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Stratagèmes farfelus
«Dear Madam, Management has taken cognizance of complaints concerning, inter alia, the appointment of MT staff to the Establishment. An investigation is accordingly being carried out into the matter. Pending completion of the enquiry, Management has decided to suspend you pursuant to the provisions of the Worker’s Rights Act. Until you are notified otherwise, you shall not have access to MT’s premises, facilities (including servers and IT facilities) without permission from Management.»
C’est la lettre de suspension qu’a reçue Nirmala Ramjhuria, la Chief Human Resources Officer de Mauritius Telecom. Cette missive est tombée le lendemain de la réintégration absurde de l’ancien Chief Technical Officer (CTO), Girish Guddoy, comme Chief Service Officer (CSO) – (pour services offerts ?) Ces manoeuvres entreprises, avec la bénédiction du nouveau board, présidé par Maxime Sauzier, semblent surréalistes dans la mesure où la majorité d’entre nous s’attendait à ce que quelqu’un puisse intimer au Premier ministre – lui-même, et non pas à des boucs-émissaires ou victimes collatérales – de «step down» ou «step aside» le temps de bien comprendre pourquoi il (Pravind Jugnauth) a permis à des Indiens («third party») d’avoir accès aux serveurs confidentiels de la Landing Station de Baie-du-Jacotet – et de sniffer des données qui ne concernent pas que le trafic Internet entrant à, ou sortant de, Maurice, mais également – et c’est sans doute ce qui est le plus grave – les données transitant qui appartiennent, non seulement à Mauritius Telecom, mais à la trentaine d’opérateurs internationaux utilisant le câble SAFE, notamment Angola Telecom, AT&T, BT, Camtel, China Telecom, Chunghwa Telecom, Côte d’Ivoire Telecom, Ghana Telecommunications Company, KPN, KT, Maroc Telecom, NATCOM (Nigeria), Neotel, OPT, Orange, PCCW, Proximus, SingTel, Sonatel, Sprint, Tata Communications, Telecom Italia Sparkle, Telecom Namibia, Telekom Malaysia, Telkom South Africa, Telstra, Telxius, Verizon et Vodafone.
À Maurice, peut-être, à quelques exceptions près, davantage qu’ailleurs, le Premier ministre demeure omnipuissant. Même le personnage qui détient, sur le papier, le plus haut poste constitutionnel de l’État, soit le président de la République, n’a ni le pouvoir ni les couilles pour demander au Premier ministre «pending completion of the enquiry, Management has decided to suspend you». Et surtout, Pravind Jugnauth, qui n’a finalement de comptes à rendre à personne, n’a pas et n’aura jamais l’élégance de se retirer le temps que l’on démontre qu’il n’a rien à se reprocher. Comme dans l’affaire Angus Road, il se contente de dire «atann ou pou gété». Et puis, on ne verra rien. Peut-être quelques procès en réclamations en dizaines de millions de roupies, préparés par des hommes de loi à qui on pourrait accuser de profiter des prébendes de l’État. Quelques noms : Sonah-Ori, Ragavoodoo, Gujadhur, Coquet-Desvaux de Marigny, Chetty, Basset, qui se spécialisent sur ces affaires disons politico-juridiques…
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Maxime Sauzier est sans doute le Chairman de Mauritius Telecom à qui a été confiée la mission la plus farfelue, faisait remarquer Milan Meetarbhan, constitutionnaliste et lui-même ancien Chairman de Mauritius Telecom. La question, surtout quand l’on parle des affaires de l’État, doit être posée : un homme du privé, malgré ses proximités et frottements politiciens avec le clan Jugnauth, peut-il enquêter sur l’ancien board de Mauritius Telecom alors que cette instance était présidée par Nayen Koomar Ballah, le plus haut fonctionnaire du pays, qui est toujours le Secretary to Cabinet et chef de la fonction publique ? N’est-ce pas là une situation unique et inique à Maurice ?
Comme toutes les décisions majeures de Sherry Singh (et aussi celles de Nirmala Ramjhuria) ont été avalisées par le précédent board de Ballah, et ce, conformément à la Companies Act, et comme l’ancien board – qui comprenait aussi le Financial Secretary, Dev Manraj, et Legal Consultant to office of Attorney General, Dheerendra Dabee – «n’est pas à blâmer», selon le Premier ministre (c’est lui-même ensuite qui nomme Sauzier) –, l’on est en droit de se demander à quel jeu joue le nouveau board ? Comment justifier la réintégration de Girish Guddoy quand les nominés politiques de l’ancien board ont eu à démissionner précisément après la démission de l’ex-CTO, devenu CSO…
Se posent d’autres problèmes de confidentialité et de bonne gouvernance. Un avocat du privé peut-il enquêter sur des hauts commis de l’État qui sont toujours en service ? N’a-t-on pas besoin de Security Clearances pour aller au fond des choses ? Et si on découvrait que le chef de la fonction publique et le secrétaire financier ont été, disons, maladroits sur un ou deux dossiers compromettants, un Maxime Sauzier, qui ne connaît pas les rouages de l’administration publique souvent Kafkaïenne dont les attributions sont bien plus larges et complexes que celles de Mauritius Telecom, pourrait-il recommander des actions contre Ballah et Manraj alors que Jugnauth Jr a déjà dit qu’ils ne sont pas à blâmer ?
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Dans un pdf qui se partage comme jadis on se partageait les versets sataniques de Salman Rushdie, l’homme en noir a sorti l’artillerie lourde contre Sherry Singh dans un document «explosif» qui rappelle quelques manoeuvres de ce dernier depuis qu’il s’est rapproché du couple Jugnauth, au temps de l’amour fou. Les règlements de comptes, coups bas, coups de Jarnac, utilisation de la police contre les adversaires et la presse, etc., beaucoup y sont. L’objectif est clairement de déstabiliser Sherry Singh, de freiner son élan, et de semer la zizanie entre les partis de l’opposition et lui. D’ailleurs, l’homme en noir, le pseudonyme au bas de la lettre en circulation, flatte le leader du MMM : «Paul Bérenger, par contre, fin politicien, chapeau à vous Monsieur ! Vous avez vite repéré “Serpent Singh.” Ou pa pou Manz Singh ek kaka mansonz!»
Cependant, en se flattant d’avoir fermé la porte à Sherry Singh, Paul Bérenger embarrasse le reste de l’opposition parlementaire qui avait décidé de crédibiliser l’ex-CEO de Mauritius Telecom comme lanceur d’alerte. Certes, Sherry Singh a été dans le fromage, mais ce qu’il a révélé dépasse de loin sa personne, son passé, ses «dirty tricks». C’est sur le scandale qu’il révèle qu’il faut se focaliser, exiger des réponses, et s’excuser auprès des partenaires étrangers pour avoir ouvert la «backdoor entry» aux agents de Modi.
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