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Les quatre facteurs expliquant la détente Ramgoolam-Jugnauth

21 août 2021, 09:59

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Le fait que le Premier ministre, Pravind Kumar Jugnauth (PKJ) ait laissé ses ministres pour aller saluer Navin Ramgoolam lors d’une réception de Nandini Singla, l’étincelante représentante de l’Inde à Maurice, ce koz kozé Navin-Pravind, constitue, dans le contexte de 2021, un élément politique majeur. 

Jusqu’ici PKJ et Navin Ramgoolam ont été perçus comme étant des ‘ennemis’ irréconciliables en politique, surtout après les humiliations que le leader rouge a subies dans les mois suivant les élections générales de 2014. 

Quatre facteurs pourraient expliquer le réchauffement des relations entre PKJ et Navin Ramgoolam. Ces facteurs s’articulent autour de Paul Bérenger, Xavier-Luc Duval (XLD), Roshi Bhadain et Nando Bodha. 

Le facteur déterminant aura été la prise de position du leader du MMM qui a été catégorique dans son refus obstiné à concéder tout rôle à Navin Ramgoolam dans une alliance élargie des forces de l’opposition. En revanche, Bérenger n’a jamais caché son appréciation d’Arvin Boolell. Question de semer la discorde chez les Rouges en vue de réaliser son objectif ultime de profiter de la division d’un certain électorat entre PTr et MSM et d’éventuelles scissions chez les Travaillistes eux-mêmes. 

Une telle stratégie du MMM n’est réalisable face à l’électorat divisé entre le Labour et le MSM qu’avec le concours inconditionnel du PMSD. Ce qu’a obtenu Bérenger car c’est pour la première fois de son histoire que le parti de Gaëtan Duval soutient carrément le MMM. Certes, il y a eu quelques épisodes de rapprochement dans le passé mais cela relevait davantage du folklore politique genre ‘front commun chaussettes’ en 1974 que d’une action commune. Le leader historique du PMSD rendant visite à la résidence de Bérenger lui avait emprunté une paire de chaussettes noires. 

Le fait que XLD et Bérenger fassent cause commune de cette façon a sans doute créé dans l’esprit des dirigeants comme des partisans tant du PTr que du MSM l’impression d’une polarisation style 1967. Cela n’aurait pas manqué de provoquer chez eux un réflexe automatique de danger commun. 

Le facteur Bhadain a aussi pesé lourd dans la décision de Navin Ramgoolam de se méfier totalement de la stratégie de Bérenger quand ce dernier a accueilli à bras ouverts l’ex-‘fils politique’ d’Anerood Jugnauth et de le soutenir fermement après la publication du rapport Britam. 

Ramgoolam qu’on dit rancunier n’aurait pas oublié le rôle de premier plan joué par Bhadain à partir de janvier 2015 dans la réalisation du double objectif de détruire à la fois Navin Ramgoolam et Dawood Rawat. Bhadain avait presque réussi à ‘acheter’ deux représentants de la compagnie suisse fournissant des produits duty-free à Plaisance pour couler à tout jamais le leader des Travaillistes.* On comprend alors pourquoi contrairement aux autres politiciens de l’opposition, Navin Ramgoolam a, lui, adopté une attitude positive envers l’ancien juge Bhushan Domah dans le contexte du rapport Britam. 

Enfin, le facteur Bodha dans l’équation Bérenger. Bodha vient lui aussi jouer dans la stratégie de fragmentation de l’électorat qui soutient, soit majoritairement, soit minoritairement, le PTr et le MSM, dépendant de l’enjeu fondamental qu’est le contrôle de l’Hôtel du gouvernement, son ultime symbole de pouvoir politique. 

Cet électorat a soutenu Navin Ramgoolam en 2005 parce que l’alliance opposée présentait Bérenger comme Premier ministre. En 2010 pas de dilemme pour cet électorat car le PTr et le MSM étaient réunis. En 2014, Navin Ramgoolam lorgnant l’hypothétique poste de président avec certains pouvoirs avait décidé de laisser l’Hôtel du gouvernement aux mains d’un futur Premier ministre Bérenger. On connaît les résultats. 

Quant aux élections de 2019, c’est seulement après que toutes les pétitions électorales auront été soumises aux différentes épreuves juridiques qu’on saura comment cet électorat a réparti son vote entre le MSM et le Labour. L’espoir de l’Espoir, c’est que Bhadain et Bodha viennent faire des incursions dans cet électorat pour le fragiliser davantage. 

L’analyse des données politiques indique que PKJ et Navin Ramgoolam s’estimeraient faisant face à un danger commun. Reste à savoir maintenant quel serait leur modus operandi respectif. À commencer par un enjeu pressant : les élections municipales. Une victoire totale de l’Espoir dans les cinq villes réconforterait Paul Bérenger dans sa stratégie de parcellisation de l’électorat qui lui est opposé. Sans une victoire sans bavure dans les cinq villes, il devient prenable.

*https://www.lexpress.mu/article/259558/scandale-mdfp-je-nai-rien-cacher-affirme-ministre-bhadain