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Productivité : La clé !
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Productivité : La clé !
C’est quoi la productivité pour commencer ? En deux mots, c’est la capacité de produire plus par unité d’investissement, soit de capital, soit de la main-d’oeuvre. Ce n’est pas nécessairement une question de travailler plus, mais surtout une question de travailler mieux. Ça paraît simple dit comme ça, mais le reste est plus compliqué, même si, au bout du compte, il faut surtout signaler qu’être plus productif permet à un pays et tous ses intervenants de devenir plus riches ; entrepreneurs, fisc et employés compris.
Le dernier rapport de la Banque mondiale peut difficilement être comprimé en 1 200 mots (*) ! Cependant, on résumera, ici, certains points qui retiennent l’attention.
D’abord, il faut quand même rappeler la transformation structurelle de l’économie. L’agriculture, qui représentait 22,5 % de la valeur ajoutée (VA) totale de l’économie en 1976, ne représentait plus que 3,9 % en 2020. L’industrie, qui en était à 17 % en 1976, a connu une pointe d’un peu plus de 25 % du total entre 1990 et 2000 et chute à 14,4 % en 2020. Nous étions déjà dominés par les services, 60,1 % dès 1976 et nous en sommes à 81,7 % en 2020 ! Le rapport note que dans les années 70, 80 et 90, le secteur des services était largement dominé par le secteur gouvernemental : sécurité sociale, éducation, santé, administration publique. Et que ce n’est que subséquemment que la part du privé (un pourcentage que l’on ne précise malheureusement pas…) y augmente avec plus de tourisme, de Tic, de construction, d’activités financières. C’est dire si la productivité des services gouvernementaux pèse lourd dans l’équation finale ! Et quoi dire du commentaire maintes fois répété dans le rapport que le Food manufacturing (y compris le sucre ?) se distingue des autres secteurs (avec le retailing) du point de vue de la productivité, de la croissance et du taux d’investissement ; alors même qu’il se contenterait, selon la Banque mondiale, de produits à faible valeur ajoutée, d’un faible pourcent de maind’oeuvre dans les coûts et de peu d’investissement étranger ?
Comme nous le savions déjà, si la VA/employé augmente un peu depuis 2006, la VA/roupie de salaire payé baisse. Le secteur des services le plus performant apparaît être celui du commerce où la VA/roupie payée s’améliore. Une conséquence, du moins en partie, des employés «importés» du Bangladesh et du Népal ? À la veille du PRB et au vu de la note 7 (page 11) que le secteur public, représentant 20 % de l’emploi, émarge pour 25 % des salaires et compensations payés dans le pays, il est utile de souligner que le sous-secteur des services dont la productivité décline le plus abruptement est le secteur des «other services» où l’indice de 100 en 2006 a baissé d’environ 20 points en 13 ans… Ce que regroupe ce secteur n’est pas certain, mais peut se deviner. La productivité du secteur textile ne progresserait plus depuis 2015 par le double effet d’investissements négligeables et d’une montée en gamme qui ne se passe pas. L’effet des délocalisations vers l’étranger n’est pas explicité.
Le rapport souligne aussi que 90 % des gains de productivité/ employé sont générés par des gains internes aux secteurs euxmêmes (investissement dans les machines, migration de travailleurs de firmes moins productives (ou en faillite) vers des compagnies en meilleure forme, licenciements) et seulement 10 % sont dus à des changements structurels (où le travailleur possède l’outillage nécessaire pour changer vers un métier, en lui-même plus productif, par exemple). Le rapport souligne que les gains potentiels sont plus élevés quand le changement est d’ordre structurel plutôt qu’interne, ce qui suggère la nécessité de nouveaux secteurs plus sophistiqués, ce que le gouvernement a bien compris. Ainsi, la production éventuelle de médicaments ou le Data Technology Park lancé le 1er juin dernier avec Natec Medical de M. Vincent Lagarde (dont le séquençage de la Covid est confirmé ou pas ?). Encore faudrait-il avoir un système éducatif en phase avec ces transformations et un pays dont le comportement et les pratiques engendrent la confiance…
Au niveau du TFPR (Total Factor Productivity Ratio), le rapport souligne le fait intéressant que si notre niveau de productivité est comparable à ceux des pays High Income (HI) ou Upper Middle Income (UMI) pour les secteurs de Food et de textile, il y a une dérive significative pour la confection de vêtements. Nous sommes ainsi 40 % moins productifs que les HI et 20 % moins pour les UMI, ce qui paraît très inquiétant. Du côté de l’hôtellerie, la productivité paraît meilleure que celle des UMI et même des HI. Par contre, la restauration se compare mal.
