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La double face de Maneesh Gobin

18 octobre 2022, 09:25

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Le gouvernement est triplement déstabilisé par la publication surprise, par nos confrères de Radio Plus, du «damning» rapport de l’audacieuse magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath – qui devrait, selon nous, bénéficier d’une sécurité de l’État et d’un «token» de reconnaissance du gouvernement pour le formidable travail abattu afin d’éclairer les circonstances troubles ayant conduit à l’assassinat d’un agent politique du MSM, en octobre 2020. 

1) La publication du rapport – qui dormait dans au moins trois tiroirs ? Le bureau du DPP, la police et l’ICAC ? – intervient alors que, dans le sillage des célébrations de Divali, le Premier ministre nous ressort son invocation annuelle de la victoire du bien sur le mal, c.-à-d. quand la lumière, après une lutte acharnée, prend le pas sur l’obscurité. 

2) Elle coïncide aussi et surtout avec la rentrée parlementaire, déjà agitée par les tentatives de débauchage des députés de l’opposition par des intermédiaires du gouvernement. 

3) Elle tombe pile à l’heure où l’on commémore les deux ans de l’éclatement de l’affaire, qu’on avait grossièrement tenté de classer comme un vulgaire suicide, afin de ne pas éclabousser le pouvoir. 

Cette sordide affaire Kistnen va durablement hanter le gouvernement. Il s’agit non seulement d’un assassinat politique qui met à nu le financement occulte des politiciens/agents/hommes d’affaires, et les moeurs électorales, mais le fait cru demeure : le cadavre détripé a été découvert dans la circonscription du trio Pravind Jugnauth, Leela Devi Dookun-Luchoomun et Yogida Sawmynaden, précisément là où…, pour flatter l’électorat, le Metro Express va bifurquer. 

Ce matin, au Parlement, le body language du Premier ministre, de la ministre et du député sera décortiqué par les journalistes, mais aussi par ceux qui regardent la Parliamentary TV. Si le colistier de Pravind Jugnauth et de Leela Devi Dookun- Luchoomun ne vient pas, on dira qu’il a eu peur du regard de l’autre. On pourrait aussi dire que Yogida Sawmynaden, qui avait bénéficié des blindés de la SMF pour se rendre à la cour intermédiaire, s’est sacrifié pour ne pas importuner le PM – qui avait déclaré en décembre 2020 que «son ministre» Sawmynaden est «victime d’une cabale». Jugnauth avait ajouté : «Mo fer li antierman konfians» et a confié être arrivé à cette conclusion grâce à une enquête parallèle qu’il a menée ! Et ce, bien avant que la magistrate Mungroo-Jugurnath ne boucle la sienne selon les règles de l’art. 

Si Yogida Sawmynaden vient au Parlement, et fait comme si de rien n’était, on va dire (on l’a déjà dit du reste) qu’il est là pour faire un bras d’honneur à l’opposition et à l’opinion publique. Dans les deux cas de figure, la pression sera terrible et il ne pourra plus se cacher derrière un Dieu-témoin qui, de haut, va juger, puisqu’il y a eu, entre-temps, une magistrate et ses findings qui ont déjà aligné des pistes bien fouillées, et établi les mobiles du crime, et qu’il ne reste plus au DPP qu’à initier les poursuites (d’ailleurs personne ne comprend pourquoi on prend autant de temps ou de gants). 

Hier, lors de sa deuxième conférence de presse en deux jours, Maneesh Gobin, auteur d’un communiqué de l’Attorney General’s Office qui confirme notre état de dictature in the making, a admis qu’il ne sait pas si «Yogida» sera dans l’Hémicycle ce matin. 

Gobin a été incapable de démentir le contenu du rapport de la magistrate qui a été repris par l’ensemble de la presse, mais il s’est gardé de l’authentifier. «Mo pa koné», a-t-il souvent dit face au feu roulant de questions, en essayant un difficile jeu d’équilibriste entre son rôle de politicien un samedi et celui d’un ministre de la Justice lundi. Samedi, il a pointé du doigt un membre respecté du bureau du DPP, hier il refuse d’en dire plus. Le Maneesh Gobin d’hier, comme Attorney General, est pourtant la même personne qui vilipende Ameenah Gurib-Fakim, Akil Bissessur et Adrien Duval, mais qui reste évasif sur Yogida Sawmynaden… 

*** 

Face aux attaques du politicien Gobin, le bureau du DPP est sorti de sa réserve hier, en provoquant une guerre de communiqués, qui vient augmenter la tension entre l’exécutif et cette branche INDÉPENDANTE de l’exécutif (régie par l’article 72 de la Constitution) dont l’indépendance demeure le maître-mot. Deux mois avant son départ, Me Satyajit Boolell remet les choses en perspective : «The DPP takes strong exception to any insinuation that any criminal offence may have been committed by any officer of the Office of the DPP (ODPP), who would allegedly be subjected to a police enquiry and to possible disciplinary proceedings.» 

N’ayant sans doute pas oublié le Prosecution Commission Bill de sinistre mémoire et l’affaire Sun Tan, le bureau du DPP dégaine : «The independence with which the officers of the ODPP need to exercise their functions, especially in relation to their interaction with the Police, has come under severe attack through the Attorney General’s Communiqué referred to in Paragraph 1. The ODPP will not allow itself to be intimidated, in yet another attempt to curtail its independence and fearlessness to uphold the Rule of Law in our democratic society.» Une utile gifle de rappel sur la double face de Maneesh Gobin.