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Plan banal de la realpolitik…
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Plan banal de la realpolitik…
Le transfugisme ordinaire illustre la réouverture du Parlement avec un député de l’opposition (Abbas Mamode, ex-PMSD) changeant de place aussi facilement que de parti politique, en devenant un backbencher du gouvernement.
Doit-on réellement s’étonner de l’absence d’idéologie d’un élu à un autre (Bodha avait fait le chemin inverse en avril) quand tous les partis traditionnels ont fini par se ressembler et quand l’unique motivation reste l’accession au pouvoir ?
L’effervescence de ces dernières semaines, avec des démissions des rangs de l’opposition (Sobrun, Dayal, Dulloo…), traduit un phénomène connu en politique : la lassitude découlant de l’usure sur les bancs de l’opposition, la perte lente mais certaine de la crédibilité des partis opposants, n’arrivant pas à se réinventer et les appels du pied du MSM qui ratisse large pour se maintenir au pouvoir.
La stratégie du Sun Trust relève de l'évidence : affaiblir ses adversaires pour consolider ses assises ! Et ce, quitte à donner un coup de pied à la moralité en faisant du débauchage indécent, pour accueillir chaleureusement des membres qui, hier encore, critiquaient les actions gouvernementales.
Ce qui compte aujourd’hui pour le parti orange ? Nourrir l’effritement des partis de l’opposition qui n’ont pas besoin du gouvernement pour tirer sur l’ambulance, tant ils s’écharpent entre eux sans pouvoir s’entendre sur une stratégie commune. Bérenger a tenté de rectifier le tir samedi, affirmant que les choses évoluent dans la bonne direction.
N’empêche, l’image que l’on retient reste celle d’une opposition désunie, avec des membres influents quittant le navire, à l’exemple de Dulloo, claquant la porte du MMM dont les rumeurs faisaient accroire (à tort jusqu’ici) qu’il serait le futur remplaçant de l'impopulaire speaker Phokeer !
Voilà donc le gouvernement qui profite de cette situation de désaccord entre ses adversaires directs, s’en prenant à l’opposition, tout en ménageant le Parti travailliste sur toile de fond de deux épisodes éloquents : la surprenante photo des leaders Jugnauth-Ramgoolam et le déploiement de force du gouvernement pour le déplacement du leader rouge parti se soigner en Inde.
Certes, tout ce cirque ne relève pas de grandes visions mais plutôt d’un plan banal de la realpolitik pratiqué à Maurice, donnant à chacun son «bout», tout en maintenant les pourvoiristes dans les allées de l’hôtel du gouvernement.
C’est ainsi que Pravind Jugnauth multiplie les sorties ces dernières semaines, prenant la parole un peu partout, passant à l’offensive contre une opposition affaiblie qu’il pourrait prendre par surprise pour annoncer des élections municipales. Avec la réouverture des frontières, le rapport du PRB rendu public, le pays sortant de la liste grise du GAFI, le Premier ministre se refait une image, même si les chiffres (loin d’être transparents) sur le nombre de malades et de morts de la Covid-19 provoquent toujours des émois.
Personne n’est dupe : le gouvernement veut montrer qu’il maîtrise la situation et que toutes les critiques – à tort ou à raison – ne sont que l’oeuvre des anti-patriotes ou d’une opposition qui se «désintégrera par elle-même», dixit le Premier ministre. Celui-ci profite de toutes les plateformes que lui offrent les célébrations de Divali pour faire ce qu’habituellement nos chefs locaux font en cette période : consolider les liens avec l’électorat hindou en profitant de la lumière des diyas pour assombrir les adversaires. On aura entendu Pravind Jugnauth affirmer «que des membres de l’opposition ont fait des commentaires sur l’habit de nos ancêtres».
Comme il fallait s’y attendre, Jugnauth peut compter sur le soutien de plusieurs responsables des associations socio-culturelles à l’exemple de Bhojraj Ghoorbin, président de la Mauritius Sanatan Dharma Temples Federation, affirmant : «Nous avons besoin d’un Premier ministre comme vous et vous aurez toujours notre soutien.»
N’a-t-on pas également entendu la présidente de la Hindu House lancer que «le Premier ministre ne doit pas avoir peur» et qu’il «aura toujours le support de la Hindu House» ? Doit-on revenir sur les commentaires de Choonee (autre démissionnaire du PTr en avril dernier) et président de Gopio International qui a, en présence de Pravind Jugnauth, lâché que «la majorité des Mauriciens ont montré leur préférence pour le maintien d’un Indian Origin Prime Minister dans le pays» ? Si l’on ajoute la proposition du ministre Gobin qui annonce une augmentation exceptionnelle de compensation aux planteurs, on pourrait conclure que le gouvernement MSM continue son opération yeux doux à son électorat.
Serait-ce pour éviter d’être accusé de porter des visières ethniques que Pravind Jugnauth s’est rendu aux célébrations des 35 ans du Centre Nelson Mandela où il a affirmé sa mission de promouvoir la culture africaine et créole à Maurice ? Ou tente-t-il de séduire la communauté créole avec le soutien du Père Grégoire dont les applaudissements nourris envers le Premier ministre ont provoqué avec raison la colère de l’Église catholique ? Allez savoir !
Une chose est sûre : ce bouillonnement actuel n’est pas innocent !
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