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Ah la vache !
La pandémie a créé un chaos mondial d’une amplitude certaine, avec des gouvernements mis sous pression pour protéger leur population médicalement tout en essayant de préserver l’essentiel économique. L’équilibre n’a pas été facile à trouver et il est aussi clair que de nombreuses décisions ont été prises en fonction de l’appétit «au risque» des diverses nations. Cette pandémie de Covid, qui n’a toujours pas disparu, même si l’on s’y habitue et que la pointe de cas et de mortalités mondiales du 1er trimestre est loin derrière nous, est maintenant exacerbée par la décision de M. Poutine d’envahir son voisin. Selon lui, il était nécessaire, d’une part, de se protéger contre une menace théorique future, mais aussi de dénazifier l’Ukraine et d’assurer la réunion de peuples frères artificiellement séparés par l’histoire. Peu importe si c’est finalement la connexion terrestre avec la Crimée (déjà envahie en 2014) qui est le véritable objectif. Mais ce qui n’est toujours pas pour les Russes une guerre, mais une «opération spéciale», n’est pas sans conséquence sur les prix du gaz, du pétrole, du blé, de l’huile et des fertilisants et affecte la vie de tous les citoyens de la planète, les plus pauvres plus que tous. Comme toujours !
Un des résultats de cette double perturbation sur l’ordinaire, c’est que le plus grand défi de l’humanité, lui, soit le réchauffement de la planète, reçoit proportionnellement, moins d’attention et de moyens. Cela ne veut pas dire qu’il ne se passe rien et il y a des exceptions, bien sûr.
Prenez la Nouvelle-Zélande. Pays déjà plutôt écologique, elle se propose de s’attaquer non plus seulement à l’oxyde de carbone, mais au méthane (CH4), un gaz qui, selon les scientifiques, est 84 fois plus réchauffant que l’oxyde de carbone sur un horizon de 20 ans et 28 à 34 fois plus nocif sur un horizon de 100 ans. Or, le méthane inquiète sérieusement parce qu’il a atteint, en 2019, deux fois et demi son niveau préindustriel et on le crédite déjà d’un tiers du réchauffement de la planète jusqu’ici…
En cause plus récemment ? La production, la distribution et la consommation grandissante du gaz, dont celui extrait par fracking. Car si environ 40 % du CH4 provient de sources naturelles comme les marécages ou la toundra, qui émergera d’ailleurs de plus en plus de sous le permafrost, le reste est produit par l’activité humaine, soit dans l’usage des hydrocarbures, l’exploitation des mines de charbon, la production de riz, les déchetteries ou… l’élevage, responsable de 14 % du total.
En Nouvelle-Zélande, le gouvernement Ardern, après de longues discussions avec ses fermiers éleveurs, va taxer, à partir de 2025, les rots de méthane émis par ses moutons et son bétail ! L’idée est que cet argent serve à la recherche, notamment sur la diète de ces bêtes qui réduirait la production du méthane, tout en investissant, par exemple, dans la plantation d’arbres, pour compenser les productions de méthane restantes. La Nouvelle-Zélande compte 5 millions d’habitants, deux fois plus de têtes de bétail et cinq fois plus de moutons. La production de méthane est un problème particulier des ruminants qui ont… quatre estomacs.
Plus de 100 pays se sont engagés à la COP 26, à réduire leur émission de méthane de 30 % jusqu’en 2030. Cependant, sachez que la Russie, l’Australie, l’Inde et la Chine n’ont pas signé cet accord jusqu’ici…
Pour en revenir aux ruminants, des chercheurs terminent une étude, en association avec la chaîne de supermarchés Morrison’s (*), pour confirmer les dosages optima auxquels il faudrait nourrir du bétail avec certaines algues, en additifs, pour apparemment réduire leur émission de méthane par plus de… 80 % ! Puisque nous avons raté les premiers trains de production du cannabis, par excès de prudence j’imagine, pourrait-on sérieusement s’embarquer dans la production d’algues, pour humains et bovins ? Après tout, nous aurions alors peut-être une économie bleue un peu mieux ficelée ? Plutôt que d’investir dans 20 étages de World Trade Center à Côte-d’Or, investissons plutôt dans de la recherche à travers un MSIRI 2.0 ou le sugar fait de la place à la seaweed peut-être ?
