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Prix fixes et prétextes

27 juillet 2022, 09:07

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Prix fixes et prétextes

L’impact de l’inflation est évidemment visible de première main dans les prix à la consommation, et plus particulièrement dans le panier de la ménagère. Manger, après tout, est une toute première nécessité. Mais il n’y a pas que cela. Prenez le secteur de la construction. La semaine dernière, une compagnie qui s’est beaucoup réinventée au cours des ans, la Building and Civil Engineering Ltd (BCE), a dû arrêter ses travaux et suspendre ses employés. 

Cette fermeture ne serait pas due à un manque de travail, ni à un manque de travailleurs du bâtiment (il n’y aurait pourtant que 180 Mauriciens sur un effectif total de 500 employés !), mais serait surtout due au fait de contrats à prix fixes qui ne peuvent plus être respectés dans un environnement où les prix ont tout bonnement explosé ! 

En effet, l’indice des prix à la construction n’a pas cessé de grimper vers des sommets depuis des mois. Situé à 108,8 à la fin du 1er trimestre de 2021, cet indice se retrouvait, en effet, un an plus tard à 127,7 (+ 17,4 %). Tous les intrants nécessaires à une construction sont en hausse, menés en cela par les produits de la menuiserie en bois (+31,8 %), le prix du ciment (+10,3 %) et les ouvertures en aluminium (+8,6 %). M. Bhooshan Ramloll, de RBRB Construction Ltd, de manière plus anecdotique, soumet dans «Le Mauricien», que les coûts de construction ont augmenté de 30 à 35 %, incluant les barres de fer majorées à environ Rs 50 000 la tonne et la tôle, dont les prix ont presque doublé. M. Didier Adam, Chairman Exécutif de General Construction, ne dit rien de différent dans le n°58 de l’Aplomb, le magazine de la compagnie. Sur ces deux dernières années, dit-il, «le prix du fer a subi une augmentation de plus de 200 %, celui du bitume de 85 %, le contre-plaqué de 100 %, le diesel de 50 % et le ciment en vrac de 35 %». Et d’ajouter que ces augmentations sont de moins en moins soutenables quand la grande majorité des contrats à Maurice se font sur une base de prix fixes, ce qui a longtemps été possible avec une inflation maîtrisée et modérée, mais qui n’est plus du tout le cas couramment. À titre indicatif, il a été estimé que le coût de construction basique d’une maison est donc passé de Rs 2 500 à au moins Rs 3 000 le pied carré… 

Messieurs Ramloll et Adam plaident tous deux pour la réintroduction des clauses de révision de prix dans les contrats, faute de quoi les contrats courent le risque de ne pas aboutir. En effet, un contrat à prix fixe est sans doute à l’avantage du client quand l’inflation s’envole, mais à quoi sert cet «avantage» si le constructeur fait faillite en route et que la construction n’est pas livrée ? Tous les contrats de construction ne sont malheureusement pas bénéficiaires de garanties financières d’achèvement (GFA) et si celles-ci se généralisaient dans le contexte actuel de forte inflation, vous pouvez être sûr que ça en rajoutera aussi de plus en plus aux… coûts de construction ! 

Il faudrait peut-être rappeler un autre contrat à coût fixe qui n’a pas tenu la route récemment et qui est celui de Terragen, compagnie «Independent Power Producer» (IPP) qui, face à la hausse vertigineuse du prix du charbon, disait ne plus pouvoir tenir la route, déclarait donc un cas de force majeure et cessait d’alimenter le réseau du CEB dès fin avril 2022. Pour les IPP, d’autres formules, moins paysannes et brutales et donc plus flexibles existent bien, dont le «two-part tariff» ou le «take or pay» qui auraient le mérite de ne pas faire capoter leur contrat quand l’inflation affecte leurs intrants au-delà du raisonnable. Car le risque est alors, au moins en partie, partagé. 

Le contrat du métro avec Larsen & Toubro n’a jamais été rendu public que je sache, ce qui est un manque de respect flagrant vis-àvis des bailleurs de fonds principaux que sont, tout de même, les citoyens-contribuables de ce pays, mais bénéficie probablement du fait d’être en dollars (évitant ainsi l’inflation importée) et d’être couverte, si nous avons été prévoyants comme il le fallait, par une GFA ? 

Il faut peut-être aussi ajouter un dernier type de contrat à prix fixe qui est sujet aux mêmes intempéries inflationnistes ? On parle des produits importés dont les prix sont fixés par le ministère du Commerce, bien sûr. L’an dernier, plus d’une cinquantaine d’items bénéficiaient d’une subvention totale de Rs 500 millions pour six mois, pour faire baisser les prix. Cette initiative, a priori louable, n’a pas tenu le coup et vient d’être abandonnée, parce que trop coûteuse. Elle a été remplacée par une marge maximale de 20 à 25 % sur le prix importé et les prix ont donc augmenté dans le sillage des hausses sur les marchés mondiaux et de la dévaluation de la roupie. La STC qui se faisait forte d’importer à meilleur prix et à qualité égale depuis l’an dernier s’est fait attendre. Elle disposerait maintenant de Rs 500 millions pour s’y essayer à nouveau. 

Quoi qu’il en soit, le point à faire en la circonstance est que l’ère de l’inflation raisonnable ayant permis les contrats à coûts fixes pendant des décades est révolue pour le moment, à moins d’une guérison rapide et salutaire de tout ce qui a fait déraper les prix depuis le début de 2020. Ceci n’est pas sans conséquence et devra être rajouté à la cascade de défis économiques que le récent Country Report du FMI vient nous rappeler une fois encore ! 

En effet, si ce rapport inquiétant ne dit pas grand-chose de très différent de ce qui se répète depuis des mois et des mois, il est malheureux, dans un pays qui préfère attendre, chaque semaine, avec un appétit féroce, révélations juteuses ou tsunamis politiques ; qu’il aura des difficultés à retenir l’attention du grand public ! 

Qui sont ceux, en effet, qui s’inquiètent du taux de productivité du pays ? De l’incapacité totale du gouvernement à nous convaincre que les plans de pension envisagés sont tenables ? De nos chances de plus rapidement équilibrer nos comptes, tant externes, qu’internes ? De la crédibilité de notre grande «découverte» des caisses virtuelles de la Banque centrale ? 

*** 

Dans une conférence de presse des ministres Balgobin et Hurreeram en fin de semaine, dans l’affaire «SAFE», on a redéfini, semble-t-il, «The law of evidence». Il faudra donc faire gaffe ? 

Dans la défense enfiévrée de leur PM, il a, en effet, été proclamé que la preuve même qu’il ne s’est rien passé de douteux est le fait que les caméras n’ont pas été éteintes, comme cela aurait clairement été le cas… si un «crime» avait été commis ! 

On pourra donc désormais plaider l’innocence si l’accusé est confronté à des images de caméras, à des sons enregistrés, à des e-mails incriminants, à des rapports contrariants, à des versements d’argent compromettants ou à des témoins directs qui ne sont pas encore assassinés ? Au motif que si l’on était véritablement coupable, ces preuves… n’auraient pas été laissées derrière ? 

OMG ! 

Ou comme aurait dit Voltaire : «Gardez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m’en charge !»