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Focus
L’édition de novembre 2021 du MCB Focus en est la 85e de la série. C’est un document respecté et attendu sur le marché mauricien car au-delà de son langage un peu châtié, souvent diplomatique, le point de vue qui s’y exprime voit nécessairement large et s’appuie sur les dernières données disponibles.
On ne peut pas dire que ce dernier document est particulièrement enthousiaste.
Il prévoit un taux de croissance du PIB réel de 4,4 %, soit de 40 points de base de moins que la projection faite en juin dernier. À la base de cette révision à la baisse, la MCB cite une révision à la baisse du rebond économique attendu lors du second trimestre de 2021-22 ; de 25 % à 18,8 %, découlant d’activités ralenties par les protocoles sanitaires dans le secteur des Arts, du divertissement et de la recréation, d’une production sucrière en baisse et des conséquences de la hausse des prix. Le PIB pour 2021 est donc maintenant estimé à 463 milliards de roupies, soit 93 % du PIB prépandémie, de 2019.
Cependant, les dégâts ne s’arrêtent pas là puisque ce PIB de 2021 se chiffre à seulement 11 milliards de dollars, par rapport aux 14 milliards de dollars de 2019, soit à 79 % du PIB de 2019 en pouvoir d’achat réel. Le PIB par tête suit avec ferveur : une estimation de 8 838 dollars en 2021 par rapport aux 11 058 dollars de 2019. La dévaluation de la roupie est passée par là…
«Ayant retardé l’ouverture du ciel plusieurs fois, c’est maintenant que l’on va connaître notre «pointu» et cela nous coûtera bien plus cher économiquement…»
MCB Focus se concentre beaucoup sur le tourisme et ce n’est pas surprenant puisque cette industrie importante (2 000 millions de dollars de revenus annuels) est restée quasiment fermée 18 mois jusqu’au 30 septembre dernier. Le pronostic n’est pas très rassurant puisqu’il est estimé que les arrivées touristiques seront, sur les 3 mois ouverts de 2021 (dont le mois ‘phare’ de décembre), inférieures à celles de 2020. Or, en 2020, nous n’avons connu un aéroport ouvert que jusqu’à la mi-mars et nous avions, jusque-là réceptionné… 305 000 touristes seulement. Ce qui mène d’ailleurs, logiquement, MCB Focus au commentaire que le nombre de touristes va «… undershoot the forecast of 325,000 of the authorities by a non-negligible margin after factoring in seat capacity constraints and uncertainties pertaining to the take up in long haul travel». D’autant plus qu’une partie des touristes réceptionnés ces jours-ci avait déjà payé ses vacances avant avril 2020, ce qui ne s’ajoutera forcément pas aux recettes du trimestre…
Et la MCB de faire le constat accablant que les Maldives, qui ont repris leurs activités touristiques dès juillet 2020, sont en passe d’aligner 1,3 million de touristes pour 2021, soit 30 % de plus que les prévisions, ayant notamment réussi un certain degré de diversification en intégrant la Russie, l’Arabie saoudite et le Kazakhstan au Top 10 de ses pays fournisseurs ! Avec une pointe de mortalité entre le 4 mai et le 30 juin 2021, les Maldives ont enregistré 247 morts de Covid. Aux Seychelles, qui reçoivent des touristes depuis mars 2021, soit 6 mois avant nous, les arrivées en 2021 devraient être de 50 % supérieures à celles de 2020. Il y a eu 122 morts de Covid après une pointe de cas entre mai et juillet. Ayant retardé l’ouverture du ciel plusieurs fois ici, c’est maintenant que l’on va connaître notre «pointu» et cela nous coûtera bien plus cher économiquement…
Évidemment ! On est pourtant prévenu depuis longtemps déjà (Relire «L’illusion» du 30/09/2020 ou encore «Tourisme : le baiser de la mort, l’espoir d’un renouveau» du 04/11/2020). La figure 2 de ce MCB Focus, ci-joint, est l’illustration parfaite de la frilosité nationale qui nous a été dictée jusqu’ici et qui ne nous évitera même pas, de toute manière, le refrain cinglant et coûteux de la pandémie !
