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Crime de lèse-majesté
À chacun ses définitions de patriotisme et à chacun ses principes de bien contre le mal, ou d’ombre versus lumière, ou, plutôt d’opacité/transparence. Mais en écoutant les récents propos du Premier ministre qui, au lieu de rassembler, choisit de diviser le pays dans le cadre de Divali, surtout sur des plateformes socioculturelles – qui l’érigent en petit «roi de Maurice», on ne peut s’empêcher de mettre en relief sa lecture très subjective et biaisée de l’histoire contemporaine de notre pays commun.
Avec sa tenue à la Modi, Pravind Jugnauth se prend pour un chef de guerre. Son choix des mots révèle sa stratégie de bataille pour galvaniser, de manière séparée, les tribus de la République, en utilisant les Jocelyn Grégoire par ici et les Bhojraj Ghoorbin, président de la Mauritius Sanatan Dharma Temples Federation par-là, pour amadouer leurs ouailles. Et tenter de raviver les peurs du passé, en peignant l’opposition et la presse – brefs tous ces «antipatriotes » qui ne l’applaudissent pas quand il parle – en de dangereux Ravana. Qu’il faudrait neutraliser.
Depuis qu’on a mis à nu les failles de nos services financiers (avant la liste grise) et celles, toujours bien présentes, de nos services de santé contre le Covid-19 et ses variants, le gouvernement mène une sorte d’Inquisition permanente contre la liberté de la presse et la liberté d’expression. Est-ce pour faire diversion sur les vrais problèmes et enjeux que les conseillers du gouvernement décochent des flèches sur les messagers et les plateformes numériques ?
L’Histoire regorge d’exemples qui illustrent les procédés des régimes aux pouvoirs vacillants qui n’arrivent pas à rassurer des sociétés fragilisées par des échecs, économiques, politiques ou sanitaires. Ainsi on a connu les purges staliniennes aux sorcières brûlées à la Renaissance en passant par la révolution culturelle en Chine ou l’assassinat des journalistes au Mexique, en Russie, ou en Inde. On envoie au bûcher les hérétiques et les déviationnistes pour soulager les angoisses en les faisant payer à d’autres. Les temps incertains sont réglés par un spectacle télévisé qui consiste à faire quelques exécutions publiques, sur fond religieux.
Heureusement que la plupart des Mauriciens ont déjà trouvé, dans notre commencé comme nation, des faits et des nuances qui nous préservent de l’extrémisme du politicien, qui a fini par croire ceux qui le flattent matin, midi et soir.
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Ceux qui ont parcouru le nouveau Cybersecurity and Cybercime Bill, qui subrepticement va remplacer la Computer Misuse and Cybercrime Act, vous diront que c’est un cheval de Troie du gouvernement. Souvenons-nous : le pouvoir fait tout pour contrôler les commentaires sur les réseaux sociaux et étouffer la voix des dissidents. La presse et des organisations internationales ont alors longuement commenté l’article 46 (h) (ii) de l’ICT Act, qui stipule que toute personne qui, en utilisant un moyen de télécommunication, «(ii) … causes annoyance, humiliation, inconvenience, distress or anxiety to that person» commet un délit. Cette loi a par la suite été utilisée contre la presse, même si le gouvernement avait dit que c’était pour contrôler les dérives sur Internet. En avril 2021, une cinquantaine d’organisations internationales – qui condamnaient, sans réserve, l’infâme Consultative Paper – «on proposed amendments to the ICT Act for regulating the abuse and misuse of social media in Mauritius» – avaient mis en avant ceci : «We call on the government and ICTA in particular to retract the consultation paper, which proposes radically disproportionate measures to counter offensive speech on social media and presents a threat to human rights – specifically, the rights to privacy and free expression including press freedom. If it is sincere in its desire to uphold human rights and democratic principles, the government can explore more proportionate and rights-protective measures, appropriate to the context of a free society, for the regulation of illegal conduct on social media...»
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