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Pouvoir d’achat et contre-pouvoirs

9 mai 2022, 09:06

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«The public is hereby informed that, as from Sunday 08 May 2022, bus fares would be increased by Rs 5 to Rs10 conditional on the number of stages travelled and based on distance between origin-destination points.” 

Celui qui a eu l’ingrate tâche d’annoncer cette mauvaise nouvelle au public voyageur a été Alan Ganoo, qui paraissait un peu trop en retrait. Le messager, face à la caméra, a pris l’air grave. Cela se voyait qu’il savait que, dès demain, cela va faire mal parmi bon nombre de nos compatriotes déjà suffoqués par la montée tous azimuts des prix. Le pouvoir d’achat des citoyens demeure le critèreclef sur lequel les électeurs évaluent leurs représentants au gouvernement. Quand il est en berne, comme ces derniers temps, il permet aussi de faire voler en éclats ces slogans creux, pré-électoraux – des mirages ou miracles qui deviennent des cauchemars bien réels. 

Toute personne raisonnable ne peut nier les sérieuses secousses au commerce mondial provoquées par la pandémie et la guerre en Ukraine - ce qui résulte par la hausse des prix des commodités de + 40 % depuis juin 2020. Maintenant il faut ajouter le fret qui devient bien plus coûteux. Les importateurs de lait, d’huile comestible, et d’autres produits alimentaires partagent souvent leur anxiété avec nos journalistes. Beaucoup nous disent que des subventions populistes rendent les prix illusoires et finissent par rogner le mince budget national. 

Ce gouvernement, dans le prochain exercice budgétaire, aura à faire des choix difficiles, à trancher-couper dans le vif, à prendre des décisions stratégiques pour le bien commun. Il ne peut plus se permettre de régner et de gouverner comme il l’a fait jusqu’ici, sur les réserves d’hier, en croyant pouvoir surfer éternellement sur la vague des dernières législatives. A moins de deux ans des prochaines élections générales, la crise sociale couve. Elle peut éclater à tout moment. Même les avocats vont bientôt défiler sur l’asphalte pour crier leurs misères. 

Dans pareil contexte, où l’inflation et le sentiment d’injustice frappent le citoyen de plein fouet, un gouvernement humain et empathique devrait-il prolonger le métro express (qui opère à perte; le tarif qui augmente n’y changera pas grand-chose) ou devrait-il trouver des solutions pour soulager le peuple qui a faim et qui a besoin de manger ? Ceux qui mangent les commissions sur les gros projets n’ont-ils pas le ventre rempli, eux ? Le gouvernement ne devrait-il plutôt pas se pencher de manière sérieuse sur tous ces milliards qui ont été dépensés par amateurisme, incompétence ou par mauvaise décision politique jusqu’ici, comme, par exemple, les Rs 6 milliards de Côte d’Or/circonscription du PM, les Rs 5,6 milliards pour compenser les propriétaires de Betamax, les autres milliards pour tenter de tourner la page BAI, etc. Dans la semaine, l’éditorialiste de Business Magazine, Philippe A. Forget, a trouvé une formule parentale : «(…) un bon père de famille ne doit pas s’endetter au-delà du raisonnable. S’il s’endette, c’est normalement pour assurer les besoins non récurrents et utilitaires de sa famille, lui donner un peu plus de confort et de moyens. Une chambre additionnelle peutêtre. Un ordinateur, par exemple. Mais il serait certainement déraisonnable d’emprunter pour assurer les besoins courants de sa famille…» Il rappelle aussi «la catastrophe de la pension à Rs 9 000 (+ Rs 2 700) dont le financement n’avait été prévu que pour Rs 500 de plus dans le budget de 2019, la catastrophe annoncée de la CSG fin 2023, dont le trou de financement va bien sûr émarger au budget gouvernemental si on n’écoute pas la Banque mondiale qui recommande de ne dépenser… que ce qui est encaissé ! Rajoutons-y la catastrophe de ne vouloir en rien céder sur l’âge de la retraite ou sur le ciblage de cette retraite aux moins fortunés, alors que la population vieillit et affiche une espérance de vie qui progresse d’année en année…» 

Tous ces dilemmes économiques requièrent du courage politique. Souhaitons que le bon sens économique prenne enfin le dessus sur les calculs des petits politiciens qui se révèlent de mauvais pères de famille, insouciants de l’avenir difficile de, et du terrible héritage-fardeau, qu’ils légueront à TOUS les enfants de la République. 

*** 

Après avoir bafoué le sacro-saint principe démocratique de séparation des pouvoirs, le PMO a tenté maladroitement de justifier l’injustifiable dans ce qui semble avoir été une exfiltration du Slovaque Peter Uricek. L’éditorial de l’express du 28 avril dernier s’interrogeait après le non-respect de l’ordre intérimaire de la Cour suprême, sous la forme d’une injonction, du juge Iqbal Maghooa : «est-ce que la Cour suprême va se laisser faire cette fois-ci face à l’Exécutif…» 

Nous avons eu la réponse de la Cour suprême et du DPP cette semaine et elle est salutaire.

La riposte musclée des policiers zélés, travaillant sous le PMO, face à un ordre la Cour suprême est bien trop grave. Les institutions indépendantes, comme le judiciaire et le DPP, ne pouvaient logiquement pas rester tranquilles et laisser l’exécutif dans sa folle marche absolutiste, comme s’il n’avait pas de compte à rendre à personne. L’enquête judiciaire, instituée (à partir d’une loi rarement utilisée par le DPP) nous montre que l’Etat de droit fonctionne -- dans certains quartiers, mais pas partout ! – à Maurice et que personne ne détient un pouvoir absolu. L’humain Uricek avait des droits qui n’ont pas été respectés par l’exécutif, qui pourtant avait luimême saisi la cour pour entamer une procédure contre le Slovaque. Du jour au lendemain, l’exécutif change d’avis et ne respecte ni l’affaire devant une cour de justice, encore moins un ordre de la Cour suprême. Et il vient avouer ceci : «At the time of the lawful removal of Peter Uricek from the Mauritian Territory, there were extradition proceedings entered by the Attorney- General that were and are still pending against him before the District Court of Port Louis. This Office is informed that the next returnable date for the extradition hearing is 11 May 2022.” 

Un dernier extrait du communiqué du PMO, pour conclure : «This Office reaffirms its commitment in seeing to it that – 
a) the rule of law is upheld in this country; and 
b) Mauritius incurs no reputational risk internationally by harbouring fugitives that are wanted for serious crimes in foreign jurisdictions, especially at a time when we are seeking to rebuild our economy and promote Mauritius as a reputable international financial centre.” 

Vivement une enquête indépendante pour situer toutes les responsabilités et que certains arrêtent de justifier l’injuste.