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Pieds dans l’eau valeur à zéro
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Pieds dans l’eau valeur à zéro
La réponse du ministre des Infrastructures nationales à la PNQ sur le Land Drainage Master Plan – qui demeure confidentiel alors qu’il est d’un intérêt public capital – provoque une crise grandissante sur le marché immobilier. Qui va acheter un terrain ou construire une propriété s’il ou elle ne peut pas savoir, en amont, si le terrain est, oui ou non, situé dans une zone inondable ?
En voulant éviter de créer un chaos – avant les municipales ? ! –, le gouvernement précipite davantage la crise de l’immobilier. À ce jour, tout un chacun se demande si sa maison est dans une zone rouge, c’est-à-dire dans une zone potentiellement submersible ? Et ce, même s’il y a rarement une flaque d’eau.
À Maurice, on n’a pas eu l’habitude d’évaluer un terrain par rapport au code-couleurs ou aux risques d’inondations. Si la démarche d’inclure ces risques qui sont accentués par le changement climatique est bonne, en revanche, il faudrait jouer la carte de la transparence totale, d’autant que la question des terres et de la propriété individuelle dans un petit pays au passé complexe comme Maurice reste sensible, émotive.
Le Mauricien lambda qui achète son terrain après des années de sacrifices, contrairement aux maîtresses ou parents de ministres qui jouissent de nos Pas géométriques (les bons Pieds dans l’eau) et autres State Lands, ne reçoit pas un état des risques naturels comme c’est le cas dans les pays développés. Aux États-Unis, par exemple, si vous voulez prendre le risque d’acheter en zone inondable, vous pouvez opter pour une zone bleue, où le risque de sinistre y est moindre qu’en zone rouge. Il vous faudra alors souscrire une assurance habitation couvrant tous les risques, mais le prix du terrain sera plus abordable. La transaction est faite en toute connaissance de cause car le vendeur doit obligatoirement vous fournir une liste des risques naturels que le bien pourrait subir. De plus, il doit aussi vous donner par écrit un historique des sinistres passés qui ont donné lieu à une indemnité pour catastrophes naturelles. Le plan des zones inondables est aussi disponible en ligne.
En France aussi, le nombre de biens situés en zone inondable s’avère plus élevé qu’on pourrait l’imaginer. Presque 10 % des biens immobiliers en France sont concernés par ce type de risque. Certains biens en zone inondable sont d’ailleurs très attractifs. L’immobilier devient alors un exercice d’équilibre entre l’attractivité d’un bien et le niveau de risque qu’il comporte.
Chez nous, quelques autorités ont donné des permis de construire à quasiment tout le monde, sans un vrai travail de vérification. Les dessous de table suffisent largement dans plusieurs cas. Et aujourd’hui, on a peur de jouer la carte de la transparence !
Mais attention la question des terres risque de prendre de l’ampleur si on laisse la Land Drainage Authority et ses nominés politiques patauger dans l’opacité, propice à la corruption. Il s’agit de l’argent public et du droit à la propriété.
En 2017, la Land Drainage Authority nous avait été décrite comme un événement «upcoming». Rs 1,3 milliard de travaux de drains étaient alors triomphalement annoncés pour les trois ans à venir. En 2018, l’on annonce l’acquisition d’un «high resolution and aerial 3D imagery Digital Elevation Model» pour développer avec des images satellitaires la carte des zones inondables. L’objectif étant de préparer un «full-fledged Land Drainage Master Plan».
Le discours du Budget 2019-20 évoque ensuite 40 «high risk flood prone zones» et «earmark» Rs 650 millions de plus. En 2020, la facture pour les drains s’élève à Rs 1,2 milliard. Et en 2021, Renganaden Padayachy annonce… Rs 11,7 milliards de plus pour les trois ans à venir. Cet argent est le vôtre mais malgré cela, on ne veut pas vous laisser savoir si vous êtes en zone inondable ou pas. Il y a une astuce néanmoins : faites un plan virtuel de construction ou rénovation, déposez-le à la mairie ou au conseil de district. Et si on vous refuse votre permis parce que votre terrain est en zone rouge, alors, alors seulement, vous saurez… que votre terrain ne vaut plus un sou ou presque ! Comme dirait Xavier Duval, vous pourriez toujours faire un «bassin de tilapias».
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