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Surprise ! C’est encore l’Ukraine !
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Surprise ! C’est encore l’Ukraine !
On pourrait croire que l’Ukraine est devenue le centre du monde depuis la décision de Poutine de l’envahir la semaine dernière, le 24 février pour être exact. Tout le monde en parle, les réseaux sociaux en bavent, les télévisions et les journaux du monde ne laissent pas filer un seul jour qui n’offre des heures d’analyses, de reportages, de témoignages et de lectures.
Il y a de quoi ! Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, un État souverain et démocratique est attaqué par un autre, en Europe. Poutine a beau répéter que ce n’est ni une guerre, ni une invasion, mais seulement une «opération militaire spéciale», mais nous sommes arrivés à un point où la Chine qui, au départ, épousait cette thèse, a changé son fusil d’épaule ! Car si la Chine reste un allié objectif de la Russie face aux États-Unis, elle voit bien maintenant que Poutine n’attaque pas que des objectifs militaires, affiche son inquiétude pour les civils ukrainiens et sait bien que les vastes sanctions économiques de l’Ouest ne vont sûrement pas aider aucune économie, y compris la sienne.
Ce n’est pas que l’Europe n’a pas connu de guerre depuis 1945, mais elles ont surtout été de nature civile, comme pour la Grèce (1945-49), Chypre (1955-59), le conflit basque (1959-2011), celui des Irlandais du Nord (1968-1998), les guerres en ex-Yougoslavie (1991-99). La seule autre ‘invasion’ en Europe, à proprement parler, aura été celle de la Tchécoslovaquie en 1968 par les forces ‘frères’ du pacte de Varsovie pour mettre le ‘printemps de Prague’ sous l’éteignoir. Le désir de liberté et de démocratie en Europe semble, décidément, bien gênant pour certains…
Ce n’est pas que l’Ouest, Américains en tête, soit blanc comme neige. Ils ont Suez sur la conscience pour des raisons commerciales. Ils ont Diego sur la conscience pour des raisons militaristes. Et au prétexte d’en finir avec des dictatures ‘menaçantes pour la paix du monde’, ils ont fait la guerre du Vietnam, aidé à déstabiliser la Lybie et envahi l’Iraq et l’Afghanistan. Mais l’Ukraine est une démocratie indépendante et si les difficultés avec le Donbass sont présentées par les Russes comme une agression permanente de Kiev, voire un génocide (*), le gouvernement central, lui, parle d’agressions permanentes des sécessionnistes, soutenues par les Russes, sur son territoire. La guerre de propagande est telle que ça paraît, en finalité, irréconciliable entre Ukrainiens qui rêvent de se rapprocher de l’Europe et Ukrainiens qui favorisent les liens russes… Le précédent de la Géorgie de 2008 où les séparatistes de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie furent soutenus par Moscou jusqu’à leur sécession est cependant lourd de sens et préfigure peut-être un modèle ?
Poutine a envahi l’Ukraine, selon son ambassadeur à Maurice, pour protéger les résidents du Donbass et ne veut pas occuper ce pays. Il veut par contre «le démilitariser et le dénazifier», ce qui rendra, effectivement, inutile le besoin de l’occuper ; l’installation subséquente d’un Ianoukovytch ou d’un Loukachenko faisant sans doute l’affaire, comme illustré en Crimée ou ailleurs ?
L’expansion de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) vers l’Est, avec l’Ukraine exprimant son désir d’en faire partie éventuellement, semble aussi être un souci majeur pour Poutine. Mais si on ne peut, par ailleurs, échapper au parallèle avec la crise des missiles russes à Cuba en 1962, il faut quand même souligner que c’était alors encore l’ère des missiles à portée moyenne et que le SS4 qui aurait été installé à Cuba avait un rayonnement de 2 080 kilomètres, alors que le point le plus rapproché entre la Russie et les USA, négligeant l’Alaska sans intérêt stratégique, est de 3 700 kilomètres… Dans ces circonstances, installer un tel missile aux portes des États-Unis était jugé ‘agressif’. Aujourd’hui, à l’ère des missiles intercontinentaux ou des lancements par satellite, par bombardier ou par sous-marin, il n’est aucunement besoin d’avoisiner un pays pour lui lancer un missile… D’ailleurs, la Russie a déjà des membres de l’OTAN comme voisins limitrophes : Lettonie, Estonie, et si l’on considère l’enclave russe de Kaliningrad sur la mer Baltique, même la Pologne et la Lithuanie ! De toute manière, après la conquête de l’Ukraine, la Russie va ajouter les voisins limitrophes suivants : Slovaquie, Hongrie, Moldavie et Roumanie, dont trois sont déjà membres de l’OTAN ! Cela va-t-il améliorer sa situation sécuritaire, vous croyez ?
