Publicité

Recours dangereux

19 mars 2022, 08:43

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

«Pour compenser la perte conséquente du pouvoir d’achat nous réclamerons une augmentation immédiate de la pension de vieillesse à Rs 11 000 par mois. Pour les salariés, le salaire minimum devra passer à Rs 15 000 par mois. Dans ce contexte, l’aide financière de la Mauritius Investment Corporation (MIC) aux PME’s sera nécessaire.» Ce dernier message de la Plateforme de l’Espoir, porté cette semaine par le leader de l’opposition, dans le sillage des prochaines élections municipales, ne verse-t-il pas dans le même populisme entretenu par l’Alliance Morisien, quand elle avait promis une pension de vieillesse de Rs 13 500 aux + 240 000 électeurs du troisième âge, à la veille des dernières législatives ?

Une fois les élections gagnées, le régime de Pravind Jugnauth, face à la réalité du déficit budgétaire, et sous la pression du Fonds monétaire international, qui n’a pas apprécié la ponction des fonds de la Banque centrale, n’a pu honorer sa parole. Ce qui a dressé les seniors contre le régime.

Il faut insister sur la question, quel que soit le bloc politique qui promeut l’inflation des aides sociales : jusqu’où peut aller l’irresponsabilité politique lorsqu’il s’agit des fonds publics à dépenser et des votes à glaner ?

En octobre 2019, profitant de la Journée internationale des personnes âgées, Pravind Jugnauth a voulu, après les Rs 500 supplémentaires annoncées dans le dernier discours du Budget, séduire davantage les cheveux gris et les cheveux blancs, quitte à plomber encore plus les finances publiques. Certains disaient qu’il allait majorer de Rs 2 000 la pension de vieillesse, ou l’aligner sur le salaire minimum (la transition entre Rs 6 710 et Rs 8 500 aurait nécessité un montant additionnel de Rs 5 milliards). Mais l’on ne s’attendait, sans doute, pas à ce que Pravind Jugnauth monte ainsi les enchères : il a affirmé, au centre de conférences de Pailles, que la pension de vieillesse serait… doublée si son équipe et lui revenaient au pouvoir ! Dans l’espoir désespéré de récolter des votes, il brandit donc une pension de Rs 13 500 ! Ce qui représentait quelque Rs 20 milliards additionnelles par an.

Outre que cela allait crever le plafond de 70 % pour la dette publique, cette hausse, qui s’apparentait à une pure bribe électorale, allait envoyer un fort mauvais signal sur le plan économique : ceux qui sont retraités toucheraient davantage que ceux qui travaillent. De quoi augmenter le déficit budgétaire de manière exponentielle, avec le vieillissement de la population et l’absence d’un système de ciblage, faute de courage politique. En plus, la plupart des PME étaient condamnées à disparaître. C’était avant le Covid-19. C’était du populisme doublé à de l’irresponsabilité.

La Plateforme de l’Espoir, qui conserve les trois postes officiels de l’opposition au Parlement, estime donc que les élections municipales sont derrière la porte et n’entend pas être pris de court. Seul gros macadam dans le processus de rapprochement des partis de l’opposition : le Parti travailliste de Navin Ramgoolam, avec lequel la Plateforme de l’Espoir n’arrive pas à conclure le moindre petit arrangement, même si tout le monde est d’accord que l’opposition sans les Rouges part battue d’avance face au régime au pouvoir et l’appareil d’État qu’il détient.

Si le gouvernement prépare le prochain Budget dans un contexte post-Covid-19 rendu encore plus compliqué avec la guerre en Ukraine, il devrait jouer davantage la carte de la transparence, surtout après le dernier rapport de VDem et les remarques des parlementaires de la majorité et de l’opposition contenues dans le dernier rapport du Public Accounts Committee.

De l’autre côté, le bloc PMSD-MMM-Reform Party-Bodha mise sur le thème «Honnêteté et Compétence», comme pour se démarquer des politiciens au pouvoir et leur moralité publique à géométrie variable. Mais en proposant d’augmenter la pension, il devient difficile de séparer parmi nos élites politiques le démagogue du socialiste ou du populiste, alors que le libéralisme subit les salves de Poutine. Plus puissant que la drogue synthétique, le populisme light à visage humain anéantit l’intelligence des masses.