«Le WAS étendu, le PRB sanctionné sans contrepartie de productivité, le poids de la pension qui va augmenter avec la CSG et une population vieillissante qui vivra plus longtemps, tout cela n’augure rien de bon si nous ne trouvons pas comment, rapidement, vivre à l’intérieur de nos moyens et abandonner l’illusion que tout va très bien, madame la marquise !»
MCB Focus No 85 n’est pas que morosité. Le sourire, nous dit-on, proviendra de la zone franche qui va bénéficier de la roupie plus compétitive et (c’est nous qui ajoutons) des contraintes conjoncturelles de la Chine. Aussi de la construction et notamment des travaux publics, de l’ICT et du secteur financier – dûment échappé de la liste grise du GAFI. La projection de croissance pour 2022 est, de plus, par contrecoup, révisée à la hausse par 40 points de base, à 6,9 % et il est même prédit que l’investissement national (GDFCF) sera augmenté de 60 points de base à 19,7 % du PIB.
L’avenir, cependant, n’est jamais certain et il est donc raisonnable de garder les yeux ouverts sur les risques qui penchent cependant, négativement, à ce stade, selon MCB Focus.
Si une économie mondiale plus dynamique, plus de touristes, un taux d’investissement supérieur à 19,7 % ou des gains de productivité (vous croyez ?) peuvent aider à dépasser les projections ; de nouvelles vagues de variants de Covid, un marché touristique plus frileux que prévu ou mal stimulé (voir Maldives), l’inflation importée, des marchés monétaires plus restrictifs ou coûteux, des délais prolongés sur la nécessité pourtant absolue de consolidation fiscale – ce qui pourrait impacter la confiance des investisseurs et des agences de notation –, des investissements qui traînaillent ou qui ne se concrétisent pas ; peuvent tous faire basculer les ambitions économiques du pays.
Car nous sommes déjà fragilisés.
L’inflation s’aggrave et personne n’a besoin du CPI pour le constater, les chaînes d’approvisionnement du pays coûtent plus cher, le fret aussi, la dette publique grimpe tout doucement vers son paroxysme, malgré de nouveaux prêts bilatéraux de l’Inde. Le déficit commercial du 1er semestre de 2021 s’est détérioré de 18 % de plus, la balance négative des comptes courants, qui était au niveau déjà inquiétant de 4,5 % du PIB au 1er semestre 2020, est passé à 8,2 % pour la période comparable de 2021 et pourrait dépasser les 14 % pour l’année entière ! Le WAS étendu, le PRB sanctionné sans contrepartie de productivité, le poids de la pension qui va augmenter avec la CSG et une population vieillissante qui vivra plus longtemps (Covid permettant), tout cela n’augure rien de bon si nous ne trouvons pas comment, rapidement, vivre à l’intérieur de nos moyens et abandonner l’illusion que tout va très bien, madame la marquise !
Les analystes de la MCB, extrapolant du 1er semestre de 2021, s’attendent, par ailleurs, à une amélioration des flux de capitaux, y compris de l’assistance financière de gouvernements et des agences de financement, ce qui nous ramènerait en territoire positif, l’an prochain, au niveau de la balance des paiements. Mais il faudra sans doute mériter cette confiance renouvelée ? D’une manière ou d’une autre ?
Il y a beaucoup de pains sur la planche !
Est-ce ce qui a mené à discontinuer la publication mensuelle des «Assets and liabilities» de la Banque centrale depuis la dernière publication… du 2 juin dernier ? Est-ce ce qui a empêché de publier le bilan de la Banque centrale au 30 juin 2021, alors que ce rapport est attendu, selon la section 32(3) du Bank of Mauritius Act, depuis le 31 octobre dernier ?
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