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Tout est provisoire, tout s’achète ?
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Tout est provisoire, tout s’achète ?
En bons patriotes, soucieux de l’ordre public, l’on ne peut que souhaiter bonne chance au nouveau commissaire de police… par intérim.
Même si l’on devine qu’il a les mains liées en attendant sa… confirmation. Pour un tel poste stratégique, qui dispose sous la Constitution d’une Security of Tenure, il est bien dommage qu’Anil Kumar Dip ne soit pas d’emblée titularisé, comme ses prédécesseurs. Posons les questions qui s’imposent : pour être confirmé dans son rôle, que doit-il donc accomplir ? Arrêter des opposants au pouvoir ? Protéger des membres du gouvernement ou leurs proches à travers des «coverup » ? Les doutes sont permis, surtout depuis que le public a pu prendre connaissance des errements et zig-zags des enquêteurs dans la sinistre affaire Kistnen, qui a failli être classée comme un banal suicide d’un entrepreneur endetté, qui a eu le malheur de traîner dans des endroits où des cameras de Safe City ne fonctionnent pas.
Etymologiquement, «par intérim» fait référence à quelque chose ou quelqu’un de «provisoire», qui normalement n’est pas appelé à durer. Dans le monde du travail, le terme se réfère au travail dit «temporaire». L’une des differences fondamentales entre un CP provisoire et un CP permanent, outre la sécurité d’emploi, a trait au fait que les compensations salariales peuvent être différentes (surtout le package à l’heure de la retraite). Mais au-delà de l’argent, puisque nous ne pensons pas que le nouveau patron des Casernes centrales soit motivé par du cash uniquement, il y a cette sécurité psychologique, cette assurance contre les humeurs des princes du jour. Je prends un exemple : si Rajesh Bhagwan débarque à la Cybercrime Unit et porte plainte pour «annoyance» contre le speaker Sooroojdev Phokeer (en brandissant l’article 46 de l’ICT Act), le CP par intérim va-t-il agir aussi rapidement que son prédécesseur avait agi quand Sherry Singh ou Tania Diolle avait porté plainte contre des internautes ? Ou va-t-il zwe mor ?
C’est au pied du mur, dans le feu de l’action, qu’on verra si l’intérim aura des effets négatifs sur la productivité ou la vitesse d’ajustement au régime MSM du policier Anil Kumar Dip. Si pour plaire à Pravind Jugnauth, il doit devenir un bouclier comme Phokeer au Parlement (qui a fait feu de tout bois pour bloquer la question qui fâche sur Angus Road) ou comme le DG de l’ICAC (dont le contrat vient d’être renouvelé après son acrobatie indécente devant les Law Lords dans l’affaire MedPoint), alors on est mal barré. Car le MSM contrôlerait alors trois institutions, et non des moindres : l’Assemblée nationale qui expulse et insulte l’opposition, l’ICAC qui range des affaires embarrassantes – comme le Yerrigadoogate – dans des tiroirs fermés à double tour et… la police.
À travers le monde, la sécurité d’emploi est brandie pour protéger nos institutions du népotisme. Dans le passé, si le maître pouvait faire ce qu’il voulait avec l’esclave, l’employeur d’aujourd’hui ne peut, heureusement, pas en faire autant avec le travailleur, même si devant le prince du jour, certains se proclament esclaves, comme Showkutally Soodhun ou d’autres. Dans des pays où la sécurité d’emploi n’est pas garantie, parce que l’État de droit demeure un concept flou, laxisme et corruption se sont installés dans l’appareil étatique au détriment de la collectivité.
Meneur d’hommes, le commissaire de police, intérim ou pas, dirige des services spécialisés qui veillent à notre sécurité humaine : brigade criminelle (qui est sous le contrôle d’un autre contractuel, en l’occurrence Heman Jangi), des stupéfiants, renseignements généraux, corps paramilitaire, VIPSU… Il ne doit donc pas avoir peur du baton ou envie de la carotte des politiciens qui passent. La question : peut-on être libre ou esclave en liberté provisoire quand nous nous plions devant les lois imposées par autrui ? Un des mes auteurs préférés dit ceci, avec un brin de cynisme : «Tout est provisoire et tout s’achète. L’homme est un produit comme les autres, avec une date limite de vente.»
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