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Sur la route de l’autocratie

25 juin 2021, 08:30

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Sur la route de l’autocratie

 

Vous êtes nombreux à nous faire part de votre indignation par rapport au tableau des avis gouvernementaux (déposé mardi au Parlement par le Premier ministre) et à l’argent public que ce présent régime détourne à des fins vilement politiciennes. Comme si c’était l’argent du Sun Trust. 

Nos fidèles lecteurs devraient savoir que cette situation n’est pas nouvelle. Notre groupe de presse continue – et continuera inlassablement – son combat contre l’État, commencé en 2009, pour mettre fin au boycott publicitaire discriminatoire et illégal qui, régime après régime, nous cause des préjudices humains et financiers importants. Ce qui est autrement plus grave, c’est que ce boycott porte atteinte à la liberté de la presse et à la démocratie, au vu et au su de tous. De RSF à V-Dem en passant par les bailleurs de fonds et investisseurs.

Flashback. Le 19 avril 2013, nos hommes de loi avaient déposé une nouvelle plainte contre le ministre de la Justice, représentant du bras exécutif de l’État, réclamant Rs 14 666 666 (soit Rs 2 millions par mois de septembre 2012 à avril 2013), plus Rs 2 millions par mois à partir du 18 avril 2013 jusqu’à la date du jugement, et les intérêts au taux du jour. 

Ce n’est pas de gaieté de cœur que La Sentinelle en est arrivée là. Il est tellement dommage que ce soit au contribuable de payer pour une information à laquelle il a droit parce que le pouvoir se sert des moyens de l’État pour imposer sa politique revancharde et mesquine. Certes nous ne sommes pas dans les mêmes profondeurs (en termes de milliards) que Betamaxmais le mens rea est quasi-similaire. 

Avec le boycott publicitaire de l’État qui perdure contre La Sentinelle malgré un accord – ayant valeur de jugement –, signé de bonne foi, le 6 août 2012, notre groupe de presse perd chaque mois plus de Rs 1 million en termes de revenus directs et Rs 1 million en termes de «goodwill» puisque les lecteurs de l’express, qui demeure envers et contre tous le journal le plus lu de Maurice, sont privés des informations contenues dans les publicités et autres avis gouvernementaux. Ces informations sont par ailleurs envoyées, avec une logique souvent politicienne (c’est-à-dire discriminatoire, revancharde, liberticide), aux autres titres de presse. Les petits esprits qui officient au PMO, au GIS et aux Finances pensent avoir trouvé un moyen pour tenter d’asphyxier ceux qui osent critiquer l’action gouvernementale et de récompenser certains qui font des fois dans la complaisance. 

La liste des avis du GM qui a été déposée au Parlement est loin de refléter la vérité dans son entièreté. Les conseillers ont omis d’y inclure les grosses sommes dépensées par les parapublics et autres compagnies de l’État : MauritiusTelecom de Sherry Singh, MauBank, Banque de Maurice, DBM, MRA, NIC, MHC… la liste est longue… 

Et puis, l’on s’étonne que l’on dégringole dans les classements relatifs aux libertés de la presse et d’expression et que l’on grimpe sur les listes obscures des autocraties... 

*** 

Autres cieux, même démarche liberticide. Cette semaine, le quotidien hongkongais pro-démocratie Apple Daily a annoncé à ses lecteurs que son conseil d’administration se prononcera bientôt sur une éventuelle fermeture du journal. Et ce, après le gel de ses actifs dans le cadre de loi sur la sécurité nationale, imposée par la Chine en 2020 pour étouffer toute dissidence dans l’ancienne colonie britannique. Son propriétaire, le magnat de la presse et activiste, Jimmy Lai, est, lui, en détention, condamné à plusieurs peines de prison en raison de son engagement en faveur de la démocratie. Il pourrait passer le restant de sa vie en prison. 

Chez nous, malgré les lois criminelles qui datent du siècle dernier, notre souci principal demeure la crise durable que traverse la presse depuis une quinzaine d’années, crise qui s’est détériorée avec le Covid-19 et qui a vu disparaître nombre de confrères. 

Ceux qui sont aux commandes des entre- prises de presse se livrent, loin des projecteurs, à un véritable jeu d’équilibriste avec le papier qui n’est pas tout à fait mort et le Web qui ne cesse d’évoluer sur différents supports et avec de nouvelles audiences. Trouver le juste modèle économique demeure encore un vaste chantier. On doit surtout commencer par casser ce mythe selon lequel tout peut être gratuit sur Internet, sans conséquence aucune. C’est précisément cette illusion qui a mis à mal des entreprises de presse et qui, aujourd’hui, condamne la presse traditionnelle à se repenser. 

Au sein de La Sentinelle, outre le dévouement de nos journalistes sur le terrain (dont certains sont en quarantaine actuellement), sans l’apport de nos activités non-presse, et sans le courage et une bonne réactivité de notre équipe de management, qui ont permis de baisser nos coûts d’opération, nous serions encore plus dans le rouge, en tant que groupe de presse – surtout quand vous avez en face un régime qui veut vous réduire au silence ! C’est face à ces menaces perpétuelles que nous puisons notre énergie pour vous livrer, chaque jour, un journal indépendant et libre. C’est pour cela que le Dr Philippe Forget insistait sur le fait que nous, nous allons aux élections générales tous les jours.