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Pas de croissance sans productivité …
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Pas de croissance sans productivité …
S’il est besoin de le rappeler, la croissance à tout va peut avoir de bien sérieuses conséquences. Sur la planète, par exemple, de laquelle nous pompons tous nos besoins : minerais, bois de forêt, poissons, oxygène et vers laquelle nous renvoyons tous nos déchets : métaux lourds, détritus divers, plastique, méthane, oxyde de carbone. Au point que la planète, ou Gaïa de son nom aujourd’hui «biologique», ne tient plus et réagit avec violence.
Un des problèmes dont on parle pourtant peu, puisque ce n’est malheureusement pas du tout politiquement correct, c’est la croissance démographique. Pourtant, la population mondiale, qui était de 1 milliard en 1804, atteignait 2 milliards en 1900 et que nous sommes presque HUIT fois plus nombreux maintenant qu’au début du 19e siècle. Les projections onusiennes, de leur côté, indiquent un tassement de la population mondiale à 10,9 milliards en 2100, alors que presque… 110 milliards d’humains nous ont jusqu’ici précédés et sont déjà morts (1).
Chaque être humain, de plus, veut (et voudra !) évidemment améliorer sa condition et ses avoirs, y compris ceux qui ont déjà bien trop d’argent (*), ce qui en rajoute à la pression sur la planète. Dans une image saisissante, les organisations écologistes décrivent l’empreinte écologique de l’humanité comme requérant déjà 1,7 planète par an pour renouveler ce que nous en consommons et pour absorber ce que nous rejetons comme pollution. Ce qui est d’évidence insoutenable (2) ! Le pays avec le plus grand déficit de biocapacité au monde est (tiens !) Singapour, son empreinte écologique dépassant sa biocapacité de renouvellement par 10 300 % ! La Réunion (tiens aussi !) est le 3e mondial (+2 580 %), Israël 4e, Dubaï 8e (3)…
Il faut se rappeler cette facette de l’équation économique car, de l’autre côté, personne ne semble avoir tout à fait l’antidote à la croissance puisque très peu d’individus sont prêts à renoncer à ses bienfaits et à faire un grand retour ‘vers la nature’. C’est-à-dire renoncer à la ville, à la consommation, à Internet et la télévision, à la médecine et à la voiture… Or, la croissance, semble-t-il nécessaire pour assouvir les soifs individuelles dans une population qui explose, dépend, selon les économistes, de trois facteurs de base : le nombre de personnes qui travaillent, la quantité de capital à disposition et la progression de la productivité de ceux-ci. Si, comme en Chine et comme à Maurice ces jours-ci, le pourcentage de population en âge de travailler est au moment de baisser et que l’appétit pour de l’infrastructure (routes, métro, Internet, etc.) semble déjà largement assouvi, il ne reste alors effectivement que les gains de productivité, technologiques ou méthodologiques, pour alimenter cette croissance ! Qu’on se le dise !
«Si la croissance dépend de la productivité, la productivité de notre port, seul et unique lien pour notre commerce extérieur d’ailleurs, a intérêt à être au point. Pour cela, il nous faut un gouvernement qui ait le courage d’agir»
Or, nous ne paraissons pas être très bons à ce niveau. Selon les chiffres publiés par le NPCC (National Productivity and Competitiveness Council), si la productivité de la main-d’œuvre tire son épingle du jeu en progressant par une moyenne de 2,5 % par an entre 2009 et 2019, la productivité du capital est presque nulle à 0,1 % par an et baisse même de 0,3 % en 2019. Cette analyse de la décade à 2019 cache, d’autre part, la descente inexorable de Maurice sur l’indice combiné de la productivité «capital et main-d’œuvre». En effet, selon le graphique publié par FRED (Reserve Fédérale de St Louis, à partir des études de l’université de Groningen et de Californie), notre Total factor productivity index (PPP) a connu son apogée en 1987 (indice de 1,90), son point le plus bas en 2010 (0,96), remontant lentement à 1,25 en 2019, grâce notamment aux gains de productivité de la main-d’œuvre (4). Où tout n’est pas rose non plus, puisque les augmentations de salaires progressent systématiquement plus rapidement (4,8 % entre 2009 et 2019) que la progression de la productivité de la main-d’œuvre (2,5 %)…
On peut sans doute extrapoler en disant que des milliards investis, comme dans Côte d’Or ou Safe City, qui ne génèrent presque rien comme ‘production’ mesurable n’aident en rien à la productivité du capital. Si les mêmes milliards avaient été investis pour doubler, mettons, la productivité de notre seul port national, en réduisant le temps passé par les bateaux à attendre d’être débarqués à, mettons, 24 heures en moyenne et aussi à augmenter le nombre de mouvements de containers par heure à mettons, 30, notre productivité nationale prendrait assurément son envol !
