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Imbroglios d’alliances

3 mars 2022, 08:27

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À Rodrigues, il aura fallu une alliance de la dernière minute avec quasiment toutes les forces de l’opposition pour «balayer» l’OPR de Serge Clair du pouvoir. Une fois la victoire arrachée après minuit, dans une ambiance tendue, provoquée par un décompte des voix des plus laborieux (avec un Irfan Rahman pourtant déterminé à faire oublier ses tracasseries mauriciennes, mais qui n’a pas su séduire les Rodriguais), l’Alliance Libération a commencé ses tractations internes. La guerre du pouvoir s’est vite déplacée. Encore heureux que la sagesse ait primé hier au «Récif» et que Christian Leopold ait su jouer au peacemaker de service. 

Le leader du Front Patriotique Rodrigues écologique (FPRe), Johnson Roussety (l’enfant terrible de la politique à Rodrigues), et le leader de l’Union pour le peuple de Rodrigues, Franceau Grandcourt, qui est le doyen de la Rodrigues Regional Assembly, élu cinq fois d’affilée, ont tous deux fait des compromis, tout comme le PMSD, qui a accepté d’être numéro trois du nouveau gouvernement régional (les Bleus ont réussi à faire élire leurs premiers membres à Rodrigues pour la première fois depuis 1976). 

Roussety et Grandcourt réalisent qu’il n’est guère facile de trouver un consensus avec des partenaires aux regards pluriels et pas toujours convergents. Une fois l’objectif central atteint, avec le coup de main de la proportionnelle (que le MSM ne veut pas introduire à Maurice), il était devenu compliqué, jusqu’à l’accord d’hier, de garder la mobilisation des alliés objectifs. 

Avant de pouvoir nettoyer la corruption, qui s’est installée dans les arcanes du pouvoir rodriguais, avec des commissaires qui sont devenus des entrepreneurs et qui ont profité du poids de l’âge et de la baisse de vigilance de Serge Clair, le nouveau gouvernement régional doit consolider son alliance et faire enrôler les partenaires par des projets concrets, au lieu de lancer des promesses creuses, comme des formules à l’israélienne, qui n’accrochent pas vraiment, hormis, peut-être, celle de 2000-2005, entre sir Anerood Jugnauth et Paul Bérenger. 

Les quadragénaires Roussety et Grandcourt ont un grand destin. Désormais au pouvoir, il faudrait maintenant jeter les bases, comprendre les règles du jeu, avoir de la méthode et rassembler le plus grand nombre. La stratégie post-électorale est bien différente de l’approche pré-électorale. Les pro-OPR ne doivent pas être ostracisés. 

Pour tourner la page Serge Clair, il faut des fondations solides et surtout ne pas être aveuglé par la chasse aux sorcières, même s’il y a unanimité que l’Island Chief Executive, Davis Hee Hong Wye, devrait sans tarder quitter les affaires et le centre névralgique du pouvoir en raison des liens devenus incestueux et qui sont connus de tous. Le nouveau pouvoir doit réaliser que ceux qui savent quand ils peuvent combattre et quand ils ne peuvent pas mèneront leurs troupes vers la victoire. L’art de la guerre, résumait Sun Tzu, est comme l’eau, qui fuit les hauteurs et remplit les creux. 

*** 

Le Parti travailliste a plus à perdre qu’à gagner en acceptant le poste de leader de l’opposition, gracieusement mis sur la table depuis bientôt deux mois par le PMSD. À quelques semaines de la rentrée parlementaire du 29 mars, la stratégie travailliste n’est pas de créer des divisions internes face à un MSM qui achète tout sur son passage. La priorité des Rouges est davantage la consolidation du PTr que de l’entente de l’Espoir, mise en veilleuse depuis que Ramgoolam et Bérenger discutent par-dessus leur mur mitoyen à River Walk. Du coup, les Bhadain, Bodha et autres figurants de l’équation centrale attendent le signal. 

Entre-temps, les Rouges continuent leurs discussions avec les Mauves en insistant sur 35 tickets, en démontrant qu’ils ne sont pas disposés à partager leur part du lion. Avant les prochaines législatives, il y aura les municipales. La reconquête du pouvoir central est une longue route, parsemée d’embûches que sèmera le MSM dans sa pratique quasi-totalitaire du pouvoir. Comme à Rodrigues, sans alliance, les Rouges risquent de prolonger leur traversée du désert. Mais avec qui et à quel dosage ?