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Les enfants terribles

19 août 2021, 09:30

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Dans le cadre feutré de l’ambassade de l’Inde, à l’abri des regards (à cause du, ou, plutôt, grâce au Covid, il n’y avait pas plus de 50 invités), Navin Ramgoolam et Pravind Jugnauth, les deux ennemis jurés et enfants terribles de la politique locale, se sont croisés et ont échangé quelques mots et un long sourire. Un apaisement ou dégel qui ne va pas forcément plaire à la plupart des politiciens qui gravitent autour des dynasties Ramgoolam et Jugnauth, et qui profitent de l’affrontement systématique entre les deux camps. 

Le «body language» des deux leaders a de quoi susciter des interrogations et réactions de tous bords. La photo est parlante. Aucune agressivité, regards complices, bonne humeur, gestes courtois et élégants dans leur costume Modi Style. Ils ont échangé de longues minutes sur le Covid-19 et des blagues de nature politique. Tout le contraire des propos injurieux et haineux qu’ils ont l’habitude de se lancer devant le grand public. 

Et si, «dans l’intérêt supérieur du pays» – (pour reprendre la formule consacrée quand se dessine une nouvelle stratégie pour reconquérir le pouvoir et/ou pour le conserver) –, le PTr et le MSM enterraient la hache de guerre et décidaient de travailler ensemble ?

Toutes les parties concernées pourraient bénéficier de ce New Deal. Mother India serait trop contente qu’un nouveau régime post-2024 ne vienne pas contrarier ses plans dans l’océan Indien en général et sur Agalega en particulier (surtout avec la nouvelle faille géopolitique en Afghanistan et les liens sino-pakistanais). Navin Ramgoolam n’aurait plus besoin de choisir entre le numéro 5 ou le numéro 10, avec le risque de subir une troisième défaite consécutive aux législatives ; il pourrait aller au Réduit et installer Arvin Boolell comme numéro deux d’un hypothétique gouvernement MSM-PTr. Pravind Jugnauth pourrait, lui, dormir enfin tranquille à Angus Road sans se soucier des questions de Patrick Assirvaden ou de la campagne de l’opposition menée surtout par Roshi Bhadain et le MMM au sein du regroupement de l’Espoir. Certes, le leader du MSM aurait à gérer les frustrations qui vont naître au sein de son parti, mais pour rester au pouvoir, et résister à l’usure, il y un prix à payer et des concessions à faire.

Le PMSD, conciliant et consensuel depuis que XLD a pris les rênes, pourrait aussi être de l’aventure. La nostalgique alliance bleu-blanc-rouge pourrait se remettre au goût du jour. Le contexte économique actuel requiert une trêve politique. Le besoin d’un gouvernement d’unité nationale face aux challenges se justifierait sans grand problème.

Sur le plan social, dès la fin du Wage Assistance Scheme, il y a un sérieux risque de détérioration du climat. Face à l’inflation galopante et au chômage qui va augmenter, les patriotes peuvent d’ores et déjà mesurer l’aggravation simultanée des inégalités. Pour sauver le pays (et eux-mêmes), Ramgoolam et Jugnauth n’ont pas tort d’apaiser les tensions et de développer des relations civilisées. Une véritable politique de rupture et un mood apaisé pourraient aider à faire émerger de nouveaux piliers productifs, surtout si les touristes ne reviennent pas aussi nombreux qu’auparavant.

Et au panthéon de Pamplemousses, non seulement SAJ, mais SSR aussi, seraient fiers de la synergie mauricienne. Leur héritage serait encore plus solide et durable… Les enfants ont pris le relais et ne comptent pas laisser tomber le témoin.