Pourtant, Gassen Dorsamy, l’ancien General Manager de la Cargo Handling Corporation, déclarait récemment dans le numéro 361 de l’Eco Austral, que «… malgré des investissements de huit milliards, la productivité du port mauricien n’a pas vraiment augmenté. Et elle est erratique, ce que détestent les armateurs…». Difficile de cerner les détails, puisque le rapport annuel de la CHC, s’il parle de gouvernance, ne parle aucunement de performance ! Ce qui est certain, c’est que les armateurs de CMA CGM utilisent désormais La Réunion comme ‘hub’, que la MSC a pesté dans le passé contre les inefficiences du port et même le vol de ses conteneurs menant, pour un temps à l’utilisation de Colombo pour des transbordements, que Evergreen et Mitsui ne desservent plus notre région et que même Tamatave croit qu’elle a ses chances face à nos insuffisances portuaires…
À la vérité, si nous avons huit portiques achetés à grands frais, on n’utilise qu’un maximum de six pendant la journée et un maximum de trois ‘après les heures’, car le port, et la CHC en particulier, est un monopole que les fonctionnaires craignent et à qui les politiciens font bien attention à cause des votes que peuvent mobiliser 1 500 employés et leurs familles. Héritiers des stevedores de l’époque, plus personne ne fait du travail dur, sac de 50 kilos sur la nuque, heureusement, puisque tout est mécanisé. Des salaires de Rs 100 000 pour des cols bleus à Rs 170 000 pour des portiqueurs ne seraient certes pas à reprocher si le pays s’y retrouvait au niveau de la productivité, si les rêves de port de transbordement n’étaient pas régulièrement menacés et si les armateurs ne trouvaient pas régulièrement motif à dévier leur volume sur Tamatave, La Réunion (qui ont, heureusement pour nous, des facilités physiquement limités) ou même Colombo ! Car, nous pourrions être le port le plus efficient de l’océan Indien et ainsi transborder et éclater le cargo sur toute sa périphérie, nom de Dieu !
Si le gouvernement ne règle pas ce problème bientôt, les bruits de couloir indiquant une cessation d’activité de MSC, dont les feeder vessels régionaux sont les plus à souffrir, risquent de se matérialiser et il faudra alors, la queue entre les jambes et ayant perdu la face, envoyer des délégations à Genève pour… encore faire des promesses !
Si la croissance dépend de la productivité, la productivité de notre port, seul et unique lien pour notre commerce extérieur d’ailleurs, a intérêt à être au point. Pour cela, il nous faut un gouvernement qui ait le courage d’agir. Nous avons des cartes à jouer dans un océan où le rapport 2019 de la CNUCED rappelle que Madagascar et La Réunion sont 142e et 143e mondiaux dans le temps médian passé au port pour les transporteurs de vrac liquide, que les Maldives sont 156e mondial pour les porte-containers et les Seychelles 173e mondial pour les transporteurs de marchandises diverses.
Ces chiffres, loin d’être des raisons de fierté relative pour Maurice (voir tableau 3.4), doivent surtout être reconnus comme indiquant de véritables opportunités. Desquelles les citoyens-consommateurs du pays pourraient aussi directement bénéficier. Si seulement chacun voulait enfin faire son travail !
(*) Pour mettre en perspective : si les 13,1 trillions de dollars possédés par les 2 095 billionnaires de 2020 étaient partagés équitablement aux 7,8 milliards d’habitants de la planète, chacun recevrait…1 680 dollars, soit Rs 71 150. Une seule fois, évidemment.
(1) https://www.bbc.com/news/magazine-16870579
(2) https://www.footprintnetwork.org/our-work/ecological-footprint/
(3) https://data.footprintnetwork.org/?_ga=2.28357433.48906073.1631520095-1525586189.1631520095 - /
(4) https://fred.stlouisfed.org/series/CTFPPPMUA669NRUG
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