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Intérêts nationaux versus enjeux personnels ou claniques

18 août 2022, 10:00

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Aucune marche à l’agenda. Ni le 20 août, ni le 3 septembre. Le momentum pour un front uni de l’opposition semble bel et bien passé. Les opposants au régime repensent leurs stratégies et se repositionnent au vu et au su des développements sur l’échiquier : le MSM, pour ses 40 ans, est en campagne dans les villages, le Reform Party qui abandonne l’entente de l’Espoir, Nando Bodha qui n’est pas d’accord que le leader des Rouges soit PM pour cinq ans, la démission de Bruneau Laurette de Linion Lepep Morisien (LPM), l’impossibilité idéologique de brasser large tant les ego et les visions sur le développement de Maurice divergent…

Alors que les observateurs politiques croyaient que le flou était dissipé par rapport à l’opposition parlementaire, Navin Ramgoolam, qui a reçu Paul Bérenger et Xavier-Luc Duval, chez lui à Riverwalk, a remis hier les choses en perspective. Les trois plus vieux partis politiques du pays ont un accord axé, pour l’heure, uniquement sur les municipales ; il n’est pas question d’alliance à ce stade. Le bloc PTr-MMM-PMSD se tient prêt au cas où le gouvernement, qui a jusqu’à juin 2023 pour organiser les municipales, décide de prendre les trois partis traditionnels de vitesse. Il est clair qu’il s’avère plus facile d’arrêter des listes pour les municipalités que pour les législatives, pour lesquelles le partage des postes et des responsabilités se révèle autrement plus complexe.

Certes, comme le faisait remarquer Lindsay Rivière, mardi, dans son analyse «PTr-MMM-PMSD : un accord qui change la donne», ces trois partis parlementaires sont tous d’inspiration sociale-démocrate, et même s’ils sont davantage réformistes que révolutionnaires, ils restent «attachés à l’ordre constitutionnel et aux institutions». Quand Pravind Jugnauth dit que l’opposition tente de transformer Maurice en Sri Lanka, il fait un amalgame entre toute l’opposition parlementaire et extra-parlementaire, qui demeure éclectique et avance, trop souvent, en rangs dispersés. Outre dans leurs conférences de presse, le PTr, le MMM et le PMSD contestent les élections à travers le processus électoral et les cours de justice s’ils sont insatisfaits. Pour cela, ils ne peuvent pas s’associer aux nouveaux mouvements ou partis révolutionnaires.

Nous sommes donc en présence d’un gouvernement élu en 2019 avec seulement 37 % des suffrages, qui subit non seulement l’effet combiné des scandales incessants mais également l’usure du pouvoir et une démocratie qui pique du nez – le ton et le vocabulaire de Pravind Jugnauth dans ses derniers discours traduisent son manque de sérénité, surtout depuis l’éclatement du sniffinggate – qui peut compter sur ses 3, 4 ou 5 sous que représentent les anciens MMM Collendavelloo, Ganoo et Obeegadoo. En face, même si aucune alliance n’est ON, Navin Ramgoolam a déjà conclu un cadre de travail avec le MMM et le PMSD afin de faire émerger un programme commun, avec le concours d’un Nando Bodha qui ne sait plus sur quel pied danser, on dirait.

Face aux deux blocs, une pluralité de partis, de mouvements et de citoyens peut représenter, en théorie, une voie nouvelle, soit celle des citoyens qui veulent de nouveaux acteurs et actrices aux commandes. Parmi ceux qui ne sont pas dans les deux blocs parlementaires, Roshi Bhadain est sans doute le plus ambitieux des guerriers. Mais pourra-t-il fédérer LPM (sans Laurette), Rama Valayden, les Avengers, voire Sherry Singh, sans verser dans un populisme dangereux ? Saluons ici les efforts de LPM pour que le débat sur une Freedom of Information Act reprenne alors que le manque de transparence sur Baie-du-Jacotet, Agalega, Angus Road, la lettre anonyme attribuée à Ken Arian ou encore l’assassinat de Soopramanien Kistnen devient de plus en plus flagrant.

Avec Lalit, Rezistanz ek Alternativ, le mouvement de Jack Bizlall, entre autres groupes de pression citoyenne (et non pas socioculturelle !), nous avons aussi des partis qui continuent leur mission en restant fidèles à leur idéologie mais qui n’arrivent pas à s’associer ou à s’ouvrir aux autres malgré les similitudes dans leurs analyses du pays et des grands maux qui nous affligent. C’est dommage que certains, à différents niveaux de notre paysage politique, continuent à se focaliser sur leurs différences au lieu d’essayer d’œuvrer ensemble pour un nouveau Maurice.

Personne ne le dit, mais nous avons l’impression d’être déjà en campagne électorale. Il faut en profiter pour dé- battre – et non se battre. Il faut croiser les regards et unir les forces. Il faut surtout reléguer les intérêts personnels et claniques et faire remonter les réels enjeux du pays et de notre destin commun.