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Je généralise, tu généralises, il généralise, nous généralisons…
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Je généralise, tu généralises, il généralise, nous généralisons…
On a toujours tort de généraliser.
On ne peut pas condamner les vaccins en extrapolant à partir de quelques rares cas d’effets secondaires même s’ils sont parfois graves. On aurait grand tort de cataloguer tous les Afghans (ou, pire, tous les musulmans !) de fondamentalistes peu respectueux de droits humains et même de la vie des autres. Si notre île n’est pas ce que l’on peut appeler un modèle de propreté – tant au sens… propre qu’au sens figuré – tous ses citoyens ne sont pas, ni des crasseux, ni des filous. Il faut faire attention de ne pas prolonger l’anecdotique dans des généralisations… héroïques. Nous vivons dans un monde remarquablement diversifié et pluriel, construit autour de nuances, parfois seulement subtiles, mais souvent décisives et notre devoir est de comprendre et de résister à la recherche du facile et à la paresse intellectuelle. Car elles mènent inévitablement (je généralise…) aux clichés réducteurs et aux généralisations qui déforment, ce qui peut finir par enflammer…
Chercher et reconnaître des tendances est légitime, mais il faut les ancrer dans des faits, voire des statistiques fiables. Généraliser est possible, mais seulement si on est conscient des exceptions et quand cette généralisation n’enclenche ni l’insulte, ni le faux, et donc le dangereux.
Car la vérité, spécialement celle des idées, ne se trouve ni toujours à gauche, ni toujours à droite ; ni toujours dans l’idéologie X ou la philosophie Y. La vérité des idées, pour fluide qu’elle soit, ne peut tenter de se retrouver que dans un parcours qui se juge selon des valeurs universelles, ce qui n’est pas toujours aussi évident qu’on ne le croit – chaque être humain étant modelé par son expérience et son environnement tout à fait unique. La convergence d’idées contraires vers un corpus de convictions communes, cela prend du temps et demande du travail, beaucoup de travail, y compris sur soi-même. On n’a d’ailleurs pas du tout besoin d’être d’accord sur tout ou de se plier à la pensée unique favorisée dans un État autocrate, qui est souvent voué au culte d’un quasi demi-dieu. Les États démocratiques accueillent et encouragent, n’est-ce pas, la multiplicité et même le choc des idées et elles ne se portent pas plus mal pour cela. Étant des sociétés ouvertes et aussi transparentes que possible, elles peuvent parfois donner l’impression de chaos occasionnel, de déchirements, de perdition même, mais tant qu’il y a un corps commun majoritaire qui se rallie à des valeurs souhaitables, on avance.
La clé est sans doute de convenir de ce qui est «souhaitable» pour un pays ou une communauté d’intérêts et de pouvoir y rallier une majorité. L’esclavage ou l’apartheid ont sans doute été souhaités par de nombreux intérêts puissants à une époque, mais s’ils ont finalement été honnis et bannis, c’est sûrement parce que ceux qui en profitaient ont été défaits par les valeurs humanitaires de majorités de plus en plus présentes et agissantes. Dans de nombreuses civilisations passées, les besoins des aristocrates, des guerriers et des ‘élus de Dieu’ prenaient invariablement précédence sur ceux des ‘autres’ qui n’avaient tout simplement pas voix au chapitre. Mais de tels systèmes sont intrinsèquement instables et mènent éventuellement à la révolte. Il n’a pas fallu attendre 1789 d’ailleurs pour l’illustrer! La République de Rome date de 510 BCE (Before the Current Era). Le tyran Hippias est renversé à Athènes par une oligarchie d’aristocrates, qui elle-même doit céder le pouvoir à la première démocratie de la planète ! Le soulèvement populaire mené par Lady Trieu, contre les Chinois incrustés au Vietnam, dure 23 ans à partir de l’an 225. Les mouvements contestataires et les révolutions parsèment l’histoire de l’humanité parce qu’à un moment, les partisans du ‘mieux’ se mobilisent et démontrent, populairement, que leur moment est arrivé (*). La contre-révolution est évidemment aux aguets et tente toujours de revenir vers ses acquis antérieurs. Ainsi va le monde.
