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Value for money ?
Il est vraiment difficile de suivre, sinon de digérer, un gouvernement qui jongle avec les milliards avec autant de facilité, voire de désinvolture apparente.
Il est vrai qu’ils sont assis aux postes les plus puissants du pays et qu’avec vont les responsabilités les plus importantes. Mais, à la vérité, depuis 2014, on vole de sommet en sommet sur tellement d’items des finances nationales, généralement dans le mauvais sens, qu’il est sûrement temps de se poser la question : sont-ils tout à fait conscients de ce qu’ils font en notre nom ? Et avec notre argent ?
Le contribuable vient de payer presque Rs 6 milliards à la compagnie Betamax, après un jugement détaillé du Conseil privé qui rappelait essentiellement qu’«un contrat est un contrat» et que quand celui-ci prévoit une clause d’arbitrage, la décision qui en découle – dans ce cas celle du Singapore International Arbitration Centre – doit impérativement être honorée. Ayant été défait et sans doute pour se donner une contenance, le gouvernement ordonne instamment une commission d’enquête pour déterminer les circonstances de l’octroi du contrat en… 2011 et celles ayant mené à la rupture dudit contrat en… 2015. Il est permis de se demander pourquoi il faut cette commission d’enquête, après tout, puisque le gouvernement qui l’a ordonnée avait déjà TOUS les renseignements en main pour l’inspirer, à tort il est vrai, à révoquer ledit contrat, menant à la débâcle que nous connaissons. Si cette commission prend autant de temps que celle de Britam, d’ailleurs, ses conclusions pourraient émerger plus de 15 ans après la mise à flot du Red Eagle et ; selon la même probabilité qu’a le rapport Britam de ramener des «stolen assets» presque certainement fictifs de Rs 1,9 milliard à travers le programme STAR des Nations unies, cette commission aussi aura très peu de chance de déboucher sur quoi que ce soit de tangible. En effet, s’il n’y avait pas de quoi, «unarguably», pour entamer des poursuites au départ, à quoi servent de tels exercices, à votre avis ! Betamax et Britam, value for money ?
Le projet Safe City, qui aura coûté la bagatelle de Rs 16 milliards et dont le financement a été fait à l’abri de SPV plutôt qu’à travers le Budget, ne peut en aucun cas être justifié par la… réduction projetée du taux de criminalité à Maurice, de 4,8 millièmes de population en 2016 à 4,5/1000 en 2020 et à 4.0/1000 en 2030. De toute manière, on ne sait pas à quel point ce système de Huawei est vraiment efficace depuis son incapacité totale démontrée lors de l’enquête judiciaire sur l’assassinat de Kistnen. D’ailleurs, le site Web de Huawei qualifiant ce projet de «The inspiration for heaven» indique toujours que le projet «is expected for completion in 2019». Après quoi, le module de «facial recognition» sera efficace à 95 % pour les faciès et à 99 % pour les plaques d’immatriculation. Value for money, vous croyez ?
Le projet Côte-d’Or, quant à lui, aura pesé pour presque Rs 5 milliards pour une utilisation plus qu’épisodique. L’an dernier, dans le sillage du premier discours du Budget du ministre Padayachy, on faisait une tentative de mieux valoriser ce bel éléphant blanc, en annonçant un ‘appel à projets’ pour le lancement d’un Data Technology Park couvrant «12 highly skilled and specialised centers from additive manufacturing to deep artificial intelligence» (paragraphe 119). Rien d’annoncé à l’horizon depuis. Comme il ne semble pas y avoir eu beaucoup d’intérêt pour l’industrie pharmaceutique, non plus, malgré les fonds mis à disposition par la MIC (paragraphe 123). Par contre, Rs 400 millions ont bien été canalisées au budget de Liverpool FC, le métro a continué son petit bonhomme de chemin (Rs 6,235 milliards de nouvelles dépenses jusqu’en juin 2023) et l’on rêve toujours apparemment d’un immeuble de… 50 étages labellisé World Trade Center, sans, semble-t-il, du tout craindre le courroux éventuel d’un Al-Qaïda des contribuables. On connaît, par ailleurs, le sort réservé au Heritage City si cher à SAJ et à son ministre Bhadain… et le value for money ostensiblement démontré plus d’une fois lors des achats d’urgence faits par le gouvernement pendant le premier lockdown… !
Une balance commerciale négative de Rs 79,7 milliards en 2014 (20,6 % du PIB) en est rendu à Rs 111 milliards en 2021 (24 % du PIB), il est vrai avec l’aide d’un malinus virus. Si l’on compare les taux de change en septembre 2014 (moyenne de 12 mois) aux taux de change de lundi de cette semaine, on obtient le tableau ci-dessous. Less value for money ?
L’endettement national est passé de 60,7 % du PIB en 2014 à 95 % en juin 2021. Un Covid-19 Projects Development Fund institué le 28 avril 2020 va dépenser Rs 31,2 milliards sur les trois prochaines années, dont Rs 12 milliards dans le logement social, Rs 11,75 milliards dans les drains et Rs 3 milliards dans les routes. On peine à comprendre ce que ces têtes de chapitre ont à faire avec la Covid-19 elle-même… ou avec le développement per se ; mais c’est ainsi parce que cela aide à masquer le déficit du budget national (sauf à ceux qui savent poser les bonnes questions) et un peu éloigner le regard inquisiteur parlementaire sur la New Social Living Development Company, par exemple, qui va dépenser les Rs 12 milliards du logement social, sous son nouveau CEO, ancien chairman de la SIC et retraité controversé de la SBM, Jairaj Sonoo. Value for money ? Il faut l’espérer !
La CSG, votée à coup de bâtons et le NPF torpillé plutôt que reformé, ça va nous coûter aussi très, très cher. Pour la pension universelle à Rs 13 500 en 2023 pour les 65 ans+ et à Rs 9 000 pour les 60 ans+, le Budget devra combler un ‘trou’ de Rs 37,5 milliards en 2023, soit 7,5 % du PIB, une somme appelée à grossir d’année en année si l’on n’assomme pas entre-temps les contribuables plutôt, avec des taxes diverses. Le ‘trou’ du NPF s’y ajoutera au débouclage. Value for money ? Ce qui ne l’est pas du tout, par contre, c’est l’arrogance et le cynisme avec lesquels ces décisions sont imposées, même si à peine expliquées et pas du tout justifiées budgétairement.
Il y a eu de la valeur ajoutée avec le salaire minimum, on a été un High income country – même si de manière très fugace –, ‘nos’ réserves de devises sont élevées, même si fragiles et partiellement alimentées par des emprunts en forex et la Covid-19 n’a pas été trop mal gérée quand on constate les problèmes des autres pays ; mais la valse des milliards de ce pays est devenue effarante, surtout quand on constate les rendements économiques abominables de certains investissements faits jusqu’ici et que l’on prend connaissance que cela pourrait encore se poursuivre avec les milliards disponibles de la MIC !
L'édito paru cette semaine dans Business Magazine
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