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Pour une fiscalité optimale
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Pour une fiscalité optimale
Jamais de mémoire les attentes sociales n’ont été aussi élevées en marge d’un budget national. Les citoyenscontribuables posent les banderilles pour une diminution du revenu imposable. Les consommateurs-électeurs réclament à cor et à cri des baisses de taxes sur les biens de consommation. Les entreprises aussi sonnent l’hallali pour moins d’impôts sur la production. Or, est-il sage de réduire les impôts lorsque le déficit budgétaire, déjà gonflé par des dépenses supplémentaires de plusieurs milliards de roupies, grossit la dette publique ? Tout allégement fiscal doit s’accompagner d’une coupe dans les dépenses, sachant que ce n’est pas un maximum qu’il faut rechercher, mais un optimum.
L’impôt creuse l’écart entre le prix payé par l’acheteur et la somme qui revient au vendeur. L’imposition du salaire, par exemple, fait qu’il coûte plus cher à l’employeur de recruter que ce que l’employé reçoit. Cette perte de bien-être due à l’impôt est ce que les économistes appellent une distorsion fiscale.
L’impôt le plus efficace est celui qui ne cause aucune distorsion : c’est l’impôt à taux unique de l’ensemble des revenus du travail et du capital. Les impôts qui créent des distorsions sont les contributions sociales des entreprises (qui pénalisent l’emploi) et les impôts de production (qui découragent l’investissement). Ce n’est pas un hasard si les impôts moins les subventions sur les produits représentaient 11,8 % de la valeur ajoutée brute du pays en 2009, à la suite de l’introduction de l’impôt plat de 15 %, mais que, celui-ci disparu, ils ont crû à 13,9 % en 2019.
Les pertes de bien-être dues à la fiscalité sont d’autant plus énormes que l’assiette fiscale est réactive à l’impôt, c’està- dire qu’il existe des possibilités d’éviter une transaction imposable. Et puis, elles augmentent plus que proportionnellement au niveau du taux d’imposition.
Il s’ensuit deux règles pour qu’une politique fiscale soit efficace. La première est de taxer à un taux plus haut les produits dont la demande est inélastique. C’est le cas du carburant dont la demande ne faiblit pas malgré les hausses des prix à la pompe. Celles-ci étant pour le gouvernement un effet d’aubaine, il n’a aucun intérêt à baisser les taxes sur le carburant. Cependant, en payant plus de taxes sur un tel produit, on dépense moins sur d’autres biens, ce qui affecte d’autres marchés.
La seconde règle est de taxer le plus de produits possible pour maintenir les taux d’imposition bas. D’où l’idée d’un impôt sur le chiffre d’affaires qui, perçu sur toutes les transactions, a une assiette bien plus large que la TVA et peut générer plus de recettes fiscales qu’une hausse de l’impôt sur les sociétés. Le problème est que l’élargissement de l’assiette fiscale par l’inclusion des transactions intermédiaires va à l’encontre du principe de ne pas taxer les transactions entre les entreprises. En créant un écart entre les prix d’achat et de vente des biens intermédiaires, on amène les entreprises à produire en-dessous de leur capacité, à rebours de l’efficience économique.
Adopter un même taux pour tous les biens et services de consommation permet aussi d’atténuer des distorsions fiscales. On considère à tort la TVA comme une taxe sur la consommation alors qu’elle constitue un impôt sur les salaires et les profits. On argue que les produits alimentaires devraient être assujettis à une TVA inférieure à 15 %, voire exemptés de la TVA, parce qu’ils constituent une large part du budget des pauvres. Mais c’est oublier que les riches y dépensent beaucoup plus en valeur absolue et seront les principaux bénéficiaires d’un taux bas. Une taxe uniforme sur la consommation est bien plus équitable qu’une différenciation des taux, et surtout moins susceptible d’engendrer des fraudes.
L’incidence effective de l’impôt est capitale. Un investisseur place ses capitaux là où ils auront le meilleur rendement. Un petit pays, qui ne favorise pas un fort taux de rendement de l’investissement, est à même de subir des sorties de capitaux, lesquelles se traduiront en une baisse de productivité du travail et des salaires. Ainsi, en matière d’imposition des entreprises, l’essentiel de la charge fiscale pèse sur les travailleurs, et non sur les actionnaires : dans une économie comme Maurice, le taux optimal de l’impôt sur les sociétés serait de… zéro !
Le hic est que les revenus des investisseurs n’incluent pas seulement des rendements normaux, mais aussi des profits anormaux. Il peut s’agir des rentes de positions dominantes, ou des rentes monétaires dues à des taux d’intérêt très bas qui font monter excessivement les cours boursiers et les prix de l’immobilier. Il est alors légitime de taxer les plusvalues en capital à court terme quand elles sont réalisées.
Des surcharges d’impôts pour toutes les rentes, mais des exemptions d’impôts pour soutenir les entrepreneurs, et une «flat tax» à un taux suffisant pour financer les dépenses publiques, c’est le triangle d’un système fiscal optimal.
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