Les Talibans d’Afghanistan, qui n’existent comme un mouvement structuré que depuis 1994, sont revenus au pouvoir. Ce n’est sûrement pas un mouvement majoritaire et ils s’implantent à la force des armes et de la terreur, mais qui sait ce que sont les souhaits majoritaires dans ce pays qui organise pourtant régulièrement des ‘élections’ depuis au moins 1949 ? En effet, les guillemets sont de circonstance dans ce pays où les fraudes électorales paraissent être endémiques, où les Talibans menacent de couper les doigts de personnes ayant voté – identifiés en cela par l’encre indélébile qui est supposé prévenir du vote multiple – et où le taux de participation des dernières présidentielles en était réduit à 20 %, après des attentats-suicides talibans ayant fait 48 morts et 80 blessés à 11 jours du vote du 28 septembre 2019. Ce jour-là il y eut d’ailleurs, officiellement, encore 3 morts et 37 blessés, quoiqu’une enquête du New York Times indiquait plutôt 40 morts et environ 190 blessés…
Jeudi, comme pour illustrer la diversité d’intérêts qui s’entrechoquent chez les Afghans, deux attentats-suicides faisaient des dizaines de morts, dont 13 Marines et plus de 20 Talibans. C’est la branche locale de l’État Islamique (ISKP) qui revendique ces attentats qui, par contrecoup, illustrent une image plus ‘politiquement correcte’ et même modérée pour les… terroristes talibans !
Mais quittons l’Afghanistan et prenons un cliché comme «Les compagnies privées ne pensent qu’aux profits !», ce qui est, d’ailleurs, largement vrai et qui devrait, en plus être leur véritable raison d’être dans un système d’économie libérale, comme celui où nous opérons. En effet, sans profit, pas d’existence possible, contrairement au service dit «public» où les syndicats peuvent pousser le culot jusqu’à exiger un PRB antidaté à janvier 2020, comme si la pandémie les avait rendus sourds et aveugles à ce qui s’est effectivement déroulé depuis ! Ne nous est-il pas imposé le devoir de reconnaître qu’il y a plus qu’une nuance entre «faire des profits à n’importe quel prix» et «faire des profits en respectant les lois» et aussi avec «faire des profits en respectant (au moins une part) d’impératif moral» ? Airbnb est venu cette semaine illustrer le danger du cliché. Ils ont offert, temporairement, mais gratuitement, 20 000 logements aux réfugiés afghans, en attendant une solution permanente. Airbnb, qui salue les propriétaires qui ont accepté cette initiative, s’est engagé à payer pour ces logements…
On ne doit pas généraliser et dire que tous les riches sont des égoïstes et que tous les pauvres sont intrinsèquement bons. Ou son contraire. Je ne sais pas pourquoi on monte des théories conspirationnistes contre Bill Gates qui utilise pourtant sa fortune à bien meilleur escient que les frères Koch(**), mais quand on constate le total manque de preuves, on ne peut que conclure à une volonté satanique de destruction, à l’existence de la cervelle reptilienne plutôt basique d’un certain public prêt à gober que tout ce qui est peu familier est dangereux et à l’influence d’un outil, le réseau social qui, sous le vernis de la technologie, permet et favorise le regroupement et la démultiplication de la stupidité de groupes.
On serait injuste de généraliser pour ce qui est de tous les politiciens et de souhaiter qu’ils partent tous. Ne vaut-il pas, au moins, la peine de retenir les moins mauvais, voire les meilleurs, même si personne n’est parfait ? On aurait intérêt à ne pas généraliser sur tout le service civil. Certains services s’améliorent, par exemple l’informatisation du fisc, alors qu’il faut aussi compter avec des enquêtes policières complaisantes ou des procès qui ne s’écoutent pas, même après… 15 ans ! Il serait mal seyant de généraliser et de dire que tous les immigrants sont dangereux, que les athées sont des suppôts de Satan et que les croyants sont tous des ‘élus de Dieu’, que les blondes sont stupides, comme les Belges d’ailleurs, et que les Asiatiques sont tous experts en maths. Nous connaissons tous des hindous qui sont favorables à ‘l’amizé-bwar’ et des créoles qui sont pacifiques et travailleurs ; des musulmans incroyants et des chinois bêtes. Et alors, quoi conclure ?
Qu’il faut plutôt juger sur pièce… !
C’est Alexandre Dumas qui aura aujourd’hui le dernier mot. «Toutes les généralisations sont dangereuses», écrivait-il, «y compris celle-ci !»
(*) https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_revolutions_ and_rebellions
(**) https://www.theguardian.com/ commentisfree/2019/aug/28/the-koch-brothers-tried-tobuild-a-plutocracy-in-the-name-of-freedom
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