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Pourquoi pas faire différemment ?
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Pourquoi pas faire différemment ?
Jeffrey Sachs est un économiste. Pas n’importe lequel ! Professeur à Harvard, puis à Columbia, Sachs est surtout connu pour être un homme de terrain, étant intervenu, au tout début de sa carrière, en Bolivie, pour juguler une situation d’hyperinflation, puis en Pologne quand Solidarnosc prit le pouvoir et qu’il fallait transiter d’une économie à planification centralisée à une économie de marché. Ce que la presse a fini par appeler sa «théorie de choc» fut aussi mis à l’épreuve en Slovénie (1991), en Estonie (10992), puis dans la Russie de Gorbachev-Yeltsin-Gaidar. La pauvreté qui s’ensuivit en Russie lui a valu d’être catalogué comme un néo-libéral pur et dur.
Cependant, plus récemment, il s’est intéressé aux problèmes de la pauvreté, de l’aide internationale et de l’écologie de la planète. En particulier, entre 2002 et 2006, il a été fortement impliqué dans les Millennium Development Goals (MDG) des Nations unies ainsi que dans sa séquelle des Sustainable Development Goals (SDG). Critique assidu du Fonds monétaire international et des banquiers internationaux qu’il accuse de stratégies d’investissement inefficaces, Jeffrey Sachs est intervenu il y a deux semaines à une conférence des Nations Unies qui faisait office de prélude au Sommet sur les systèmes alimentaires mondiaux de septembre prochain. Et comme à son habitude, il n’y est pas allé de main morte ! (*), dénonçant un système existant en faveur des pays riches, motivés – avant tout – par le profit de leurs compagnies et peu intéressés et même irresponsables face aux droits et aux besoins des moins fortunés.
Prenant exemple sur le cas de la République démocratique du Congo et ayant rappelé les 70 ans de colonialisme d’exploitation belge absolument abject, l’assassinat de Lumumba menant à Mobutu, l’intervention de la CIA, les opérations de Glencore pour accéder au cobalt, les actions de United Fruits au Honduras, M. Sachs insiste qu’il faut un système qui soit radicalement différent et qui ne peut, cette fois, donner la responsabilité au secteur privé – au motif qu’il est déjà au cœur du système existant qui est, d’évidence, terriblement imparfait !
Sa proposition, qui va certainement rendre certains inconfortables, tente d’évacuer l’hypocrisie accumulée et les intérêts grappilleurs des uns et des autres, en faveur des droits fondamentaux humains élaborés il y a maintenant 73 ans dans la Déclaration des Droits de l’Homme ; déclaration qui comprend le droit à l’Égalité de tous dans leur dignité (article 1er) ainsi que le droit à un toit, à de la nourriture, etc. (article 25) (**). Il souligne à cet effet combien son propre pays ne s’est soucié que des riches, leur accordant, par exemple, des cadeaux fiscaux massifs sous Trump et utilisant le filibuster plus récemment pour s’opposer à plus d’aides aux démunis.
