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Contretemps ou nouveaux départs ?

3 octobre 2021, 10:38

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C’est une semaine qui va compter. Car Air Mauritius va reprendre son envol, l’arrangement proposé aux créanciers ayant été adopté par un vote très largement majoritaire, comme on pouvait s’y attendre. 

Il fallait pourtant, comme au poker, payer pour ‘voir’ la suite et cela va nous coûter, à nous les contribuables (et PAS aux chefs politiques qui prennent la décision en notre nom), Rs 12 milliards pour ‘voir’. Pour le moment. 

Contrairement au poker , cependant , ou, ayant payé pour voir toutes les cartes de son adversaire, on les voit en effet de manière intégrale ; ici, Rs 12 milliards sont puisées d’on ne sait quels fonds d’ailleurs, pour payer une liste de créanciers à hauteur de Rs 9,5 milliards, mais aussi pour financer la relance d’Air Mauritius pour Rs 2,5 milliards, alors que cette relance reste éminemment floue, aucun ‘business plan’ n’ayant été détaillé, hormis la constitution d’Airport Holdings, superstructure regroupant désormais Air Mauritius et pilotée par Ken Arian, dont le CV illustre une grande pudeur, au moins par rapport au monde de l’aviation. Entendons-nous : M. Arian est peut-être bien un gestionnaire hors pair qui va inverser les tendances et sauver Air Mauritius SANS l’apport transversal d’AML, ATOL et Mauritius Duty Free Paradise, mais les probabilités sont que l’on a mis beaucoup, beaucoup trop sur ses épaules ! Ceux qui l’ont nommé devront assumer. Nous, les contribuables n’auront d’autre choix que de payer… 

On sait que la flotte d’avions a été réduite de quatre appareils, occasionnant une ‘perte’ par rapport à la valeur inscrite dans les livres de MK de Rs 3,4 milliards. Mais comme le soulignait Megh Pillay, l’ancien CEO d’Air Mauritius, ce jeudi, n’aurait-il pas été plus judicieux de garder ces quatre appareils qui sont «en parfait état de marche et d’entretien» plutôt que de s’en séparer pour Rs 290 millions? Même si plus coûteux à opérer que la flotte plus neuve qui est conservée, est-ce que les administrateurs sont en train de nous dire que ces quatre avions ne sont pas économiques à opérer même à un ‘realisable price’ de Rs 290 millions, avec d’autre part, les provisions qui vont avec ? 

Rama Sithanen de son côté, à la radio, lève un tout nouveau lièvre en suggérant que certains des appareils quasi neufs qui restent devraient être échangés chez Airbus contre des A321 mieux adaptés, selon lui, pour desservir la région. M. Sithanen, comme M. Pillay, en connaît bien plus que nous sur l’aviation et s’il a raison, n’est-on pas en devoir de demander pourquoi des A321 n’ont pas été achetés plutôt que les A330 Néo controversés de 2017 ? Qui a le mot final sur les achats d’avions finalement ? Quelqu’un qui connaît bien le monde de l’aviation ou celui qui est juste, en la circonstance, l’«alpha male» du moment ? 

Mais nous parlons, là encore, du passé pour lequel on peut trouver des responsables, voire des coupables, mais que nous ne pouvons changer. Ayant payé Rs 12 milliards, allons-nous ‘voir’ un avenir pour Air Mauritius ? Aucun plan d’action, aucun budget prévisionnel n’aura été aperçu jusqu’ici. Ce qui fait sourciller et qui laisse la porte grande ouverte à d’autres possibilités de pertes futures et d’autres rallonges du contribuable, d’autant plus que l’aviation qui reprend un peu partout au monde est encore largement en surcapacité, ce qui pourrait vouloir dire de la forte compétition sur les prix, ce qui n’arrangera pas les perspectives des compagnies aériennes… surtout si, en plus, l’on reprend du personnel à la demande du PM. 

