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Les sentinelles de la liberté

13 décembre 2021, 19:50

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Dans le vocabulaire et les discours gouvernementaux, on parle souvent de fake news, mais rarement de whistleblowers, ou lanceurs d’alerte, qui, témoins d’irrégularités, choisissent de devenir… patriotiques.

Ces derniers jours, au ministère de la Santé, il y a une traque officieuse. Le régime veut savoir qui sont les informateurs ou lanceurs d’alerte du leader de l’opposition et des journalistes ? Qui sont ces fonctionnaires qui veulent que les affaires internes, conduites sous le sceau du secret, soient connues du public ?

Xavier-Luc Duval, fier d’avoir réussi, vendredi, l’une de ses meilleures PNQ cette année, ne nous contredira pas. Sans les lanceurs d’alerte, personne n’aurait deviné les contours du scandale Molnupivarir – qui vient démontrer que certains n’ont rien appris des scandaleux achats sous l’Emergency Procurement, dont l’acquisition des respirateurs de Pack and Blister. Pour cela, aujourd’hui, Kailesh Jugatpal apparaît comme encore plus coupable que Yogida Sawmynaden (on parle des basses manœuvres au ministère du Commerce et à la STC, et non pas de l’affaire Kistnen).

Sans des lanceurs d’alerte au sein de la fonction publique, qui prennent le risque de perdre leur emploi, personne n’aurait su qu’un comprimé de Molnupivarir nous a coûté Rs 70 plus cher en l’espace d’un jour, parce que Jagutpal a autorisé l’achat auprès de CPN Distributors ! Pourquoi ? Pour moins que cela, Ivan Collendavelloo a été révoqué le temps que l’ICAC finisse son enquête… qu’en sera-t-il pour Jagutpal ? Pravind Jugnauth pourra-t-il le lâcher pour sauver l’image collective de son gouvernement ?

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Dans les artères de Port-Louis hier, ils étaient nombreux à scander NON aux amendements législatifs et aux ambitions liberticides du pouvoir. «Ne touchez pas à la presse», «ne nous empêchez pas de crier nos frustrations à la radio», «laissez-nous nous exprimer sur les réseaux sociaux», «Vive la liberté d’expression et la liberté de la presse». S’il est évident qu’aucune liberté ne devrait être absolue, il est tout aussi vital que le cadre juridique ou la déontologie d’un contre-pouvoir ne peut pas être imposé(e) par le pouvoir ou par d’anciens journalistes qui ont franchi le Rubicon, et qui ont des intérêts autres que ceux du journalisme.

Les journalistes sont au service de l’information et du public ; ils travaillent souvent de pair avec des lanceurs d’alerte pour faire remonter des faits que d’aucuns voudraient dissimuler. Si le statut des lanceurs d’alerte n’est pas encore vraiment reconnu comme tel par des textes de loi chez nous, la justice mauricienne a toujours respecté le sacro-saint principe du respect des sources. Essayer de changer cela serait un pas de plus sur la route de l’autocratisation. Ailleurs, dans les démocraties, comme celles de l’Union européenne, la loi définit le lanceur d’alerte comme «une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général»

Le lanceur d’alerte le plus connu du monde est sans doute Julian Assange, qui vit un drame humain digne d’un film. La Haute-Cour de Londres a annulé, cette semaine, le refus d’extrader le fondateur de WikiLeaks, revenant sur une décision prise en première instance. Les juges soutiennent que Washington, DC, a fourni «des assurances sur le traitement du lanceur d’alerte s’il devait être extradé vers les États-Unis». Qui veulent le juger pour la fuite massive de 700 000 documents confidentiels, publiés à partir de 2010, sur les activités militaires et diplomatiques américaines, en particulier en Irak et en Afghanistan.

Venant à la rescousse du lanceur d’alerte australien, des parlementaires français souhaitent que la France lui accorde l’asile politique. Mais ils se heurtent au mur du régime Macron, qui ne souhaite pas prendre le grand frère américain à contre-pied. Ce travail de protéger les lanceurs d’alerte revient en fait à tous ceux qui sont épris de liberté.

Alors que certains aux States veulent la peau de Julian Assange, notons que Frances Haugen, la lanceuse d’alerte qui accable Facebook, a eu un soutien de la presse et des élus du peuple US, afin que la vérité éclate sur la firme de Mark Zuckerberg. Là-bas, la première des protections est d’ordre culturel. C’est dans l’ADN des citoyens de la Land of the free de protéger la liberté qui est considérée comme un bien commun. Chez nous, la rue a crié sa colère, hier, parce qu’elle réalise que des acquis démocratiques sont aujourd’hui menacés. Et que certains veulent distiller la peur au lieu de promouvoir la liberté. Qu’on essaie d’achever les lanceurs d’alerte au lieu de nous donner cette tant promise Freedom of Information (FOA). On réalise aujourd’hui que la FOA était une carotte virtuelle alors que l’IBA et l’ICTA sont devenues des bâtons, bien réels.