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À deux doigts d’un État voyou
Il faudrait saluer la décision du gouvernement mauricien de se plier au jugement du Privy Council à Londres dans l’affaire Betamax. Les autorités ont décidé de dédommager Betamax dont les principaux actionnaires sont des membres de la famille Bhunjun.
En tenant compte de la façon dont la famille Jugnauth administre les affaires publiques depuis la fin de 2014, on s’attendait à une réaction du genre «en f.. f.. pa pou payé, gete ki zot pou fer». Mais le bon sens a prévalu et Maurice, déjà bien lancé pour conquérir le titre de Zimbabwe- sur-Mer, aurait été proclamé État voyou avec des conséquences inimaginables pour la réputation du pays.
Réputation déjà fortement compromise d’ailleurs par le placement de Maurice sur la liste noire de l’Union européenne, des constats pas flatteurs par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) et des agences comme Moody’s. Après un jugement du Privy Council, il n’existe plus aucun recours. Même si le Premier ministre mauricien se mettait à genoux devant le portail de Buckingham Palace pour quémander l’assistance de la reine, ce serait peine perdue. Si nous avions une télévision indépendante, avec un programme humoristique hebdomadaire, un scénariste aurait conçu un épisode de type Mr Bean mettant le Premier ministre dans une situation où il implorerait Narendra Modi pour que ce dernier demande à la Cour d’appel de l’Inde de casser le jugement du conseil privé de la reine. Au fait, l’Inde est un pays beaucoup plus avancé que Maurice dans le domaine de l’indépendance des institutions dont le judiciaire. Le label de Rogue nation en cas de non-paiement de compensation à Betamax aurait exposé la State Trading Corporation (STC) à bien des ennuis à Maurice comme à l’étranger. En effet, Betamax était en mesure de faire saisir des biens de la STC, y compris la limousine allemande fraîchement acquise pour le compte du nouveau Boss. Mais c’est à l’étranger que le non-paiement de la compensation aurait causé des dégâts, à commencer par les cargaisons de produits pétroliers dans les ports. D’ailleurs, Betamax avait déjà fait saisir un consignment de la STC dans un port indien mais une solution légale a vite été trouvée pour laisser partir le tanker.
Le statut d’État voyou aurait aussi eu un impact considérable sur les banques et les institutions mauriciennes, de même que chez les importateurs car il est toujours risqué d’avoir affaire à des gens dans un pays où le gouvernement lui-même n’honore pas ses engagements. Tout contrat conclu entre deux parties, surtout au niveau de l’État, engage celui-ci, quel que soit le parti politique au pouvoir.
La civilisation humaine est basée en grande partie sur le principe de la pérennité de l’État. Et le contrat constitue un pilier du système économique moderne. À moins d’être rédigé par des conseillers légaux totalement stupides, on dirait que tous les contrats sont «en béton». Préparés dans le strict respect des lois et de la Constitution. Si jamais une compagnie utilise un contrat – pas en béton car politiquement pas correct – mais en sipek que lui a préparé un avoué «progressiste», l’entreprise ne tarderait pas à déclarer faillite.
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