«Économiser du temps, économiser de l’argent, économiser du ‘coût carbone’, ça devrait nous intéresser au plus haut degré»
Ses solutions ? D’abord, inviter l’Union africaine comme 21e membre du G20 pour aider à «changer la conversation». Ensuite, modifier la donne du financement international au développement ; les pays riches ayant pu emprunter, dans le sillage de la pandémie, environ 17 trillions de dollars à presque 0 %, sur les marchés internationaux, alors que les pays pauvres n’ont pu emprunter… rien du tout parce que les taux d’intérêt qui les confrontent sont à 5, sinon 10 %, quand bien même les prêts leur sont accessibles, ce qui est une quasi-garantie pour des défauts de paiement futurs (***). Sachs fait l’éloge d’études du FMI qui établissent le manque de financement pour les services de base requis dans les pays pauvres (eau, électricité, éducation, accès à Internet…) autour de 400 à 500 milliards de dollars, mais souligne qu’il n’y a aucun plan pour financer un tel besoin ! (Seulement 0,5 % du PIB mondial). Finalement, Sachs fait un fort plaidoyer pour le multilatéralisme et un rôle central grandissant pour les Nations unies, comme le seul chemin – même s’il n’est pas parfait – pour un ‘monde civilisé’. L’alternative est un monde divisé entre ceux qui ont et auront encore plus et ceux qui n’ont pas et qui vont évidemment vouloir leur part… ou pire ‘punir’ les nantis. À cet effet, il rappelle que le budget de base des Nations unies est de 3 milliards de dollars alors que celui de la ville de New York est de 100 milliards. Et de demander logiquement pourquoi l’on s’étonne de l’incapacité des Nations unies à régler des problèmes mondiaux…
Son diagnostic, sévère mais réaliste, c’est que les riches, y compris les pays riches, veulent tout accaparer et garder pour eux. À cet effet, il a assené un commentaire assassin à Bezos, Branson et Musk qui s’affichent dans leur course ridicule dans l’espace, en leur demandant simplement d’y rester et de laisser leur fric derrière pour le bien de l’humanité. Comme on le comprend ! Et c’est donc sans surprise que l’on entend Sachs clore ses recommandations en se focalisant sur les 2 755 billionnaires en dollars du monde qui contrôlent 13,1 trillions de dollars d’actifs. Son point ? Ils peuvent tous être plutôt confortables avec 1 milliard de dollars chacun, ce qui laisserait plus de 10 trillions d’actifs ‘excessifs’ qu’il faudrait taxer… immodérément.
En parlant de droit à un logement et des 12 000 maisons que va construire la New Social Living Development Ltd (NSLSD) qui prend la relève, plutôt privément, de la NHDC, a-t-on seulement pensé à… imprimer ces maisons ? Au moins partiellement ?
Eh oui, dans le sillage de la petite révolution du 3D-printing, on en est aujourd’hui à imprimer des maisons entières à des coûts révolutionnaires (on suggère jusqu’à 50 % du prix conventionnel) et dans des délais étonnement courts (8 fois plus rapidement, dit-on !) (****). Une de ces initiatives est un joint-venture de Holcim-Lafarge et de la CDC, qui se nomme 14Trees. Ils sont déjà à l’œuvre au Malawi, construisant maisons sociales et écoles et, bonus non négligeable, le «carbon footprint» de cette méthode de construction est apparemment réduit de 70 % !
Économiser du temps, économiser de l’argent, économiser du ‘coût carbone’, ça devrait nous intéresser au plus haut degré, n’est-ce pas, d’autant que le secteur de la construction est connu pour ne pas avoir fait beaucoup de progrès récent sur le plan de la productivité et que nous avons apparemment des difficultés à trouver de la main-d’œuvre locale – Larsen & Toubro dixit !
M. J. Sonoo et son conseil d’administration pourraient peut-être s’y pencher ? Rapidement ? Sérieusement ? Et nous récolter quelques économies palpables ? À moins que ce ne soit trop beau pour être vrai ?
(*)https://www.youtube.com/watch?v=WZ1xc491mnU
(**)https://www.un.org/en/udhrbook/pdf/udhr_booklet_en_web.pdf
(***) En parlant de quoi, sommes-nous redevenus un pays pauvre ? Du moins pour le moment ? Nous étions, en 2017, 63e mondial en termes de PIB/tête (PPP), après Trinidad (44e), les Seychelles (48e), la Grèce (51e), la Russie (57e), mais avant l’Iran (65e), l’Argentine (66e), la Lybie (67e), la Barbade (71e), la Thaïlande (74e), le Botswana (77e), la Chine (79e), les Maldives (80e), le Brésil (82e), l’Afrique du Sud (92e), les Fidji (108e), les Philippines (115e), l’Inde (122e), le Kenya (153e) ou le Rwanda (167e)
(****)https://www.youtube.com/watch?v=3pT2QIxle54
https://www.youtube.com/watch?v=XHSYEH133HA
https://www.goodnewsnetwork.org/worlds-first-3d-printed-school-to-be-built-in-madagascar/
https://www.youtube.com/watch?v=wCzS2FZoB-I
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