Les achats de Molnupiravir font les gros titres depuis quelques jours. D’abord parce qu’avec toute la bonne volonté du monde, il est pour le moins très bizarre que deux commandes de ce médicament, une à travers un appel d’offres (tender) et l’autre à travers une sollicitation directe, puisse, en l’espace d’une journée coûter, dans le premier cas Rs 9,30 et dans le deuxième, Rs 79,92 !

De plus, selon les journaux, le ministère de la Santé aurait à ce jour 1,2 million de doses de Molnupiravir, achetées chez Dr Reddy’s (un des cinq fabricants indiens autorisés par Merck à produire un générique) au coût de Rs 56,66 la pilule, selon une commande passée le 19 novembre. De plus, elle a maintenant les 1 million de capsules déjà importées d’Optimus Pharma par CPN Distributors, au prix de Rs 79,92 l’unité et elle va recevoir 800 000 pilules demain de Mauritius Pharmacy, qui ‘a remporte’ le tender du ministère au prix de Rs 9,30 l’unité.

Des questions, il y en a !

1. Que peut bien faire le ministère avec autant de pilules ? Au taux de quatre cachets de 200 mg, deux fois par jour, pendant cinq jours, 3 millions de pilules pourraient traiter 75 000 patients ! C’est aussi mauvais que ça ?
    
2. Comment expliquer une telle variation de prix pour la même molécule ? Les quatre soumissionnaires du tender auront proposé Rs 9,30 (Mauritius Pharmacy), Rs 33,25 (Trident Healthcare), Rs 46,13 (IBL) et Rs 74 (Hyperpharm). Est-ce que Mauritius Pharmacy s’est trompée ?
    
3. Si le ministère insiste lors du Public Tender que l’on s’approvisionne chez l’une des cinq compagnies indiennes accréditées par Merck, comment se fait-il qu’il accepte la version fabriquée par Optimus qui a «sa propre composition du principe actif du Molnupiravir» et qui n’est PAS une des cinq compagnies accréditées par Merck ?

Mais venons-en, enfin à Merck qui annonçait, dans un grand coup de pub au début d’octobre, que sa pilule, le Molnupiravir, réduisait les risques d’hospitalisation et de cas graves de 50 % selon ses résultats intérimaires de Phase III. Le premier à valider cette pilule fut la Medecines and Healthcare Products Regulatory Agency britannique, le 4 novembre, ce qui faisait décoller la réputation de cette pilule antivirale, y compris, tout naturellement, auprès du Dr Reesaul, consultant en maladies respiratoires au ministère, et dopait les affaires pour Merck, faisant grimper son cours.

Or, même si le ministre de la Santé de France, Olivier Véran, y accordait tous ses espoirs, la Haute Autorité de la Santé ne le suivait pas, vendredi dernier, et n’accordait donc pas d’autorisation d’emploi précoce. On les comprend puisque Merck lui-même, publiant ses résultats de phase III finalisés le 26 novembre, affichait son embarras puisque le taux de protection de sa pilule avait, de fait, plongé de 48 % à 30 % seulement! (1) Le cours de Merck à la bourse de New York chutait alors, en conséquence, de $82,80 à $72,28 en dix jours…

CPN Distributors Ltd., qui avait reçu et dédouané sa commande le 30 novembre, prenait contact avec le ministère de la Santé le 7 décembre et aurait livré son stock entier le même jour. Le ministère ne devrait-il pas être en éveil par rapport à l’annonce du 26 novembre de Merck ? Merck assumera-t-il une responsabilité en la circonstance ?

Quoi qu’il en soit, notre ministère de la Santé est, à l’heure qu’il est, l’heureux propriétaire de 3 millions de pilules de Molnupiravir qui ne sont efficaces que dans 30 % des cas… Ce stock s’ajoute à l’hydroxychloroquine importé de l’Inde au début de la pandémie en 2020 et qui est, depuis, désavoué comme médicament contre le Covid, aux respirateurs Pack & Blister et aux autres médicaments avariés ou inutiles qui sommeillent quelque part dans un entrepôt de l’embarras…

Et si on établissait la valeur de toutes ces foirades pour notre édification citoyenne ?

(1)https://www.merck.com/news/merckand-ridgeback-biotherapeuticsprovide-update-on-results-from-move-outstudy-of-molnupiravir-an-investigational-oralantiviral-medicine-in-at-risk-adults-with-mild-tomoderate-covid-19/