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Libertés

11 septembre 2022, 09:06

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Libertés

Selon la BBC cette semaine, l’Arabie saoudite et d’autres pays voisins ont protesté officiellement auprès de Netflix, exigeant de ce dernier qu’il enlève tout contenu qui violerait «des valeurs ou des principes islamiques ou sociétales». 

Étaient visés, pense-t-on, entre autres, un épisode de l’animation Jurassic World : Camp Cretaceous qui montrait, à un moment, deux jeunes filles qui se rapprochent, disent s’aimer et s’embrassent. Ce baiser jugé inapproprié a été depuis dûment flouté par la télévision d’État saoudienne. 

Cependant, la planète est très plurielle et on peut imaginer que d’autres audiences ne sont pas particulièrement amusées par des valeurs sociétales qui regroupent la décapitation publique, par exemple ? D’ailleurs le feuilleton très populaire Ertugrul montre régulièrement des décapitations, mais on a la délicatesse de flouter le geste, puis de ne montrer que le corps à genoux, sans tête d’un côté et… la tête tranchée, séparément. Vous pensez que toutes les sensibilités sont, ainsi, desservies ? Et comment ferait Netflix pour, en parallèle, respecter les convictions intimes des végétariens qui voient des moutons à la broche ou des barbecues à l’écran, ou celles des Jains que l’on obligerait parfois à voir tuer des insectes nuisibles comme des sauterelles ou des fourmis ‘de feu’, ou encore celles de conservateurs qui ne veulent pas être pollués par des idées progressistes… et vice versa d’ailleurs ? 

Calmer et respecter toutes les susceptibilités de la planète est un défi impossible ! Qu’est-ce qu’il resterait d’ailleurs dans un tronc commun à tous, qui ne gênerait personne sur Terre ? De toute façon, ce serait particulièrement rétrograde que de s’imposer ce genre de visières, même s’il y aura toujours besoin d’exceptions évidemment. Commençons ainsi par exclure trop de violence gratuite, les fake news, les mensonges les plus évidents et les tabous les plus basiques et on devrait pouvoir s’en sortir pour le reste. 

C’est d’ailleurs aux plus réfractaires qui refusent de s’ouvrir sur le monde et ses réalités multiples de faire des choix ; pas à Netflix et autres. Ces réfractaires n’ont qu’à choisir de s’isoler dans les bulles de leur choix et ainsi se couper du reste du monde. Les flat earthers peuvent ainsi rester entre eux-mêmes. Les peuples du style QAnon qui préfèrent la fiction, les vérités tronquées, un monde factice, les mensonges épicés aussi… 

*** 

Me Akil Bissessur a été libéré cette semaine après 19 jours en prison. Il paraît, qu’après tout, il ne devait tout bonnement pas y être du tout, les 52 grammes de drogue retrouvés dans des tiroirs ne comportant ni ses empreintes, ni son ADN, alors qu’il ne porte pourtant pas des gants, contrairement à d’autres ! N’oublions pas sa compagne et les dégâts occasionnés à sa maison familiale ! 

Qu’un magistrat libère un présumé trafiquant de drogue, arrêté après un landing musclé, contre deux cautions presque symboliques de Rs 50 000 est un camouflet cinglant de plus pour notre force policière et une balafre additionnelle à son image. Voilà, en effet, une Striking Team qui après des semaines de filatures assidues et d’enquêtes professionnelles, ayant apparemment alimenté le «radar» du PM lui-même, n’arrête pas celui chez qui Bissessur se serait approvisionné en route, débarque par contre chez ce dernier, un trafiquant présumé, casse un peu de tout, y compris paraît-il , le tuyau évacuant les toilettes (réparé depuis ? ) et repart avec 52 grammes de «drogue» dans des sachets en plastique, dont on exagère un peu la valeur marchande d’ailleurs, mais que le présumé trafiquant n’aura jamais souillé ni de son ADN, ni de ses empreintes ! Ça fait vraiment un peu maigre pour 19 jours de prison ! 

Il est important de retenir trois séries de faits à ce stade. 