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Autre affaire de la semaine : St.-Louis ! Non, l’on ne vous parle pas du Saint Louis de l’histoire, le Louis IX de France, couronné à Reims à l’âge de 12 ans, ce qui enclencha la régence de Blanche de Castille. Cet unique roi de France canonisé en 1297, notamment parce qu’il était perçu comme juste et d’une grande intégrité morale pour l’époque. Grand réformateur, c’est lui qui introduisit le concept de la présomption d’innocence et mena deux croisades inutiles. Capturé lors de la 1ère, il fut rançonné, mais mourut de dysenterie lors de la seconde. Sa canonisation, il la doit sans doute surtout à son zèle chrétien sans nuance et sans compromis. En 1240, par exemple, il fit brûler 12 000 copies manuscrites du Talmud et une de ses lois punissait le blasphème par la mutilation de la langue et des lèvres. 

Autres moeurs pour d’autres temps ! 

Notre St.-Louis à nous, par contre, est désormais synonyme de corruption, d’affairisme et, peut-être même, de règlements de comptes. L’ex-ministre Kasenally, à l’excellente réputation jusqu’ici, a été arrêté ainsi que le CEO du Central Procurement Board, M. Dosieah, après que deux employés de PADCO, dont le directeur financier, M. Patrice Leung Lam Hing, ont à leur tour été arrêtés. En amont de tout ça, M. Bertrand Lagesse, consultant, M. Alain How Thyn Voon de PADCO, le Principal Engineer du CEB, M. Jahajeeah, ainsi qu’un ingénieur du Central Procurement Board, M. Rajarai, ont aussi été arrêtés. Les fuites d’informations à l’ICAC évoquent d’autres arrestations à venir, y compris de fonctionnaires et de politiciens alors que des noms de code croustillants auront été utilisés pour tenter de masquer le nom de ceux qui étaient payés pour favoriser PADCO. Des sommes d’argent plutôt grassouillettes semblent avoir été mobilisées pour graisser de nombreux rouages… La suite de l’enquête sera intéressante à suivre car il faudra aussi, dans certains cas, pouvoir faire la différence entre pots-de-vin et commissions de consultant ou de ‘porteur d’affaire’. 

Cependant, deux constats émergent déjà. Le premier, basé sur la seule longueur de la liste d’arrestations à ce stade, témoigne de l’ampleur de cette maladie que l’on appelle le pouvoir de l’argent et, éventuellement, de la corruption. Il semblerait, à constater les dégâts jusqu’ici, mais en respectant évidemment la présomption d’innocence si chère à Louis IX, que plus grand monde ici ne résiste à l’attrait du fric, que la culture ambiante des affaires publiques est fortement imprégnée du virus ‘tout pour le fric’ et que ceux qui voudraient se la jouer honnête jusqu’au bout, seront donc des handicapés pour la vie. D’ailleurs, il faut bien rappeler que notre St.-Louis à nous n’aurait probablement jamais eu lieu si les Danois de Burmeister & Wain Scandinavian Contractors, le fournisseur de turbines pour Rs 4,3 milliards, n’avaient pas enquêté sérieusement chez eux et, même aux dépens de leur réputation immédiate, épinglé leurs propres employés. Ceci forçait alors l’African Development Bank, le bailleur de fonds, à interpeller le gouvernement mauricien. De nombreux citoyens pensent d’ailleurs que la nécessité de sortir de la liste grise du FATF-GAFI a été, au moins en partie, propice à la diligence démontrée par l’ICAC sur ce dossier particulier. Il ne faut pas leur en vouloir, au vu de certains antécédents. 

Le deuxième constat est que le CPB lui-même, tombe désormais dans la mélasse du doute. Ce qui ne manquera pas de générer de funestes conséquences ! Dans le passé, il y a bien eu des remises en question de certaines décisions du CPB, des disputes aussi, mais nous avons, dorénavant, un arbitre des approvisionnements nationaux dûment signalé comme potentiellement pourri. Ceux qui ont perdu des contrats passés seront-ils encouragés par la diligence de l’ICAC et tenteront-ils, peut-être, des actions légales ‘récupératrices’ ? Quant aux pourvoyeurs de biens et de services honnêtes, ils reprendront potentiellement courage en priant tous qu’ils pourront désormais compter sur le pouvoir dissuasif de l’ICAC contre la corruption… ? 

Si ce n’était pas le cas, il sera quand même toujours mieux de perdre des contrats plutôt que de corrompre pour les gagner ! Pour se le confirmer, il n’est que nécessaire de voir la dégaine de ceux qui sont arrêtés ces jours-ci et d’imaginer leur anxiété quotidienne !