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Ça va être ma fête !

29 août 2021, 08:26

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Le philosophe Diogène vivait, paraît-il, dans un tonneau et ne buvait pas que de l’eau. Entre deux lampées ce dernier professait : «J’ai tôt fait d’être fêtard. Hips!»

L’histoire de l’humanité est truffée de bons vivants, adeptes de fêtes, de banquets, de foires, de kermesses ou de beuveries. En remontant nos arbres généalogiques, nous sommes certains d’y retrouver les premiers Homo habilis (l’Homo erectus avait des principes trop rigides) ayant fondé la foire annuelle du mammouth laineux de Minsk ou le festival de peinture à gadoue de Lascaux. Des réjouissances somptueuses organisées par le pharaon Pthapengrog IV aux boums de la grosse Bertha à Liège, les hommes et les femmes ont célébré sans relâche et avec entrain à tel point que «faire la fête» fut inscrit dans les gènes de l’humanité.

J’ai aussi hérité de ce génome qui me poussa à célébrer les fêtes religieuses avec ferveur et les fêtes consuméristes avec zèle. Dans ma jeunesse, je ne ratais jamais une occasion de faire bombance. Le «poc» d’un bouchon qui sautait ou la voix d’un DJ qui testait son micro à coup de «one, two, test, one, two», m’attirait comme le politicien vers le proverbial marocain. J’étais connu de Grand-Gaube à Ripailles sous le sobriquet de «Travolta des Mascareignes» ou parfois, «Toc l’éponge». J’étais à peine garé dans les parkings d’une soirée mondaine que mon odorat hyper développé me fournissait une indication très claire du contenu de la carte des boissons et une liste détaillée des «gajaks» en cours de préparation. Si ces derniers n’étaient pas à mon goût, j’émigrais sans tarder vers un autre cocktail, un anniversaire, une discothèque ou une taverne, délaissant volontiers le petit four pour une portion de «korn frir». Ma vie de noctambule étant sans cesse saturée, il me fallait en permanence avoir ‘foie’ dans un destin qui n’était pas toujours ‘cirrhose’.

Mais, les fêtes des mères, des maires ou des mers locales ne furent plus suffisantes pour assouvir ma passion et je fus bien obligé de chercher des événements ailleurs que sur notre île. Après un apprentissage intensif, mon vocabulaire s’enrichit de mots tels que «party», «festa», «partido», «pātī», «Antoko», «Üdeshleg» qui me permirent d’entrevoir la possibilité de m’exporter aux quatre coins du globe (pour peu qu’un globe ait des coins). Le premier festival qui me tapa dans l’œil fut la fête de l’ours de Prats-de-Mollo. Les participants devaient s’enduire le corps de suie et d’huile, se mettre une peau de mouton sur le dos, pousser des grognements gutturaux et s’élancer dans la ville en apposant la marque de l’ours sur les spectateurs avant d’être capturés et tondus. Un peu une version pyrénéenne de «touni-minwi», mais en plein jour. Ayant déjà la pilosité et la stature d’un ours, je n’eus aucune peine à m’y inscrire.

Il me faudrait ensuite prendre l’avion pour Darwin en Australie afin de participer au «beer can regatta» où je devrais vider des centaines de cannettes de bière et fabriquer avec les cannettes vides un radeau de fortune pour m’élancer dans une course frénétique en tentant de suivre deux lignes droites apparemment parallèles. Brassant l’eau à l’aide de mes pagaies, il me faudrait fendre la houle et surmonter la pagaille des équipes adverses, éviter les requins et les crocodiles pour arriver premier aux lignes d’arrivée. Les survivants participeraient à une nouba du tonnerre de Brest alors que les moins chanceux seraient mis en bière.

Finalement, j’aurais voulu participer au festival de boue de Boryeong, en Corée du Sud. Durant huit jours, les participants se vautreraient dans une boue cosmétique aux vertus régénératrices avant de terminer le festival dans la liesse populaire où les derniers debout se sentiraient sans doute un peu vaseux. Il est stipulé sur la brochure qu’une connaissance de la prononciation du coréen est essentielle afin de ne pas se retrouver par mégarde à Boreong en Corée du Nord pour le festival de coups ayant lieu à la même période et…

… surtout ne pas confondre «ça va être la fête» avec «ça va être ta fête!»