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Faim du monde
Le 12 juin dernier, les dirigeants des pays les plus riches du monde – le G7 – étaient réunis autour du Premier ministre britannique, Boris Johnson, à Carbis Bay. Deux faits marquants de cette rencontre au sommet : le retour des États-Unis et de Joe Biden à la table multilatérale des discussions (pour contenir la montée de la Chine et freiner les élans russes) et l’accent remis sur le climat (dossier mis en veilleuse par le Covid-19 qui a chamboulé le monde entier, peut-être davantage que les attentats du 11 septembre et la crise financière de 2008-2009).
Si la situation liée à la pandémie reste préoccupante, surtout depuis l’émergence des variants Delta et Lambda, les dirigeants du G7, quelque peu désorientés ces dernières années par l’unilatéralisme de Trump, ont voulu mettre leurs divergences liées à la gestion de la pandémie par l’OMS, aux vaccins et aux variants de côté, afin de focaliser sur un enjeu commun pour l’humanité : enrayer le recul de la biodiversité d’ici 2030, en protégeant au moins 30 % des terres et des mers, notamment dans des pays comme le Ghana ou l’Indonésie. L’élite capitaliste mondiale entend aussi réduire de moitié ou plus les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 et à en finir, dès cette année, avec les subsides aux centrales à charbon. Dans le but de restreindre l’augmentation des températures en dessous de 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle, seuil au-delà duquel les scientifiques estiment que le changement climatique sera ingérable. C’est dire à quel point ces décisions et suivis sont importants.
En attendant le sommet du COP 26, qui se tiendra en Grande-Bretagne, la communauté internationale prend conscience des effets de la pandémie sur la sécurité alimentaire dans les pays du Sud…
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À l’heure des voyages privés dans l’espace pour touristes, de la méga constellation des satellites, de l’intelligence artificielle, de la monnaie virtuelle, des robots habiles et des techniques de capture carbone, un film d’horreur se joue dans le sud de Madagascar. Des centaines de milliers d’humains doivent manger des insectes et des feuilles de cactus pour rester en vie. Des mères impuissantes voient leurs enfants mourir et se laissent mourir à leur tour, pensant qu’elles resteraient alors ensemble, dans un monde où l’on ne meurt pas de faim, dans un monde sans fin… atroce.
Le Programme alimentaire mondial (PAM), après un constat sur le terrain il y a quelques jours, affirme que Madagascar serait «le premier pays au monde à expérimenter la faim due à la crise du réchauffement de la planète». De quoi nous faire réfléchir puisqu’il n’y a pas si longtemps, la Grande île, en raison de ses immenses terres fertiles, était le grenier de toute la sous-région.
Depuis ces cinq dernières années, la Grande île a connu plusieurs périodes de sécheresse quasi-ininterrompues. Les plantations qui s’étendaient à perte de vue sont des paysages disparus. Le comble de cette histoire révoltante, c’est que les victimes malgaches n’ont pas contribué au changement climatique mondial, mais paient quand même la lourde facture avec leur vie. C’est injuste.
Si la communauté internationale, les organisations régionales et les pays voisins, comme Maurice, n’entreprennent pas une action urgente, des millions vont bientôt mourir à Madagascar. «Si les tendances actuelles se poursuivent, le nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde pourrait atteindre 840 millions d’ici 2030», mettent en garde les agences internationales, qui sont aussi à pied d’œuvre en Éthiopie, dans le Sahel central, au Yémen et ailleurs. Mais chaque pays, empêtré dans ses problèmes liés au Covid-19 et ses variants, semble avoir mis de côté le dossier du changement climatique, car la menace n’est – en apparence – pas immédiate.
Cependant, quand la famine refait apparition, l’on se rend alors vite compte que le changement climatique n’est pas qu’un concept lointain. Et que ces effets ont déjà un sérieux impact, pas uniquement environnemental, mais à visage humain, non loin de nos rives, dans l’espace-COI.
En 2019, le nombre d’humains au bord de la famine avait déjà nettement augmenté, passant de 113 à 135 millions de personnes, à cause des conflits, des problèmes climatiques et des chocs économiques. Mais la pandémie change la donne depuis 2020. Elle asphyxie les économies et paralyse les systèmes de production et de distribution (aérien et maritime). D’une pandémie de santé mondiale, elle devient une «pandémie de la faim». C’est pour cela que le Conseil de sécurité de l’ONU suit de près la crise humanitaire qu’engendre cette insécurité alimentaire grandissante. Il y va de la sécurité humaine, au-delà du Covid-19 et des vaccins.
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