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Lettre ouverte à tous les crédules de la planète
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Lettre ouverte à tous les crédules de la planète
La plupart d’entre tenons pour une évidence que Barack Obama, le 44e président des États-Unis, est un Américain, né à Hawaï, pas au Kenya. Cependant une partie étonnante de l’humanité, et notamment des Américains, ont eu des doutes ! Par exemple, dans un sondage de la chaîne américaine NBC, publié en août 2016, 41 % des électeurs républicains n’étaient pas d’accord avec le fait qu’Obama était un Américain et encore 31 % avaient quelques doutes, n’étant ni d’accord, ni opposés à l’affirmation qu’«Obama est un citoyen américain» (*). 72 % des électeurs républicains, selon cet échantillon, avaient donc encore des doutes, même si Obama avait déjà publié son extrait de naissance, que celui-ci avait été vérifié et contrevérifié, y compris par les autorités régissant les élections sénatoriales, puis présidentielles. Trump lui-même abandonnait officiellement la théorie en septembre 2016, après avoir pourtant insisté sur la question, pendant cinq longues années, en dépit du bon sens. Notons finalement que la conférence de presse de Trump, où il reconnaissait enfin les faits, s’y référait moins d’une minute et il trouva même le moyen de blâmer Hillary Clinton comme ayant été à l’origine de cette théorie ! Ce «pa mwa sa-la» fut donc au prix douloureux d’admettre qu’il avait gobé son adversaire déclarée, celle-là même qu’il voulait éliminer, avec son slogan: «Lock her up!», tellement mobilisateur pour ses ‘déplorables’.
«Mentez, calomniez, il en restera toujours quelque chose», écrivait Francis Bacon dans un essai sur l’athéisme. Il ne croyait pas si bien dire. Un sondage YouGov de 2019 trouvait toujours que 34 % des Américains pensaient que c’était «probablement» ou «définitivement» vrai qu’Obama était né au Kenya ! Chez les Républicains, 56 % le pensaient toujours (**)
Comment rationaliser tout cela ? Obama lui-même dans son autobiographie explique que son élection, comme le premier président noir des États-Unis, avait déclenché la panique chez certains dans le sillage du sentiment que «l’ordre naturel des choses» était remis en question. Trump et ses congénères comprirent cela et exploitèrent ce sentiment à fond. En fait, ils furent même aidés par un demi-frère d’Obama, Malik Obama, citoyen kenyan qui s’était brouillé avec Barack – ayant réclamé des avantages qui lui furent refusés – et qui, revanchard, était devenu un partisan de Trump, relayant même un faux extrait de naissance kenyan d’Obama.
Mais clairement, la raison principale de toutes ces théories de conspiration est que de nombreuses personnes VOULAIENT croire qu’Obama n’était pas légitime. On ne parle plus de faits, ici, mais d’émotions. Quoi alors de mieux que d’accréditer la thèse qu’il n’était pas américain ? D’autant que son deuxième prénom était Hussein ! Et qu’il n’était pas blanc ! Les adversaires politiques les plus futés, comme Trump, comprirent cela et exploitèrent le filon avec passion et avec un succès certain. Car il existera malheureusement toujours assez de crédules pour croire ce qui leur convient, plutôt que les faits, la raison ou la vérité. Et cela est d’autant plus probable que la personne en qui ils croient leur assure qu’il existe des «faits alternatifs», qu’il ne faut pas écouter le point de vue des autres et que la seule vérité est celle qui émane… du gourou !
C’est comme cela que certains peuvent accepter de se mettre au lit, un billet de 100 dollars dans la poche, ayant bu une coupe de poison, pour faire le voyage libérateur vers la planète Sirius ! (Ordre du Temple Solaire). C’est ainsi que des centaines de milliers d’humains, croient dans les théories conspirationnistes de QAnon, dont celle qui décrit Trump comme engagé dans un combat vital contre une élite gouvernementale, médiatique et entrepreneuriale, à la fois pédophile et dévouée à Satan ! Remarquez que c’est sûrement plus imaginatif et au moins aussi motivant que la haine du Juif déicide et manipulateur, qui alimentait le nazisme jusqu’à l’holocauste ! D’ailleurs, un sondage de Pew Research de septembre 2020 révélait que 10 % des Américains avaient un point de vue positif de QAnon et Marjorie Taylor Green, partisane explicite et volubile qui est, depuis 2021, membre du Congrès américain ! (***) C’est ainsi que l’on peut croire que des vitamines peuvent guérir le SIDA, que 9/11 est un complot interne des Américains ou qu’une double couche de papier aluminium sur son crâne empêche la CIA (ou Huawei) de lire vos pensées… Ne parlons pas de la conspiration vaccinale puisque, dûment vacciné, je pourrais, selon les croyances de certains, devenir un alligator dans pas longtemps… L’arnaque trouvera toujours sa clientèle !
