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Si on sniffait un peu autour du pot ?
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Si on sniffait un peu autour du pot ?
Il n’y a pas à dire. Cette affaire de «survey» ordonnée par le Premier Ministre sur le câble internet SAFE est extrêmement grave et potentiellement même terminale pour le gouvernement.
Comme le soulignait mardi Sherry Singh sur le plateau de lexpress.mu, il n’y a pas grand-chose qui différencie superficiellement le constat des faits connus entre lui-même et le Premier ministre (PM). Mais les interprétations des faits, par contre, paraissent être radicalement opposées. Le PM dit que c’est Sherry Singh (SS) qui a donné la permission à Monsieur Moustache d’intervenir sur le câble. SS dit qu’après s’être assuré que le PM comprenait bien les risques et les implications de ses ordres, il a dû obéir à l’autorité suprême du pays en matière de souveraineté et de sécurité d’État. Pour le PM, il s’agit d’un simple «survey». Pour SS, il s’agit d’une infraction irresponsable à un bien privé, qui plus est, un câble internet que l’on voulait éventuellement «sniffer», selon M. Moustache.
Je me suis posé la question de savoir ce que j’aurais fait en pareille circonstance et, impulsivement, je me suis dit que j’aurais, à la place de SS, démissionné instamment. Le PM, dans ses tentatives un peu brouillonnes de se défendre, posait d’ailleurs la question à SS : pourquoi n’avoir pas démissionné en avril plutôt que d’obéir à ses ordres qui heurtaient pourtant déjà, alors, ses «valeurs» ?
Sherry Singh explique sa logique. Il a trouvé cet ordre de Pravind Jugnauth tellement irresponsable qu’il fallait le dénoncer. Or, comment le faire sans preuves ? Comme CEO de Mauritius Telecom, il aura donc passé plus de deux mois à soupeser ses options légales et autres et, surtout à accumuler des preuves et à muscler son dossier ! Si, comme il le dit, il voulait s’assurer que l’on n’installe pas de «sniffer» éventuellement après le «survey» de M. Moustache, il a agi avec intelligence et même un grand courage, car défier un PM potentiellement aussi inconscient ou dangereux, n’est sûrement pas une mince affaire !
Une des questions clés qui demande réponse est de savoir QUI de Jugnauth ou de Modi a ressenti le besoin du «
à l’origine. Le PM dit que c’est lui, qui pour des raisons de sécurité nationale, a demandé une équipe à son ami, Modi, qui, en passant, ne doit sûrement pas être amusé d’avoir été mis de l’avant aussi abruptement dans un tel imbroglio. Or, Jugnauth ne connaît sûrement pas, de lui-même, grand-chose techniquement à une telle «menace de la sécurité d’État», à moins d’une révélation divine ? Ou d’un mot de… son chef de la sécurité, M. Ilango, un citoyen indien qui a une plus grande loyauté, devons-nous croire, vis-à-vis de l’île Maurice de Jugnauth que de l’Inde de Modi ? Question subsidiaire : pourquoi donc, 54 ans après notre Indépendance, est-ce qu’il faut que ce soit un citoyen indien qui soit notre national security advisor ? Ou le responsable de la National Coast Guard ? Y sommes-nous «obligés» ? N’y a-t-il aucun Mauricien, pas un seul professionnel de conscience, à qui on peut faire entière confiance pour ces postes, quel que soit le parti politique au pouvoir ? Ce serait vraiment à désespérer… Ce qui est sûr, c’est qu’en attendant, on peut s’interroger sur les réelles loyautés des ressortissants indiens en poste stratégique dans un pays que l’on appelle avec un bonheur non feint, «Little India» !
D’autre part, s’il s’agit vraiment d’une question de sécurité nationale, sommes-nous vraiment, à ce point, menacés ? Par qui ? Comment ? N’est-il pas nécessaire de nous expliquer ce qui se passe pour au moins tenter d’évacuer l’idée que ce «sniffing» éventuel était pour espionner le pays et surtout les opposants au régime, une hypothèse qui serait terrifiante en elle-même ! «On a balance of convenience», comme on dit, le PM n’a-t-il pas intérêt à expliquer la menace à la sécurité de l’État en détail pour crédibiliser sa thèse qu’il n’y avait aucune velléité de «sniffing» ?
Pour sa seconde sortie médiatique, dans les locaux de l’express, face à notre journaliste Axcel Chenney, de nombreuses personnes s’attendaient à voir les preuves, le pistolet fumant, les vidéos ou les enregistrements sonores. Il est possible que Chenney, ayant habitué son public à voir les preuves dans Menteur, Menteur, ait créé cette attente. Cependant, ce serait ne pas reconnaître les particularités complexes de la présente situation. En effet, SS est sur une corde raide et révéler ses «preuves» à ce stade le mettrait à nu et pourrait le mener à être poursuivi sous l’Official Secrets Act ou sous les clauses de confidentialité de son propre contrat de travail, par exemple. Son avocat, Me Gavin Glover, sait cela et bien plus et attend sûrement de pouvoir dévoiler les preuves dans une arène qui, légalement, mettrait son client à l’abri. Pour un avocat qui a le sens de la retenue, il est clair que satisfaire la soif médiatique et gagner la bataille de l’opinion publique ne pèsent vraiment pas lourd face à l’absolue nécessité de gagner la bataille légale…
Autre aspect à élucider : le rôle du consortium propriétaire du câble SAFE. Pourquoi n’ont-ils pas été prévenus par SS en avril quand M. Moustache a débarqué à Baie-Jacotet ? Ont-ils été prévenus depuis ? Maintenant qu’ils savent, vont-ils accepter béatement l’intervention d’une équipe de techniciens indiens envoyée sur LEUR câble, dans leur dos, sur les ordres de Pravind Jugnauth ? Ne vont-ils rien faire ? Ne devraient-ils pas au moins faire un «survey» aussi sur leur câble, repérer ce qui a été «tampered with, if anything» ; six heures durant, et rassurer leurs clients, c.-à-d, nous ?
Certains auront argué qu’il n’y a rien d’illégal dans un simple «survey» ordonné par le PM, le dédouanant au nom de la sécurité nationale. Si seulement cela pouvait être aussi facile ! Qui peut me convaincre qu’au nom de la «sécurité nationale», un PM a le droit automatique et sans conditions de faire des «surveys» sur des câbles internet, des serveurs informatiques des banques, des coffres privés – localisés chez soi ou en banque –, des systèmes téléphoniques des ambassades ou des medical records dans nos cliniques, par exemple ? Ce serait alors franchement cauchemardesque ! «Sniffing» ou pas, qu’un PM puisse ordonner un «survey» sur les biens privés d’autrui, dans leur dos en plus, est clairement une faute grave, avec des implications potentiellement dévastatrices ! Le PM, s’il ne voit pas cela, est un danger public ambulant !
Par ailleurs, on ne connaîtrait toujours pas la vraie raison de la démission de SS, selon Pravind Jugnauth, qui invite à «atann ou va gété». On «guette» toujours. Pourquoi et jusqu’à quand ?
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