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‘Dilo lo bred sonz’

9 juillet 2022, 09:30

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Tel un Hanuman dévastant le Sri Lanka et préparant la déroute du méchant Rawan, Sherry Singh serait-il l’homme providentiel qui mettra fin à la dynastie des Jugnauth ? La fin de Pravind Kumar Jugnauth (PKJ) était programmée pour le vendredi 8 juillet mais il est fort possible que Sherry Singh affûte une arme encore plus dévastatrice que le sniffing pour porter le coup de grâce.

Il est beaucoup question ces jours-ci de la démission de PKJ comme Premier ministre. Il faudrait, au départ, analyser le système politique mauricien et la Constitution du pays pour voir comment on fait partir un Premier ministre ou tout un gouvernement. La seule fois où une possibilité de renversement du gouvernement par une force de l’opposition était techniquement possible remonte à 1970 et 1971. Selon Kher Jagatsingh, principal théoricien des Travaillistes dans le passé, le gouvernement dirigé par sir Seewoosagur Ramgoolam et Gaëtan Duval (pas encore fait chevalier de la Reine) s’attendait à un coup d’État le jour même où le candidat MMM Dev Virahsawmy battait d’une très large marge son adversaire travailliste dans une partielle à Pamplemousses-Triolet, soit le 22 septembre 1970.

Toujours selon Kher Jagatsingh, dans les jours suivant la proclamation des résultats au No 5, les dirigeants au pouvoir furent surpris de constater que le MMM n’avait pas exploité la grande liesse populaire suivant sa victoire pour prendre le pouvoir. Cette crainte de coup d’État de la part du MMM poussa SSR et Duval à envisager l’intervention de troupes étrangères, françaises surtout, si jamais une menace se précisait. En 1971 aussi, le MMM fit une démonstration de sa force de frappe extraordinaire mais ne manœuvra pas pour renverser le gouvernement.

Depuis 1976, le MMM est devenu un parti traditionnel souscrivant aux principes de Westminster et respectant la Constitution. Fait surprenant, quand le MMM connut des divisions internes en 1983 et qu’il était clair qu’Anerood Jugnauth était en minorité, même avec le soutien de Boodhoo et quelques éléments mauves, Paul Bérenger et ses proches collaborateurs n’avaient pas réclamé le droit de former un nouveau gouvernement. Or, il a été révélé par la suite que le gouverneur-général d’alors, sir Dayendranath Burrenchobay, s’attendait à examiner une telle démarche du MMM, ce parti affirmant que Jugnauth n’était plus en situation de «command a majority in the House». Le MMM croyait probablement que Burrenchobay, un élément de l’Establishment travailliste, n’allait pas envisager la nomination d’un autre député que Jugnauth comme Premier ministre. Permettant de ce fait à Jugnauth d’éviter ce test de soutien mais d’aller directement vers la dissolution du Parlement.

Laquelle Constitution prévoit le changement de gouvernement par le biais des élections générales. Un gouvernement ne pourrait être renversé que par sa perte de majorité au Parlement. Dans ce cas de figure, le chef d’État pourrait inviter quelqu’un d’autre à constituer un nouveau gouvernement. Si aucune majorité n’est réunie, alors on procède à la dissolution du Parlement et le recours à des élections générales. Si le Premier ministre perd son titre de leader du parti au pouvoir, quelqu’un d’autre pourrait le remplacer. C’est ce qui va se passer en Grande-Bretagne suivant la démission de Boris Johnson.

Dans le contexte particulier de Maurice, un scandale à la Boris Johnson n’entraînerait nullement le renversement d’un Premier ministre. La culture politique mauricienne s’appuyant, entre autres pratiques, sur la mobilisation des chatwas, l’aménagement des ‘bases’ et la distribution de briani et de boissons alcoolisées est totalement et radicalement différente de ce qui se pratique en Grande-Bretagne. Ainsi, quelle que soit la puissance de détonation de toute bombe que Sherry Singh pourrait activer, on voit difficilement PKJ projeté au sol. Il dispose d’une solide majorité au Parlement. Un Balgobin ou un Gobin tout court ou une Koonjoo-Shah ou encore Savat Dodo se démarquerait-il pour prendre le leadership du MSM et laisser PKJ traîner ses casseroles ? On tombe dans le surréalisme politique.

Si Sherry Singh divise actuellement, il faudrait quand même apprécier le fait, s’il est sincère, qu’il se comporte comme un mafioso repenti. Il faudrait voir s’il pourrait contribuer avec des éléments d’informations sur les pétitions électorales portées devant la Cour suprême. Mais quand même, hors des révélations sur les élections, s’il réussit à faire démarrer des poursuites judiciaires dans d’autres directions, cela ne poserait toutefois aucune menace pour la survie du gouvernement. Au contraire, le bouclier du sub judice aiderait à désenvenimer toute offensive politique sur le terrain. Quand on se rend compte du temps que prend la police pour boucler un dossier et le temps que prennent les instances judicaires avant de rendre un verdict, on serait déjà en 2026 ou 2027 quand on prendrait connaissance du jugement. Sans compter qu’on n’ait pas encore épuisé le recours au Conseil privé de la Reine.

Tant que coule l’eau des revendications, des allégations de Sherry Singh, des récriminations, des marches à la Laurette, des manifestations, de la mobilisation des pancartes, des PNQ, ce sera business as usual pour le pouvoir. Car ce sera dilo lor bred sonz.