Croire, avoir foi dans certains dogmes religieux, n’est pas nécessairement une question d’intelligence; des prix Nobel ont parfois cru à des théories absurdes et en dépit du bon sens. Parfois, c’est pour ne pas perdre la face qu’on s’accroche à ce qui n’est pas vrai, envers toute logique. Poutine est intelligent. Ceux qui l’entourent aussi. Mais ils insistent que l’invasion de l’Ukraine n’en est pas une, que c’est plutôt une «opération militaire spéciale» pour libérer les victimes ukrainiennes du nazisme et que ce sont les militaires ukrainiens qui bombardent leurs hôpitaux et tuent leurs propres civils. Et voilà qui expliquerait donc pourquoi Marioupol est détruite à 90 %, puisque cette ville parle majoritairement… russe ? Mais trêve de plaisanteries, Poutine et les siens ne croient sûrement pas ce qu’ils disent ! Leur ‘construction’, c’est pour la consommation interne et comme pour toute autocratie qui se respecte, l’information là-bas n’est ni libre, ni plurielle, mais totalement contrôlée et au service du pouvoir en place. Croire ce que dit l’État en ces circonstances, ne relève donc pas de la crédulité de la même manière que dans une démocratie où les citoyens ont un choix et… choisissent délibérément le faux.
La cervelle humaine comporte encore beaucoup de mystères, mais pour l’essentiel, on est crédule parce qu’il est plus facile de croire que de réfléchir, plus commode de suivre ses émotions plutôt que sa raison, et parfois plus ‘excitant’ de croire à un mythe bien ficelé qu’au ronron de la vérité. (****)
Répondez aux questions suivantes, par exemple :
«Combien d’animaux de chaque type est-ce que Moïse a embarqué sur son arche ?»
Et
«Margaret Thatcher a été la présidente de quel pays ?» Selon les échantillons, entre 10 et 50 % des gens interrogés répondent ‘2’ et ‘Grande-Bretagne’ et dans leur plaisir de montrer qu’ils «savent», ne s’encombrent pas toujours du ‘détail’ qu’il s’agissait en fait de Noé et d’un Premier ministre… Même quand nous savons qu’il faut s’en tenir aux faits et aux preuves, on se laisse souvent guider par ses sentiments, son impression, ses a priori… Le professeur Newman de l’université de la Californie du Sud (USC) suggère ainsi que nos réactions viscérales découlent de nos réponses à cinq questions possibles :
• Est-ce que le ‘fait’ provient d’une source crédible ? (NB : Si on aime déjà Trump, c’est assurément une source ‘crédible’ !)
• Est-ce que d’autres y croient ? (Les chambres d’écho de l’Internet, des sectes, d’une foule et la répétition renforcent les convictions)
• Y a-t-il des indications tangibles que c’est vrai ? (Quelques bribes vérifiables et vérifiées peuvent finir par accréditer même le canular le plus exagéré)
• Est-ce compatible avec mes convictions ? (Ce qui ne remet pas en question, mais au contraire ‘confirme’ mes sentiments, rend plus confortable !)
• Est-ce que ça raconte une bonne histoire que j’aime ? (Et que j’aurais plaisir à relayer… !)
Crucialement, nos réponses à ces questions peuvent être détournées par les détails les plus frivoles qui n’ont rien à voir avec la vérité….
Il faut aussi composer avec la recherche, qui souligne qu’une dénonciation d’un mythe en bonne et due forme est capable, en fait, de renforcer ce même mythe ! L’exemple type ? Andrew Wakefield, qui a faussé des résultats cliniques pour démontrer que le vaccin MMR causait de l’autisme. Attaquer de front ou ridiculiser ce mythe, aidait à le renforcer et il n’a commencé à s’écrouler qu’au moment où l’accent fut mis sur la fraude scientifique plutôt…
La cervelle humaine est d’évidence influençable, même si elle n’est pas encore totalement comprise. Aux crédules de comprendre cependant à quel point ils sont vulnérables et que rôdent partout plein de candidats pour les exploiter !
(*) https://www.nbcnews.com/politics/2016-election/poll-persistent-partisan-divide-over-birther-question-n627446
(**) https://fivethirtyeight.com/features/the-birther-myth-stuck-around-for-years-the-election-fraud-myth-might-too/
(***) https://www.bbc.com/news/53498434
(****) https://www.bbc.com/future/article/20160323-why-are-people-so-incredibly-gullible
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