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Dividendes politiques vs stratégie économique

22 février 2022, 16:35

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Pendant que l’opposition traditionnelle se déchire entre elle, au travers d’inutiles spectacles, faisant voir l’étendue de l’égo de ses membres, pendant que sa plateforme, dirigée par des leaders dépassés, semble une nouvelle fois menacée, le Premier ministre, lui, profite de cette récréation inattendue pour parfaire sa politique populiste.

De Flacq à Dagotière, en passant par Bois-Marchand, ou lors du lancement du chantier de La Vigie, Pravind Jugnauth multiplie les sorties, le temps de se faire voir, sinon entendre. Que ce soit sur les développements des infrastructures routières ou encore sur l’annonce des 10 000 logements dont la livraison est prévue pour juin 2024, toute la stratégie est mise dans la perspective des prochaines élections à long terme, alors que le Premier ministre garde jalousement la date des municipales dans une tactique à court terme, pour prendre l’opposition (dispersée) par surprise. 

Si personne n’est dupe de la politique de débauchage que pratique le MSM actuellement, Pravind Jugnauth tente de nous la jouer ironique. Interrogé sur la démission de Jenny Adebiro, le chef du gouvernement lâche : «Tou mo mem. Tou zafer mo mem. Mo enn superman.» Et sur la guerre ouverte dans les rangs de l’opposition ? «Par zot mem zot pe detrir zot… Pa kapav pran lion rekin kok korbo pou met tou dan enn sel panie. Ala ki arive…» dit-il, cachant difficilement sa joie de voir ainsi s’écharper ses adversaires.

On l’aura bien compris : encore une fois, tout ne fait que se jouer sur le terrain de la petite politique alors que les signaux clignotent dangereusement, faisant craindre le pire sur le plan économique. L’affaire est sérieuse au point où d’un côté, les importateurs menacent de ne plus pouvoir importer les denrées de base alors que de l’autre, les consommateurs sont au bord de l’asphyxie avec une continuelle flambée des prix à tous les niveaux !

Dans l’express de vendredi dernier, nous apprenons que plusieurs importateurs n’ont pas passé de commandes pour les mois à venir et que «si rien n’est fait, nous verrons beaucoup d’étagères vides dans les supermarchés et les petits magasins, ce qui créera, malheureusement, beaucoup de difficultés pour les consommateurs».

Au courant de cette semaine, c’est l’activiste Raouf Khodabaccus qui avait fait une manifestation pacifique pour dénoncer la hausse des prix des carburants (sur lesquels pèsent encore une fois une menace d’augmentation alors que la dernière hausse ne date que de décembre), des produits alimentaires et des matériaux de construction.

Lors d’une conférence de presse jeudi dernier, Jayen Chellum, secrétaire général de l’ACIM, parle de la gravité du moment. «C’est une explosion des prix. L’inflation est la souffrance des malheureux. Ceux au bas de l’échelle et la classe moyenne sont impactés. Nous ne pouvons empêcher les prix d’augmenter mais il y a des solutions qui peuvent réduire la pression aussi longtemps qu’il y a un gouvernement qui veut écouter et qui veut les mettre en pratique.» Et c’est là où le bât blesse !

Alors que des voix se font régulièrement entendre pour attirer l’attention sur les signes alarmants que représentent l’augmentation des dettes publiques, la galopante inflation et la dépréciation (délibérée) de la roupie, ces mises en garde ne sont malheureusement pas prises en compte par un gouvernement dont la gestion économique est basée sur les dividendes politiques. Si effectivement, nous nous réveillons à peine du cauchemar dans lequel la Covid-19 nous a plongés, il n’empêche qu’il est temps que le gouvernement se montre courageux en appliquant une gestion saine des finances de l’État, tout en tendant l’oreille à tous ces conseils venant de professionnels raisonnés.

Rama Sithanen, ancien ministre des Finances, partageait sur les ondes de Radio Plus, vendredi dernier, ses inquiétudes et ses pistes de réflexion tout en mettant en garde contre une éventuelle crise sociale. Tout comme lui, plusieurs voix s’élèvent ces derniers temps pour inviter le gouvernement à se ressaisir et à adopter une gestion plus droite de notre économie. Comme d’habitude, ces voix-là ne sont pour l’heure pas audibles. Alors que nous nous dirigeons droit dans le mur !