jour, sir Harilall Vaghjee, un président de l’Assemblée majestueusement impartial et neutre. En ce temps-là, les plaisanteries entre opposition et gouvernement étaient empreintes d’élégance et de respect mutuel. Pas des vulgarités actuelles.
«Un échantillon célèbre fut ce qui suit : SSR, PM, octogénaire, en colère lança à Sookdeo Bissoondoyal, septuagénaire, leader de l’opposition :
- Come outside! Tombe déor!
Bissoondoyal : Mr Speaker, Sir, I regret I cannot accept, because there would be two widows!»
Toute la salle éclata de rire (car on jasait alors beaucoup sur les amours du «bolom»). Et tout le monde savait l’identité des veuves potentielles…»
***
La décadence de nos élus et de nos institutions est aussi illustrée de manière spectaculaire lors des travaux de l’enquête judiciaire à Moka. Au-delà de l’assassinat d’un agent politique du MSM, que d’aucuns voulaient voir classé comme un suicide, les basses manoeuvres, qui sont solidement ancrées dans nos moeurs politiciennes remontent à la surface, comme de l’eau putride.
Voyons les faits hideux qui émergent.
Ce n’est que six mois après la découverte du corps calciné de Soopramanien Kistnen que la Major Crimes Investigation Team – qui tombe sous l’égide de Heman Jangi et Khemraj Servansing; deux contractuels dont le sort et les revenus dépendent du gouvernement en place – que l’ex-ministre Yogida Sawmynaden est convoqué aux Casernes centrales.
À aucun moment, contrairement aux cas concernant les opposants ou les citoyens lambda, il n’a été question de charge provisoire ni par rapport à l’affaire Kistnen ni pour l’emploi fictif. Au contraire, les autorités avaient déployé les blindés et fermé des artères de la capitale pour que le ministre d’alors ne soit pas inquiété par le commun des mortels, qui sont par ailleurs électeurscontribuables- employeurs des ministres.
À noter aussi que les Private Prosecutions ont été tuées dans l’oeuf au stade préliminaire, pour des raisons procédurières, alors que la police n’a pas levé le moindre petit doigt. Ainsi on n’a pu jamais entendre Yogida Sawmynaden sur le fond de l’affaire de Constituency Clerk. Ce qui n’a pas empêché l’ex-ministre et Me Raouf Gulbul de crier victoire à la cour de Port-Louis.
Autre fait qui dérange : le policier Rostom dira au tribunal de Moka qu’il a choisi de ne pas prendre la déposition du frère du ministre Sawmynaden (Koomadha Sawmynaden) «car impliquant une VVIP et qu’il ne voulait pas que ces ‘allégations’ tombent entre les mains d’autres policiers».
Plus tard, Heman Jangi, face à la presse aux Casernes centrales, dira qu’une enquête est en cours sur Rostom et qu’il faut permettre à ce dernier de s’expliquer. Précisons que Rostom est toujours en poste, même pas suspendu…
Notre collègue-enquêteur Narain Jasodanand, qui suit l’affaire Kistnen bien avant qu’elle n’occupe la Une des journaux, nous rapporte que lorsque Sawmynaden consignait sa déposition, le 21 avril dernier à la MCIT, il avait son ‘itemised bill’ (relevé d’appels téléphoniques) sous les yeux. Alors que le tribunal attendait ce document depuis le début de la comparution de Sawmynaden à Moka ! Le tribunal ne l’a reçu que vendredi dernier quand la magistrate a eu à l’ordonner à travers l’obtention d’un Judge’s Order, ne l’ayant pas reçu «volontairement» de Sawmynaden – qui a dit à la cour de faire une demande au juge…
En fait, on n’aurait jamais su que Sawmynaden avait son ‘itemised bill’ sous les yeux si le représentant du DPP, Me Azam Neerooa, n’avait pas été assez perspicace pour constater, dans la déposition faite par Sawmynaden à la MCIT, que les dates mentionnées étaient bien trop précises, surtout pour quelqu’un qui aurait une mémoire défaillante.
Alors que l’on a dépensé des milliards et des milliards sur des caméras soi-disant dernier-cri, ne voilà-t-il pas que les images de Safe City ont été déclarées perdues à jamais après un mois par Huawei. Il suffit donc à la police d’attendre un mois pour démarrer une enquête et ainsi ne pas avoir des images, incriminantes ou pas. Me Rama Valayden a demandé à Vikash Seebaruth, enquêteur de la MCIT, pourquoi l’Ipad de Sawmynaden n’avait pas été saisi jusqu’ici alors que le PC de Kistnen l’a été depuis janvier dernier. On a eu droit à des sons bizarres du policier en guise de réponses.
Toujours au tribunal de Moka, on a appris que Sawmynaden conservait les clés du ministère du Commerce sur lui et qu’il pouvait y accéder n’importe quqnd sans l’aide d’un fonctionnaire, et sans l’autorisation du Permanent Secretary.
Mais heureusement pour nous, justiciables et contribuables, que la magistrate Vidya Mungoo-Jugurnath n’hésite pas à recadrer certains qui se prennent au-dessus des lois et du décorum. Est-ce un petit signe que tout n’est pas perdu à Maurice ?
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