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Entre Moody’s et Modi
On dit souvent que les arbres nous empêchent de voir la forêt. Mais celle-ci peut aussi nous empêcher de voir les arbres.
Au-delà de la tentative gouvernementale de détourner le rapport accablant de Moody’s en un gage de reconnaissance du bon travail sur le plan économique et financier, il nous faut nous attarder sur les détails, pas uniquement sur le «downgrade from Baa2 Negative to Baa3 Stable». C’est une chute. Ce n’est certainement pas un progrès de négatif à stable, comme les attachés de presse du régime tentent de nous le faire avaler.
L’express s’est entretenu avec des experts de Moody’s et du FMI. Ils ont été surpris par les lectures biaisées faites par le ministère des Finances et la Banque centrale. “It’s certainly not a good thing that happened to Mauritius. The Negative outlook means that it was expected that Mauritius will be go down to Baa3 level if the trend was not reversed. It did not. So now you are Stable in Baa3. It does not mean that your economic resiliency and capacity to absorb economic shocks have been hampered.”
Moody’s s’attarde sur une série d’indicateurs, qui ne sont pas directement liés à la finance, avant de reléguer un pays d’une catégorie à une autre. Ainsi, la responsabilité environnementale du pays est prise en considération. Participe-t-on à des conférences internationales pour trouver des solutions globales pour des challenges transnationaux ? Comment lutte-t-on contre le changement climatique ? Respectons-nous l’United Nations Framework Convention on Climate Change et l’Ac- cord de Paris par exemple ?
Maurice protège-t-elle la biodiversité mondiale ? Respectons-nous la convention de Ramsar par rapport aux marécages et cours d’eau ainsi que celle de l’UNCLOS pour ce qui est de la mer qui nous ceinture ? Avons-nous une bonne gestion des terres par rapport à l’Aarhus Convention et l’United Nations Convention to Combat Desertification ? Comment réduisons-nous la pollution de l’air et respectons-nous la Vienna Convention for the Protection of the ozone layer ? Et quid de la Stockholm Convention on persistent organic pollutants ?
L’aspect social aussi importe pour Moody’s. Le taux de suicide est pris en considération ainsi que le taux de sous alimentation et le traitement contre les maladies comme la tuberculose.
Le genre est un point sur lequel s’attardent les experts. Les femmes peuvent-elles se frayer un chemin au Parlement ? Pourquoi le taux d’élues reste-t-il faible ? En même temps, je faisais remarquer aux experts que si nous avons des parlementaires grossières ou incapables parce qu’il nous a fallu avoir des femmes, au- tant revoir cet indicateur, en y ajoutant un critère de compétence, qui ferait fi du simple fait biologique d’être des filles à papa, comme Kalpana Koonjoo-Shah ou Joanna Bérenger…
Dans ses calculs, voir tableau, Moody’s ne passe pas par quatre chemins pour expliquer que la chute de Maurice est due au fait que la démocratie se retrouve malmenée de manière grandis- sante à Maurice. La stabilité du pays est remise en question, de même que la qualité et l’indépendance des institutions. Moody’s a aussi «downgraded» notre pays à cause des menaces qui planent sur la liberté d’expression et sur la presse indépendante. Quand on regarde tous ces aspects, il n’y a vraiment pas de quoi célébrer. Au contraire !
Mensonges d’État, messages cryptés, serveurs infiltrés, liens copiés, agents doubles, désinformation officielle, ou refus de donner des détails alors que des chancelleries chancellent. En voulant dédouaner Modi, le gouvernement Jugnauth risque de se mettre à dos Huawei/le Par- ti communiste de la République populaire de Chine (dont les 100 ans avaient été célébrés au Sun Trust en septembre 2021 !), qui nous a construit un SAFE (?) City et 4 000 smart cameras. Mais c’est d’abord et avant tout, une rupture avec la politique de neutralité que Maurice prône depuis son indépendance, que ce soit avec SSR, SAJ, Navin Ramgoolam, ou Paul Bérenger comme Premier ministre. La tactique politicienne de Pravind Jugnauth est un faux-pas diplomatique. Les conséquences seront bien plus graves que certains l’imaginent… Il n’est pas donné à tout le monde de décoder les relations internationales. La récente sortie en règle de l’ambassadeur de Chine ne doit être prise à la légère. Davantage que l’Inde, la Chine est un géant qui pourrait nous étrangler. En voulant blanchir les Indiens, et Pravind Jugnauth, le grossier ministre Hurreeram a envenimé la situation.
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