***
La recherche de la vérité a toujours été une aspiration humaine fondamentale. Elle est notamment à la base même de la recherche scientifique, par exemple. Mais l’avènement de l’Internet et des réseaux sociaux ont ouvert des ressources nouvelles pour ceux qui veulent délibérément propager de fausses informations et ainsi détourner de la vérité ! Généralement, la vérité finit par servir toute l’humanité. Le faux profite à des intérêts bien plus étroits. Par exemple, que le vaccin protège la grande majorité des humains contre divers virus est une vérité. Qu’il y ait cependant des risques à assumer est une vérité aussi. Que certains aient la «conviction» que le vaccin n’est «pas bon» pour eux est une vérité qu’il faut constater. Que certains de ceux-là initient ou participent, par contre, à de la désinformation évidente dans le seul et unique but de faire progresser leur point de vue et leur intuition, relève de la falsification et de contre-vérité (**).
Mais le plus frustrant dans tout cela, sans doute c’est quand quelqu’un qui est lui-même en faute accuse la partie adverse de ce qu’il fait lui-même!
Deux exemples courants.
Dans la guerre d’Ukraine, même si l’on voulait accepter la théorie russe que la menace grandissante de l’OTAN est responsable de son «intervention spéciale», c’est quand même Poutine qui, dans le concret plutôt que dans l’estimé, lance ses tanks et déclenche son artillerie sur son voisin, non ? Or, maintenant que la Russie a envahi son voisin et qu’elle est accusée de crimes de guerre de toutes sortes (civils abattus ou fusillés, hôpitaux et écoles détruits, cités entières oblitérées) ; elle se défend en disant que ce sont, en fait… les Ukrainiens qui tirent sur les leurs et détruisent leurs écoles et leurs hôpitaux, pour tenter de gagner la bataille de la propagande ! C’est du moins ce qu’affirme Vassily Nebenzia, le représentant de la Russie aux Nations unies, dans le dernier Hard Talk piloté par Stephen Sackur. Nous ne sommes, il est vrai, pas là-bas, mais si c’est effectivement possible, vous croyez que c’est probable ?
Dans le grand déballage sur l’invasion du Capitole américain le 6 janvier 2021 par une foule chauffée par Trump et ses alliés, le parti républicain nous prie de croire que la conspiration n’était pas de son côté, mais de celui des démocrates pour «voler» l’élection. Pourtant, même le ministre de la Justice de Trump, William Barr, lui disait dés le 1er décembre 2020 que sa théorie de «fraude électorale» était du pur bullshit. Il ajoute d’ailleurs que plus d’une année et demie plus tard, il n’a rien vu de nouveau pour le faire changer d’opinion ! Le remplaçant de Barr au département de la justice, M. Rosen, lui aussi nommé par Trump, devant les mêmes faits, concluait de la même façon. La fille préférée de Trump, Ivanka, déclarait au comité du congrès qu’elle croyait, elle aussi, en l’opinion de Barr (***). Ce comité va rendre public l’essentiel de ce qu’il a glané comme témoignages et preuves. Les républicains tentent de répliquer que «leurs» preuves sont fake, que l’attaque du Capitole est du «legitimate political discourse», que ce comité est illégitime et ils se proposent de déposer leur propre rapport sur les événements du 6 janvier…
Pour défendre Trump, ils accusent aussi ce comité du congrès d’être un witch hunter patent. La witch hunt, par définition, cherche une sorcière là où il n’y en a pas. Devant les faits exposés, ce comité a bien trouvé une sorcière. Une vraie ! Les contre-vérités, les faits alternatifs et les théories de conspiration auront fort à faire pour convaincre, cependant, car les faits sont, malgré tout, têtus !
Ah, la vache !
(*) https://www.bbc.com/news/uk-england-leeds-59218608
(**) https://www.nature.com/articles/s41591-022-01728-z
(***) https://www.youtube.com/watch?v=eQ8_X3FFxRU
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