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L’État de droit fout le camp (encore plus)
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L’État de droit fout le camp (encore plus)
«Misié Akil Bissessur, li ti lor nou radar dépi enn sertin létan. Parski nou ti soupsonn li ti pé fer sertin trafik ek sa kou-la gagn li, may li an plin siouplé», a plus d’une fois hurlé le Premier ministre dans ses congrès-meetings comme pour défier ceux qui osent s’élever contre lui, sa famille et son gouvernement.
Misié Pravind Jugnauth a ajouté, à Rose-Hill, à St-Pierre comme à NouvelleFrance : «Ek ou trouvé, get enn vidéo ki pé sirkilé kouma inn filmé li, lapolis éna warrant pou fouyé, misié avoka dir non li pa pou les bann la rantré. Ki sann-la ki pou défann sa kalité dimounn-la zordi, may li an pli lamé dan le sak!»
Mardi, le jour de la libération de son fils, le père d’Akil Bissessur a remis les déclarations intempestives et abusives du Premier ministre en contexte : «Prémié minis dan enn plas piblik dan so bann kongré finn tret mo garson kouma enn trafikan san mem ki sa ‘case’-la finn ‘heard once’ dan enn lakour alor ki tou dimounn arété éna enn prézonpsion dinosans.» Je peux comprendre le sentiment des Bissessur parce que le Premier ministre, avec la bénédiction de la MBC, avait tenté, avec la même hargne, de me discréditer le 5 avril 2018 lors d’une fonction à Plaine-Magnien. Parmi les cinq Premiers ministres que nous avons eus, il est sans doute le champion toutes catégories lorsqu’il s’agit de taper sous la ceinture pour tenter de faire mal ou de tuer politiquement ou professionnellement une personne qui ne courbe pas. Mais quand cela ne marche pas, il doit réaliser que celui qui était à terre se relèvera plus fort et mieux aguerri qu’avant… C’est Akil Bissessur aussi qui a dit : «What does not kill you, makes you stronger!»
Ce n’est pas la première fois que Pravind Jugnauth s’immisce dans les enquêtes policières, souvent même avant leur début ou leur fin. Il suffit que la police orchestre une arrestation, en prévenant la MBC si possible, ou (dernière mode) en fournissant des vidéos éditées le cas échéant, pour que Pravind Jugnauth s’étale en long et en large, des fois dans un langage vulgaire, sur ces coups de filet fortement médiatisés par la MBC. En révélant des «éléments» de l’enquête et en utilisant le pronom «nous»: «Bissessur ti lor nou radar», le Premier ministre sème la confusion : qui sommes«nous», «nous» dans Lakwizinn?, «nous» dans le gouvernement ?, «nous» au Sun Trust?, «nous» dans la police, dans l’ADSU, au CCID ? Dites-nous Monsieur le Premier ministre : pourquoi Akil Bissessur était-il sous surveillance depuis plus d’un mois si la police n’arrive toujours pas à établir, malgré la drogue «retrouvée» à Palma, que l’avocat s’adonne au trafic de drogue synthétique ? Comment expliquer l’absence de ses empreintes sur la drogue qui lui appartiendrait, «lui qui a été pris la main dans le sac», selon Pravind Jugnauth.
On l’a souvent écrit : le rapport entre le Premier ministre et les Casernes centrales est incestueux. Pravind Jugnauth en utilisant la police ou l’ICAC pour tenter de scorer des points politiques ou pour se défendre contribue grandement à dégrader l’image de ces deux institutions. Dans le cas de ces attaques contre Sherry Singh, où encore une fois il y a une enquête en cours, le Premier ministre a voulu jouer au détective en remontant la piste de Richmont Capital. Sauf qu’il a contribué à dégrader cette fois-ci l’image de son épouse et de son beau-frère, car il n’avait pas réalisé que ceux-ci auraient pu bénéficier de l’argent «sale» qu’aurait utilisé l’ancien CEO de Mauritius Telecom.
Dans les cas d’Akil Bissessur et Sherry Singh (qui étaient tous deux à couteaux tirés quand l’ancien CEO de MT était dans les bons papiers du PM), Pravind Jugnauth gagnerait à ne plus cracher en l’air. Non seulement il recevra son propre crachat, mais également celui de tous ceux qui croient que la présomption d’innocence doit demeurer un principe fondamental de la justice, garanti par de multiples textes de loi, notamment la Déclaration des droits humains de 1789.
Comme père de famille et Premier ministre, vous devriez réfléchir au poids de vos mots avant de juger des citoyens sur la place publique. Vous devez garantir l’État de droit et non pas faire de sorte qu’il foute le camp. Le concept d’État de droit s’oppose à la notion de pouvoir arbitraire. Un État doit être soumis aux règles de droit et les institutions doivent rester indépendantes et loin de toute ingérence politicienne. Sinon l’autocratie en cours emprunterait alors des chemins de traverse – et de travers.
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