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Le bouffon du roi

9 août 2021, 14:11

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Il ne s’agit pas uniquement d’une affaire concernant un grossier personnage, dont l’opposition et la rue réclament avec raison la démission pour des propos abjects envers un député au Parlement. Il ne s’agit pas seulement des inacceptables excès d’un speaker s’illustrant régulièrement par un ignoble parti pris, avec une allégeance éhontée au gouvernement, expulsant les têtes gênantes de l’opposition ou les suspendant durant plusieurs séances parlementaires, à l’exemple de la sanction subie par Boolell.

Il s’agit, aujourd’hui, de la responsabilité engagée du Premier ministre qui se sert publiquement du speaker Phokeer comme bouclier contre l’opposition, un peu à la manière de toutes ces institutions agissant comme ses pare-chocs de protection : ICAC, force policière, etc.

En décidant de faire un indécent walkout pour gagner du temps, épargnant le Premier ministre de la question sensible de l’achat d’un terrain à Angus Road, en faisant des attaques personnelles sur la santé du député Bhagwan, le speaker illustre l’image d’un gouvernement faible qui, ne pouvant répondre sur certaines pratiques, encore moins rendre des comptes, préfère s’enfoncer dans des travers dégoûtants et dictatoriaux. Ce, qu’importe si notre petite île, qui a déjà un pied dans la République bananière, en prend un coup sur le plan international, avec la BBC Afrique faisant écho de l’inqualifiable «look at your face» et jetant la honte sur tout un pays !

Que dire de la remarque lapidaire du président seychellois Wavel Ramkalawan, n’hésitant pas à affirmer : «Nou parlman pli sivilize ki Moris !» Doit-on souligner le rôle infâme de la MBC, jouant sans pudeur au pompier en proposant une nouvelle déclaration de Ramkalawan, dans une tentative de couvrir l’opprobre !

Si ces nouveaux épisodes du Parlement s’ajoutent aux habituelles gesticulations intempestives et abus de pouvoir de Phokeer, cette situation rappelle aussi qu’avant même sa prise de fonction, des doutes furent émis sur son intégrité – une qualité que le ministre Hurreeram, n’ayant pas peur du ridicule, vient d’attribuer au speaker –, au point où Bérenger avait exprimé son désaccord.

Le leader du MMM était alors revenu sur un épisode de 2004, en racontant qu’il avait eu le «pénible devoir» de «rappeler» Sooroojdev Phokeer, qui était ambassadeur au Caire. Qui ne se souvient pas de la remarque de Bérenger – «seki konn diplomasi kone avan enn pei rapel enn anbasader, bizin kitsoz de bien grav» – pour affirmer que Phokeer avait dû rentrer à Maurice pour «bann kouyonad ki li ti fer» ? En précisant que ses dires pouvaient être vérifiées et se trouvaient dans les dossiers du ministère des Affaires étrangères.

Difficile de croire que Pravind Jugnauth ignore les raisons du rappel de Phokeer qui fut responsable de campagne de SAJ en 2014, décrochant après les élections, en guise de récompense, le poste d’ambassadeur aux États-Unis – où il fit encore parler de lui après qu’un Mauricien employé de l’ambassade l’avait accusé de lui avoir demandé de couper ses dreadlocks.

La suite, on la connaît : Phokeer est de retour quelques mois avant les législatives de 2019, s’engage dans la campagne, se fait voir dans les circonscriptions 8 et 10, et obtient le poste de speaker. Depuis sa prise de fonction en décembre 2019, il n’y a pas un seul mardi où ce speaker plus proche de la vulgarité que de la finesse ne se signale en prenant une posture totalement partisane – provoquant même un regroupement d’anciens parlementaires qui dénoncent ses agissements – pour mieux protéger le Premier ministre de questions embarrassantes.

Faut croire que son statut d’armure est efficace ! Le 12 mars, le voilà qui figurait en bonne place sur la liste des décorés, décrochant la plus haute distinction (Grand Commander of the Order of the Star and Key of the Indian Ocean GCSK) de la République ! Peut-on aller plus loin dans le nivellement par le bas ?

D’un côté, nous avons donc affaire à un chef se prenant pour le propriétaire du pays qu’il confond avec une monarchie, de l’autre, nous subissons le comportement répugnant d’un speaker qui, interrogé par Radio Plus sur son abominable «look at your face», met ce commentaire sur le compte d’un «joke» ! Indigne et inadmissible ! C’est ainsi que le speaker, coupable de ne montrer aucun respect envers la démocratie parlementaire, s’affuble d’un nouveau rôle : celui de bouffon ! Comme pour mieux plaire à son roi !