Espérons seulement que l’OTAN, une alliance de pure défense, qui n’a jamais affiché un désir de conquête, ne se retrouve pas, un jour ou l’autre, entraînée à défendre l’un de ces pays limitrophes face à l’ours russe… Car ce sera alors probablement la Troisième Guerre mondiale et elle sera potentiellement nucléaire, même si le P5 des nations nucléaires affirmait solennellement, le 3 janvier dernier, que «a nuclear war cannot be won and must never be fought» ! Mais pourquoi alors est-ce que M. Poutine prenait l’initiative d’augmenter le niveau d’alerte nucléaire à celui de «special combat readiness» à la fin de février et comment se permettait-il de menacer les pays soutenant l’Ukraine de «conséquences qu’ils n’auront jamais connues auparavant» ? Était-ce pour s’assurer que l’on lui laisse les mains libres en Ukraine et que l’on n’y envisage pas d’intervention étrangère ? Peut-être bien… mais c’est pousser le bouchon vraiment loin.
Lors de son discours sur l’état de l’Union le 1er mars, Biden réussissait, peut-être pour la première fois depuis 09/11, à unifier républicains et démocrates dans un soutien commun des Ukrainiens contre la Russie de Poutine. Sept minutes 30 après le début de son discours, il annonçait la mise sur pied d’une équipe spéciale du département de la justice pour poursuivre les crimes des oligarques russes et identifier et saisir leurs appartements de luxe, leurs jets privés et leurs yachts rutilant d’opulence. Mais j’avoue ne pas comprendre pourquoi on a prévenu ces oligarques alors si jets et yachts ont maintenant le loisir de se mettre à l’abri. Ou est-ce que ces actifs ne peuvent déjà plus bouger ? La Russie, quant à elle, n’invoque rien de moins que la loi internationale pour protester contre ces velléités mais aussi contre ce qu’elle désigne comme l’illégalité des mesures de boycott qui se prennent au comité olympique, à la FIFA, à l’UEFA ou à la fédération internationale de judo, qui a même suspendu Poutine comme son président! La Pologne ne veut pas jouer son match qualificatif de football face aux Russes à la fin de mars et la finale de la Champions League ne va plus se tenir à St.-Pétersbourg. Même la tournée du Bolchoï à Londres a été annulée ! Il faut cependant noter que la Russie fait appel aux cours de justice et aux instances d’appel du sport alors même que sa mission de ‘pacification’ et de ‘dénazification’ en Ukraine qui a tout déclenché n’est ni légale, ni même bien vue. D’ailleurs, le vote de l’Assemblée générale spéciale des Nations unies du 2 mars où 141 des 193 pays membres votaient pour le retrait immédiat des troupes russes, avec cinq votes contre (Érythrée, Syrie, Russie, Biélorussie et Corée du Nord) et 35 abstentions, le prouve amplement. Voilà bien un 2e mouvement d’unification déclenché par Poutine ! Et imaginez seulement si c’était toujours Trump !
Un problème, cependant, c’est que puisque l’on a fait fi de la résolution des Nations unies du 22 mai 2019, donnant six mois à la Grande-Bretagne pour évacuer les Chagos, résolution votée par 116 pays contre six (États-Unis, Maldives, Grande-Bretagne, Australie, Israël, Hongrie), on a aidé, une fois de plus, à pisser dans le violon…
Quel monde ! Vraiment !
Et pendant ce temps-là, on tue, on massacre et on détruit la vie de tant d’Oleg Roubak…..(**)
Vous aurez à tout assumer, M. Poutine !
(*) https://www.bbc.com/news/60477712
(**) https://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/ukraine-bombarde-oleg-pleure-sa-femme-et-veut-l-enfer-pour-poutine_2169080.html
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