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L'alerte de Moody's pour éviter une crise de la dette souveraine
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L'alerte de Moody's pour éviter une crise de la dette souveraine
Personne ne souhaite que Maurice devienne la Grèce et subisse une crise de la dette publique telle qu’elle l’a connue en 2008 dans le sillage de la crise financière. Cela, pour deux raisons : elle fait craindre aux investisseurs la capacité du pays à rembourser sa dette publique et le poids du servicing de la dette. Or, ce que Moody’s a voulu faire comprendre aux décideurs économiques, c’est que malgré la dégradation de la note souveraine de Baa2 à Baa3, ils adoptent toujours une posture de business as usual et ne paraissent nullement inquiets des dangers économiques se profilant à l’horizon.
Depuis la publication du rapport Moody’s jeudi soir, une avalanche d’analyses et de commentaires ont envahi l’espace médiatique des réseaux sociaux et de la presse mainstream, chacun tentant de le décortiquer pour en extraire les grandes lignes tout en y ajoutant son grain de sel. Comme à l’époque, avec la crise du hedging frappant Air Mauritius; et récemment, celle de la crise sanitaire due au Covid-19, des internautes, voire des auditeurs, se sont très vite approprié du mot «downgrading» de Moody’s, devenant en l’espace de quelques minutes des experts. Tant mieux ! En fait, ils ont raison car c’est effectivement le mot à retenir et qui résonne actuellement dans l’esprit des spécialistes et de la population.
On peut devenir certes wise after the event à l’Hôtel du gouvernement et dire que le pays aurait pu faire l’économie de cette mauvaise note. D’autant plus qu’il était dans le viseur de l’agence de notation américaine depuis presque une année. D’ailleurs, celle-ci avait déjà tiré la sonnette d’alarme dans son dernier rapport l’année dernière en avançant les pistes que le Trésor public, la Banque de Maurice et d’autres institutions financières devraient explorer pour éviter un éventuel déclassement.
Dès lors, on peut se demander pourquoi ce manque de bonne volonté, voire l’absence d’un réel engagement, des autorités pour ramener la dette sur la voie d’un seuil financièrement soutenable, en sachant bien que les largesses financières de l’État de toutes sortes, qu’elles soient l’application in toto du rapport du PRB aux fonctionnaires, l’augmentation de la pension universelle et d’autres cadeaux fiscaux, sont susceptibles d’exercer des pressions sur les finances publiques et font gonfler la dette publique. À 83 % du PIB en juin 2021, la dette du gouvernement doit être portée à 70 % en juin 2023, insiste Moody’s alors qu’elle était à 57 % du PIB à la même période en 2019, soit avant la période de crise pandémique.
Certes, le Trésor public, plus largement le gouvernement, n’a certainement pas de comptes à rendre aux institutions financières internationales dans la gestion des affaires économiques du pays. Sans doute oui. Mais faut-il encore que le locataire du b â t i m e n t du Trésor comprenne que Maurice n’est pas coupé du reste du monde et qu’il ne peut générer les ressources financières nécessaires pour assurer son propre développement économique sans l’apport d’investissements étrangers.
Comme «article IV» hier, moody’s doit aujourd’hui servir de «wake-up call» pour éviter le pire. Un nouveau déclassement basculera le pays dans le statut de «junk», plaçant sa dette dans la classe des investissements spéculatifs.
Or, c’est là où le bât blesse. Les spin doctors du ministère des Finances peuvent faire dire au ministre que Moody’s «maintient Maurice dans la catégorie des pays à investissement de qualité et reste donc le seul International Financial Centre (IFC) d’Afrique reconnu comme investment grade», ce n’est pas pour autant qu’ils changeront par quelque tour de magie le downgrading de la notation de Maurice en un upgrading. C’est faire insulte à l’intelligence du Mauricien moyen – ne parlons pas des spécialistes – de déformer le fait, faire croire le contraire et devenir ainsi la risée des internautes sur les réseaux sociaux.
Il y a nécessairement des limites à ne pas franchir et les spécialistes ont vite fait remarquer que dans un souci de faire du damage control, le ministère des Finances n’a pas trouvé mieux que d’associer Maurice au Botswana comme étant les deux seuls pays africains détenant l’investment grade en Afrique. Qui dit mieux ! Décidemment, les critères de référence ont aussi été rétrogradés alors que jusqu’à tout récemment, le pays était élogieusement comparé à l’État-cité Singapour ou encore la Suisse. À ce rythme, il peut être demain comparé aux Seychelles, comme le souligne l’économiste Rajiv Hasnah dans l’interview qu’il accorde à l’express plus loin.
Il va de soi que les investisseurs étrangers ne vont certainement pas s’attarder sur le communiqué des prétendus communicants des Finances pour décider d’investir en analysant le climat des affaires et l’état des institutions, largement affaibli, selon Moody’s. Le choix final à la fin de la journée est dicté par les principales conclusions des rapports économiques d’institutions financières internationales, allant du Fonds monétaire international (FMI) à la Banque mondiale en passant par l’agence de notation Moody’s.
Du coup, on ne comprend pas la logique qui a guidé le ministre et ses principaux collaborateurs à accoucher de ce ridicule communiqué qui visiblement ne doit pas conforter le ministre, lui qui dit s’inspirer de grands économistes de ce monde comme Thomas Piketty, Joseph Stiglitz ou encore l’ex-chef économiste du FMI, Olivier Blanchard, alors qu’il y avait mille façons d’élever le débat économique, plus particulièrement sur l’endettement public qui a déjà dépassé dangereusement la barre des 100 % du PIB.
Comme Article IV hier, Moody’s doit aujourd’hui servir de wake-up call pour éviter le pire. Un nouveau déclassement basculera le pays dans le statut de junk, plaçant sa dette dans la classe des investissements spéculatifs.
En dehors des considérations politiques partisanes, aucun Mauricien ne souhaite retrouver Maurice s’enfoncer dans une crise de la dette publique aux conséquences économiques multiples. Il y va de son avenir et de sa dignité.
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