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Le carton rouge écarlate de la «mère» France
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Le carton rouge écarlate de la «mère» France
Pour mieux comprendre la profondeur de l’abîme dans lequel se trouve Maurice en cette fin d’année 2021 et surtout après le carton rouge écarlate que la France vient de nous infliger, quelques faits historiques et sociologiques méritent d’être soulignés.
La France a marqué de façon indélébile la vie de chaque Mauricien après avoir légué sa langue et le créole, le moyen de communication le plus facile des citoyens de ce pays et de la grande communauté de la diaspora. Les Mauriciens ont aussi intériorisé plusieurs facettes de la culture et des traditions de la France.
Après la conquête de notre archipel par les Britanniques en 1810, les Rosbifs devaient vite établir un modus vivendi avec la France et ses descendants à Maurice. Ils aidèrent ainsi les planteurs francos en introduisant une armée de coolies de l’Inde pour faire rouler les plantations de canne après l’abolition de l’esclavage.
Après l’indépendance de Maurice, la France devint particulièrement active dans notre pays, tant sur le plan diplomatique qu’au niveau de l’assistance au développement. Durant la même période, on assista à une émigration massive des Mauriciens de différentes origines mais surtout ceux au bas de l’échelle sociale vers la France. Aujourd’hui, presque toutes les familles mauriciennes comptent des proches qui sont établis en France.
Vu dans une perspective historique, on peut comprendre pourquoi la France joua un rôle de premier plan en bénissant le mariage politique historique entre sir Seewoosagur Ramgoolam et Gaëtan Duval en 1969. Mais aussi dans l’île Maurice de l’ère MMM, la France, devenue de plus en plus socialiste, ne manqua pas d’influer sur le cours des événements.
Pendant longtemps Maurice fut le seul pays du Commonwealth à faire partie de la grande famille de la Francophonie. Avec le soutien de tous nos hommes politiques. C’est d’ailleurs en France que Paul Bérenger, devenu Premier ministre, entreprit son deuxième voyage officiel. Auparavant, quel geste éminemment symbolique de Paul Bérenger que de choisir l’Inde comme pays de son tout premier voyage officiel. Soit dit en passant, la photo du couple Paul et Arline Bérenger devant le Taj Mahal fut vraiment spectaculaire et servit de message tellement frappant que le système politique mauricien avait atteint une maturité remarquable.
Toujours dans le cadre des liens très étroits entre Maurice et son ancien colonisateur, Jacques Chirac, personnalité d’avant-plan en France, en devint un symbole remarquable. Année après année, Chirac choisit Maurice comme sa destination touristique préférée. Il vit le bonheur de pouvoir explorer tous les coins et recoins de Maurice, souvent en conduisant lui-même une Mini Moke de louage. Les Réunionnais n’étaient pas contents du tout que leur président préférait se détendre à Maurice plutôt que d’aller admirer les cirques et le volcan de leur île.
Plus tard, avec Navin Ramgoolam, des personnalités françaises pourtant de camps politiques opposés comme Chirac, Ségolène Royal, Christine Lagarde et Jean-François Copé, allaient bénéficier de toutes les facilites du gouvernement mauricien. Les Réunionnais allaient encore exprimer leur mécontentent que Ségolène Royal et Christine Lagarde, accueillies comme de véritables princesses par le gouvernement mauricien, boudaient le département français.
Sir Seewoosagar Ramgoolam, Gaëtan Duval, Anerood Jugnauth et Navin Ramgoolam surent exploiter au maximum l’amour que les Français portent pour Maurice. Cet amour se traduit par le rôle prépondérant des Français dans l’essor et la robustesse de l’industrie touristique mauricienne. Mais c’est bien sous cet apport que la France vient de nous administrer la carte rouge écarlate. À la place des deux Ramgoolam et de Gaëtan Duval, le self-appointed interlocuteur mauricien en 2021 auprès des Français s’appelle Dhojaven Vencadasmy, alias Nilen, un homme qui détient un record comme candidat MSM battu aux dernières élections. Il se classa… en 9e position. C’est lui qui s’est chargé maintenant d’amener la France à enlever le label rouge écarlate collé sur le dos du pays.
La décision française n’a pas été prise à la légère et ce n’est certainement pas uniquement en raison de ce Réunionnais qui a transité par Maurice en attrapant le variant Omicron. Plusieurs pays ont décelé des cas Omicron sans être placés sur la liste rouge des Français.
Pour comprendre la décision de Paris, Il faudrait commencer par la déclaration faite au Parlement mauricien par le Premier ministre Pravind Kumar Jugnauth (PKJ) le vendredi 26 novembre. Parlant du Criminal Code Bill qui visait la Grande-Bretagne et les États-Unis sur la question de la violation de la souveraineté de Maurice sur l’archipel des Chagos, PKJ, tel Zorro, annonçait qu’il allait utiliser cette loi pour contester la présence française sur Tromelin que Maurice revendique comme son territoire.
C’est sans doute avec un grand plaisir que les Français ont assisté jusqu’ici au spectacle des Don Quichotte père et fils mauriciens partir en guerre contre les deux grandes puissances anglo-saxonnes. Mais après la menace sur Tromelin, ils ont sans doute décidé d’inculquer une bonne leçon de réalisme géopolitique à PKJ.
On ne pourrait blâmer PKJ pour avoir pris l’épée contre la France. Il est encouragé dans cette direction par des «chatwas» et des conseillers qui, du matin au soir, lui professent leur admiration sans bornes tant au Parlement que dans les institutions du pays. Des inconditionnels incapables de comprendre qu’il était dangereux pour PKJ de combattre Anglo-Saxons et Francos dans le même élan. Surtout dans un contexte où les relations entre la France et trois pays anglo-saxons, les USA, la Grande-Bretagne et l’Australie sont loin d’être cordiales.
Un autre facteur qui aurait pesé lourd dans la balance chez les Français, c’est la lettre tellement maladroite et mal inspirée de la Senior Chief Executive du ministère de la Santé adressée à l’ambassadrice de France pour solliciter l’aide de la Réunion en oxygène médical, équipements et expertise professionnelle dans le cadre du Covid-19.
Après un tel appel désespéré et en violation des normes diplomatiques, il n’était pas difficile de convaincre les Français que la situation chez nous serait vraiment catastrophique, d’où la décision de placer Maurice en destination rouge écarlate.
Sur toute la ligne, dans la gestion du fléau du Covid-19 chez nous, les super-conseillers de PKJ ont eu tort de lui faire accroire qu’il était possible de se chausser de savat-leponz et gagner le Ballon d’Or au football. Il n’est pas trop tard pour PKJ de reconnaître qu’il a été mal conseillé, pratiquer une politique de transparence et s’engager, en toute modestie, à solliciter l’assistance de tout le monde, y compris des pays amis, dont la France et l’Inde, dans notre combat contre le Covid-19.
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