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Réouverture des frontières de notre imaginaire

25 juillet 2021, 06:31

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À quoi servent les nouveaux partis et initiatives politiques ? À renouveler ou moraliser la vie politique et moderniser le débat public ? À maintenir le morcellement du pays en tribus ethniques ou à changer la donne pour favoriser l’émergence des Barack Obama et des Tantines Kamala Harris ? À pousser pour des réformes électorales et constitutionnelles afin de faciliter un nouveau cycle politique, 53 ans après notre indépendance ? 

Lequel d’entre nous ressent un sentiment de fierté (?) devant un investissement chinois ou indien, ou occidental ? 

Au fond de nous, nous savons que chaque alliance a un agenda caché ; chaque mesure a une couleur. Cessons de mentir et de nous mentir. L’objectivité, c’est la subjectivité des autres, n’est-ce pas ? 

Si certains rêves sont purificateurs, on ne peut pas, en revanche, trop en vouloir aux gens d’être eux-mêmes et pour beaucoup, cela signifie être contre (différent de) quelque chose. Dans la vie, chaque personne a besoin d’amis et d’ennemis. D’aimer – et de haïr – ou de rester insensible, indifférent. Cela nourrit le soi, apparemment.

À écouter les nouveaux démocrates qui poussent, on pourrait déduire que les temps sont ivres de changement. «De changer pour le changement.» Et si le changement le plus efficace était l’oubli – plus efficace que la mort… 

Maintenant que nous avons déversé notre bile, peut-être serait-il plus sérieux d’essayer une analyse plus sobre et moins impulsive ? Je reste convaincu que le virage économique et la transition écologique – eux-mêmes tributaires d’un changement politique et constitutionnel – sont inévitables au fur et à mesure que j’entends le dialogue de sourds autour de la CSG et la MIC – deux bombes à retardement sur lesquelles nous ne réfléchissons, peut-être, pas assez. Nous n’avons pas d’alternative que de changer de perspectives, en plaçant l’avenir de nos enfants et des générations futures avant les nôtres. 

Ici, bien avant l’indépendance, et encore plus depuis, nous avons freiné la diversification économique qui est un impératif urgent. Tous les pays du monde illustrent la nécessité et le plus souvent l’effet salutaire du changement adaptif, surtout eu égard au changement climatique.

À Maurice, les mêmes lobbies retiennent le pays en arrière, comme jadis la «mentalité sucrière» qui défendait longtemps les intérêts acquis des gros sucriers, et ces besoins sine qua non de garantir quotas et prix d’un produit qui par lui-même n’était plus compétitif. L’autre aspect du cancer qui étiole l’économie demeure cet impératif électoral, avec des représentants multiculturels qui prennent la place des cerveaux méritants… 

*** 

Vendredi, dans le village de Troud’Eau- Douce, écrivains, éditeurs, conseillers de village, policiers, artistes, habitants lambda discutaient avec une rare passion de la nécessité d’ouvrir les esprits du pays tout entier en incitant à la lecture et à l’écriture. La réouverture des frontières dans ce village côtier rime surtout avec réouverture artistique, culturelle, indianocéanique. Le Festival du Livre à Trou-d’Eau-Douce s’ouvrira donc le vendredi 1er octobre en étroite collaboration avec les habitants et les forces vives du village. L’express, qui sera le partenaire média de l’événement, soutient ce projet car nous sommes d’accord avec l’instigateur Barlen Pyamootoo qu’il n’y pas d’autre issue pour notre pays que d’inciter les Mauriciens et tous ceux qui vivent à Maurice «à lire, à écrire, à partager leurs connaissances et à s’ouvrir aux autres». Afin de soigner notre regard sur nous-mêmes et mieux comprendre le monde qui nous entoure, dans sa diversité, dans sa complexité et dans sa subtilité. 

Comme nous le faisait remarquer l’écrivain John-Erich Nielsen, le fait de se plonger dans des écrits nous apportent des indices si précieux sur notre histoire commune et sa dimension profonde. C’est ainsi qu’on arrive à questionner l’histoire, à construire et à déconstruire certains mythes. 

Récemment je demandais à Ananda Devi (qui sera avec Carlo de Souza, l’une des plumes du festival à défendre Maurice-Rodrigues-Chagos-Agalega comme espace ou continent poétique) ce qu’elle pensait des liens humains qui se reconfigurent et se réinventent avec le confinement et le numérique. En bref, «quels liens humains à l’heure du coronavirus ?» Sa réponse : «(…) Nous avons bâti un monde fait d’illusions et nous nous félicitons de cette technologie quand nous avons aussi contribué à bâtir un monde où il n’est plus possible de nous toucher…»