Il ne faut d’abord pas oublier, dans cette débandade apparente, qu’au tout départ le Forensic Science Laboratory (FSL) avait trouvé, selon la police, des traces de drogue sur le vase des toilettes ainsi que dans le tuyau d’évacuation. Comment authentifier les échantillons remis au FSL, je ne saurais dire. Nous en saurons plus lors d’un procès, s’il a lieu, mais à ce stade ce «trafiquant» paraît être loin d’avoir été pris lamé dan sak, la police ne l’accusant même pas d’être un consommateur. Il ne faut pas oublier non plus les images sélectionnées et fuitées par la police, montrant Mᵉ Bissessur quittant le salon avec un sac. Mᵉ Bissessur dit que ce sac contenait du linge, mais n’explique pas, à ce stade, pourquoi il fallait déplacer ce sac du salon, ni pourquoi, ni par qui, les toilettes ont été apparemment flushées dans les minutes suivantes. Des explications seront nécessaires en cour. 

Il ne faut pas non plus oublier les nombreux précédents où la police a torturé et frappé pour obtenir des confessions : des vidéos sont là, les enquêtes «sont en cours» ! Il ne faut pas oublier que la police met souvent des citoyens en prison sous des charges provisoires qui, en attendant des preuves suffisamment solides, s’éternisent à l’ombre pour des mois et des mois… Dans le cas de David Jolicoeur, cela a duré QUATRE ANS, avant qu’il ne soit libéré par la cour «faute de preuves» ! Dans le cas de Vinesh Reetun, il est relâché 47 mois plus tard, l’échantillon de la «drogue» lui ayant valu d’être mis en prison, se révélant ne pas être de la drogue après tout ! 

Mᵉ Bissessur est un avocat avec des moyens et des amis. Le citoyen lambda sans moyens et sans amis n’est que plus vulnérable. Notre collègue Touria Prayag a beaucoup écrit sur les abus inacceptables de ces charges provisoires, armes fatales et consciemment destructrices quand elles sont aux mains de policiers intempestifs, irresponsables, revanchards ou téléguidés, c.à.d. de policiers qui ne font pas leur travail comme il faut. On a souvent évoqué la réforme de ce système avec le Police and Criminal Evidence Bill, mais celui-ci poireaute et attend toujours le vote depuis 2013 ! Alors que l’Immigration Bill (XII de 2022) du 26 juillet dernier était lui, par exemple, prioritaire… Pour terminer avec cet aspect de la question, il faut noter que ceux qui défendent la police mordicus et en toutes circonstances disent invariablement que ceux qui sont arrêtés sont des ‘mauvé dimounn’ de toute façon et qu’ils méritent leur traitement. Je voudrais simplement leur rappeler qu’une telle attitude relève plutôt de la loi de la jungle, avec ses dangers de lynchage public plutôt que de l’état de droit où les preuves, toutes les preuves, se doivent d’être examinées par un juge indépendant et équitable, avant jugement et, parfois, appel ; la justice des hommes étant parfois faillible. 

Finalement, il ne faut surtout pas oublier que le Premier ministre et ministre de l’Intérieur a été, une fois de plus, mal avisé en se mouillant bien trop sur l’affaire. Quand il disait il y a quelque temps qu’il avait fait son enquête dans l’affaire Kistnen et qu’il innocentait son ministre, il dépassait la ligne rouge qui assure l’indépendance d’une enquête policière ou la décision éventuelle d’un tribunal. En disant que Mᵉ Bissessur était «lor nou radar» depuis un bout de temps déjà, il nous apprenait au minimum qu’il y a une liste de suspects qu’il affectionne particulièrement, puisque l’on ne peut imaginer un PM à qui la police confie toutes ses suspicions, toutes les semaines ? En affirmant que Bissessur «finn may li an plein lamé dan le sak !», il se pose une fois encore comme enquêteur et juge, ce qui n’est nullement son rôle et minera encore plus l’idée d’institutions indépendantes et fiables. Un peu de retenue ne ferait pas de mal ! On ne sait pas ce qu’il pense de l’absence d’empreintes et d’ADN sur les échantillons récoltés pour prouver que «li pé fer transaksion synthé, li», comme il le disait à son congrès à St.-Pierre, mais si la main était bien dans le sac, ce n’est plus que «dans le sac», (pas «sûr») que l’on devrait donc chercher des empreintes ?