Globalement, le rapport note (page 32) que si l’histoire du pays pendant des décades est caractérisée par de la croissance et de la transformation structurelle plus productive, cela n’est plus le cas depuis plus récemment. Il est souligné que cette situation de fragilité relative où les normes de productivité locale étaient à la traîne des normes équivalentes dans les pays de High Income, existait déjà avant la pandémie de Covid-19. Le rapport, soulignant combien les Outward-looking firms, soit celles qui exportent ou qui sont possédées par des étrangers, sont les plus susceptibles à faire progresser la productivité nationale, prévient qu’elles sont aussi les compagnies les plus susceptibles d’être affectées par les conséquences de la pandémie, ce qui augmente le risque d’un ralentissement de la croissance de notre productivité…
732 interviews de firmes de divers calibres furent aussi conduites entre février et novembre 2020. La pandémie n’a pas aidé cet exercice, bien sûr, et le taux de participation des grosses firmes – à seulement 19 % – a été, semble-t-il, un sujet d’embarras. La plupart des facteurs de contraintes sévères pour l’entreprise (page 42) ont cependant apparemment baissé entre le dernier sondage de 2009 et celui de 2020. Si c’est intuitivement compréhensible que l’accès aux finances, à l’électricité, au transport, à l’eau et aux permis semble meilleur pour les firmes, comment expliquer que les crimes/vols, la corruption, la stabilité politique et les cours de justice soient perçus comme des contraintes majeures ou très sévères par, en moyenne… 2,5 fois moins de firmes en 2020 ? On s’habitue ?
Pourtant, sur la question de fiabilité de l’électricité, par exemple, le rapport signale la contradiction que l’argent perdu à cause de pannes de courant est pourtant estimé à 5 % ici contre 0,7 % dans les pays HI… De plus, 81 % des grosses firmes ont un générateur et ce chiffre est à 65 % pour les firmes moyennes et 38 % pour les petites qui n’ont pas autant de moyens… Ce qui démontre quoi, sinon de l’anxiété ? L’accès aux finances, même si moins contraignant qu’en 2009, reste le souci majeur des firmes, mais surtout pour les PME. On ne peut expliquer le troisième facteur le plus cité comme contrainte majeure, c’est-à-dire les taxes, que si l’on postule qu’une bonne proportion des sondés ont réagi après le premier Budget de Padayachy en juillet 2020 qui brandissait le Solidarity levy, la CSG ainsi qu’une taxe sur le chiffre d’affaires…
Ce sondage révèle aussi moins de monopoles et plus de compétiteurs dans la plupart des secteurs d’activités, ce qui est a priori sain, sauf pour la compétition au «gris» ou carrément au «noir». L’innovation, l’ouverture sur l’étranger, la recherche et la réforme structurelle et (Chapitre 3, page 73+ et en particulier les figures 3.8 et A.3.5) un secteur éducatif/formation plus ambitieux sont préconisés pour fouetter la productivité vers le haut.
Somme toute, un rapport passionnant à lire, dans un domaine qui n’a pas toujours reçu l’attention qu’il mérite dans un pays où les augmentations de salaires sont souvent plus en corrélation avec la séniorité ou le confort politique plutôt qu’avec la productivité nationale. Pourtant, la productivité, c’est la seule mère nourricière raisonnable de notre richesse à terme… car son lait ne s’asséchera pas !
(*) Le Mauritius Productivity Survey and Report 2020-2021 peut être consulté sur le site Web de Business Magazine et notre page Facebook.
L'édito paru cette semaine dans Business Magazine
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