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Miroir aux alouettes ?

31 août 2022, 09:16

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La bonne performance du tourisme devrait doper la croissance.

Les clameurs politiques se sont quelque peu tues. C’est tant mieux ! Les dénonciations en règle des alliés d’autrefois, si elles ont une certaine saveur médiatique, n’en ont pas moins causé un tort immense à la réputation du pays sur la scène internationale. De toute évidence, c’est le scandale du sniffing qui a été l’élément déclencheur derrière la décision de Moody’s d’abaisser la note souveraine de Maurice de Baa2 à Baa3 avec une perspective stable. Nos gouvernants si prompts à monter au créneau n’ont d’ailleurs pas donné la réplique aux analystes quand ceux-ci ont expliqué que la qualité et l’efficacité des institutions représentent 40 % du score de l’agence internationale dans son processus d’évaluation.

Ces dernières semaines, le folklore politique a repris ses droits avec des attaques parfois en dessous de la ceinture lancées à brûle-pourpoint lors des congrès, mais, fort heureusement, l’on n’a pas eu droit à un nouveau scandale impliquant l’un de nos élus, hormis les accès de colère de l’honorable Kenny Dhunnoo qui s’est défoulé sur un personnel de Wellkin.

Il semble que nos gouvernants veulent désormais recentrer le débat sur l’économie. Il y a eu d’abord l’annonce de la quatrième phase du projet de Metro Express, qui s’étendra de Réduit à Saint-Pierre, soit un alignement de 10,5 kilomètres. Les premiers coups de pioche seront donnés vers fin février 2023 et les travaux s’achèveront en 2024 ou 2025. Le projet sera financé à la faveur d’une ligne de crédit et d’un don du gouvernement indien pour un package de USD 325 millions. Le ministère des Finances n’a pas encore communiqué les conditions de la ligne de crédit, mais celles-ci devraient être extrêmement avantageuses compte tenu de l’environnement de faible taux d’intérêt. Aux sceptiques qui légitimement se demandaient comment cela se fait-il que le coût par kilomètre ait augmenté de Rs 500 millions en l’espace de cinq ans, le directeur général de Metro Express Limited, le Dr Das Mootanah, expliquait dans ces mêmes colonnes, la semaine dernière, que les USD 325 millions ne représentent pas le coût réel du projet qui ne sera connu qu’après l’exercice d’appel d’offres.

«Si une croissance de plus de 7 % du PIB est tout à fait plausible et que les devises étrangères apportées par la reprise des activités touristiques et des exportations vont équilibrer les comptes, ces données masquent certaines réalités socio-économiques tel un écran de fumée»

Tout l’intérêt de l’extension du métro, c’est que ce projet participe à un plan d’aménagement du territoire et de modernisation du transport public essentiel pour notre petite île de 1 865 kilomètres carrés, où plus de 500 000 véhicules sont immatriculés. La congestion routière est une vraie problématique. Elle coûte à l’économie pas moins de Rs 6 milliards et le coût ira croissant d’année en année, dixit le Dr Das Mootanah. Mais était-ce la priorité dans la conjoncture actuelle, à un moment où la dette publique reste élevée, soit autour de 88 % du PIB ? Certes, le prêt de USD 300 millions ne devrait pas être comptabilisé dans le calcul de la dette publique étant donné que le Metro Express est un Special Purpose Vehicle, mais il n’empêche qu’il va techniquement alourdir le fardeau qui pèse sur chaque contribuable. La question se pose également : est-ce une démarche électoraliste ? Le timing du lancement de cette quatrième phase qui raccordera la circonscription No 8 au réseau ferroviaire laisse à penser que ce serait peut-être le cas. Et qu’avant la tenue des prochaines législatives, le Premier ministre veut proposer à l’électorat un bilan fort et faire graver dans les consciences l’image de lui d’un bâtisseur.

Le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, a également voulu marquer les esprits en profitant du lancement du bureau de représentation de l’Eastern and Southern African Trade Development Bank à Ébène pour annoncer que la reprise de l’économie est en bonne voie et que la croissance sera supérieure à 7 % du PIB en 2022 et à plus de 5 % en 2023. Une performance qui sera réalisée grâce à une solide reprise dans le tourisme et dans le secteur d’exportation. Étayant ses propos, il a indiqué que la barre des 1 million de touristes devrait être atteinte. Du reste, de janvier à juillet, l’on a accueilli quelque 500 000 voyageurs. Concernant le secteur d’exportation, il devrait engranger des recettes de Rs 100 milliards. Déjà, au premier semestre, les exportations totalisaient Rs 47 milliards contre Rs 39,7 milliards lors de la période correspondante en 2019. Si ces prévisions se matérialisent, avec l’apport des devises étrangères, on peut espérer rééquilibrer quelque peu notre balance courante qui, d’un déficit de -5,1 % en 2019, a connu une détérioration nette dans le sillage de la pandémie, passant successivement à -9,2 % en 2020, -13,7 % en 2021 et -13,5 % en 2022 (chiffre prévisionnel).

Si une croissance de plus de 7 % du PIB est tout à fait plausible et que les devises étrangères apportées par la reprise des activités touristiques et des exportations, mais aussi par les dépôts en devises étrangères émanant du global business vont, dans une certaine mesure, équilibrer les comptes, ces données masquent certaines réalités socio-économiques tel un écran de fumée. Pour ne pas dire un miroir aux alouettes. Prenons le cas des recettes de Rs 47 milliards engrangées par le secteur d’exportation au premier semestre. Au taux de change actuel du dollar à Rs 44,20 l’unité, ce montant représente environ USD 1,07 milliard. À titre de comparaison, les Rs 39,7 milliards à fin juin 2019 (le dollar valait alors Rs 34,30) signifiaient des recettes de USD 1,15 milliard. Mais là encore, cette analyse est purement subjective car la dépréciation accélérée de la roupie qui, bien que donnant une image mirifique de l’économie, est, il faut le reconnaître, le résultat d’un dysfonctionnement structurel de notre économie. D’ailleurs, comme le Fonds monétaire international l’a fait ressortir, à maintes reprises, la roupie est largement surévaluée du fait que la balance commerciale du pays est fortement déficitaire.

Il faut, par ailleurs, considérer dans l’équation la dimension de l’inflation galopante (là encore, c’est un phénomène échappant totalement à notre contrôle), qui fait que le sentiment de reprise n’est pas pleinement ressenti par les agents économiques.