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Histoire confirmée
Malgré plusieurs questions en ce sens, Pravind Jugnauth a refusé hier d’admettre que le rapport de la commission d’enquête, qu’il a brandi hier face à la presse, confirme une bonne partie de nos révélations relatives à l’affaire Platinum Card, que nous avons mise au jour dans notre édition du 27 février 2018.
Le Premier ministre peut tenter de réécrire l’histoire, mais les écrits d’il y a quatre ans prouvent que le Premier ministre utilise la presse contre ses adversaires quand cela l’arrange et choisit d’ignorer cette même presse quand elle fait état des scandales qui le concernent lui personnellement ou sa garde rapprochée (dont ne font manifestement plus partie Ivan Collendavelloo et Ameenah Gurib-Fakim). Le PM a, quelques minutes de la fin de sa conférence de presse, précisé qu’il ne disait pas qu’il avait évoqué ce que révélait l’express avec la présidente avant ces révélations. Cette précision est importante. Sans elle, il lui faudrait expliquer pourquoi il n’avait pas agi sur la base de ce qu’il savait. Donc l’express lui a révélé des choses qu’il ne savait pas et il a agi à partir de là. Les faits sont maintenant établis : la presse a empêché qu’il ne se passe pire.
Nous sommes au tout début de mars 2018. Le public découvre un autre visage de la première femme présidente de la République. D’ordinaire affable face à la presse, son ton devient agressif. Sur la défensive, elle met au défi l’express de prouver, dans un délai de 24 heures, l’authenticité des documents bancaires que nous avons publiés deux jours auparavant. Son mentor Collendavelloo, lui, au lieu de condamner les «folles dépenses de la présidente» nous attaque pour «le viol du secret bancaire».
Ameenah Gurib-Fakim choisit de défier l’express sur les ondes de Radio Plus, le vendredi 2 mars 2018, alors que le pays prépare activement les célébrations du 50e anniversaire de notre Indépendance. L’ambiance est pourrie.
L’express répond alors à la présidente : «Nous vous avons appelée. Vous avez choisi de ne pas nous répondre. On vous a envoyé des e-mails. Nous avons répété nos appels. Nous vous avons même envoyé des tweets.» À nos confrères qui nous interrogent alors, nous affirmons : «La vérité, c’est que the onus is on the president, not on us. Nous avons simplement fait notre travail d’informer le public et c’est à elle, maintenant, de nous expliquer le contexte de ses dépenses. The onus is on her de venir prouver que nos documents ne sont pas authentiques.»
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Dès l’éclatement de l’affaire, on se demandait si Ameenah Gurib-Fakim pouvait rester en poste maintenant que les preuves de son association pécuniaire avec Sieur Álvaro Sobrinho étaient du domaine public ? Une présidente de la République qui réalise des transactions financières avec un individu à la réputation suspecte sur le plan international (lequel individu étant à la recherche de permis comme investisseur) pouvait-elle encore nous représenter au plus haut échelon de l’État ?, écrivions-nous, alors que Pravind Jugnauth restait tranquille.
Malgré des menaces de poursuites de Sobrinho (papier timbré avec des réclamations de Rs 150 millions de dommages) ou des intimidations ministérielles – par Ivan Collendavelloo qui affirme que Sobrinho est un investisseur correct uniquement parce qu’il l’a lu dans ses yeux – nous avons continué à dénoncer…
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Avec les affaires Sobrinho, l’image non seulement de la présidente, mais de toute la présidence (et partant du pays) a été écornée, surtout avec les pressions du château du Réduit pour forcer l’accès du milliardaire angolais et de sa clique dans nos salons VIP à l’aéroport.
Avant même l’institution des deux commissions d’enquête, l’opinion avait deux choix : soit on exigeait sa démission au nom de la moralisation de la vie publique, soit on passait une nouvelle fois l’éponge car il ne fallait pas gâcher les célébrations de l’Indépendance et de la République. Comme Collendavelloo, qui est obligé de vivre avec sa terrible déclaration sur Sobrinho : «Bann difamasion lagazet kapav amenn a bann pourswit. Fodé pa nou fer ditor a zimaz nou péi é fer bann investiser per…Kan monn zwen misié Álvaro Sobrinho, li pa ti paret enn voler.»
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Flash-back. Le 30 mai 2015, l’express saluait la nomination d’Ameenah Gurib-Fakim en ces termes : «C’est un vrai changement, une avancée démocratique majeure pour la cause de la femme mauricienne, un progrès politique. Sur le calendrier, cela ne pouvait tomber mieux. Pour les femmes et les mères d’abord, dans le cadre de la Journée internationale d’action pour la santé de la femme, observée cette semaine, et de la fête des Mères ce weekend. C’est une juste reconnaissance de la contribution et des compétences de la gent féminine, d’autant que la chercheuse de renommée mondiale ne mérite pas sa place au sommet de l’État en raison de son «genre» ou de son appartenance communautaire uniquement, mais surtout grâce à ses travaux académiques (qui riment avec méthodologie et rigueur) et son engagement citoyen. Dommage qu’elle n’aura pas davantage de pouvoirs décisionnels ; elle aurait certainement éclipsé plus d’un ministre.»
Aujourd’hui, avec le recul, les documents bancaires, et le rapport de la commission Caunhye, on devrait fortement nuancer notre propos même si elle n’a pas encore été condamnée par une cour de justice : heureusement qu’elle n’avait pas trop de pouvoirs décisionnels car Álvaro Sobrinho aurait déjà pu être citoyen mauricien, voire fait Grand Commander of the Order of the Star and Key of the Indian Ocean…
Ameenah Gurib-Fakim aurait pu être un moment de sursaut pour Maurice et pour toutes les Mauriciennes. Mais elle ne l’a pas été, à notre grand regret.
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