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La roupie est solide ou pas ?

19 octobre 2022, 09:15

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‘Source: MCB Forex’

Qu’est-ce qui compte le plus en fin de compte dans une économie ? La croissance ou la maîtrise de l’inflation ? Qu’est-ce qui est préférable ? 3 % de croissance et 1 % d’inflation ou 7 % de croissance et 12 % d’inflation ? Vous voyez le problème ?

Il importe de souligner à ce stade que la croissance de 7 % que nous connaîtrons cette année est une croissance de ‘rebond’ principalement due au tourisme ; l’année 2021 n’ayant véritablement enlevé les contraintes ‘Covid’ sur les arrivées de touristes que tardivement, c’est-à-dire le 1er octobre 2021. Ce qui fait qu’il n’y a eu que 180 000 touristes pour toute l’année 2021 et que le seul trimestre au 30 septembre de cette année-ci représente déjà bien plus avec 262 000 touristes !

Ce qui compte dans notre contexte, c’est que notre industrie touristique a été, enfin, depuis 1 an exactement, libérée de ses chaînes artificielles de confinement et qu’elle a aidé à redémarrer tant d’activités connexes qui avaient été mises aux arrêts par contrecoup. Mais ce qui compte encore plus malheureusement, c’est qu’en parallèle l’inflation est venue ronger notre pouvoir d’achat, notre reprise et notre croissance.

Il faut le répéter : le gouvernement n’est aucunement responsable de l’envolée des prix mondiaux des commodités, du pétrole, du fret, mais est quand même directement responsable de la dévaluation de la roupie de par sa politique de dépenses parfois trop généreuses et parfois très gaspilleuses, qu’il fallait ensuite ‘absorber’. Je n’ai vu aucune tentative d’estimer quelle est la part de l’inflation qui est due à la dévaluation de la roupie et si cette tentative existe, je m’excuse de l’avoir ratée, mais ce qui est certain, c’est que le dollar, la devise dans laquelle nous faisons la plupart de nos importations, dont le fuel, valait 36,90 roupies au début de 2020 et va chercher, maintenant, 44,25 de nos roupies, soit 20 % de plus. C’est d’ailleurs la devise clé que surveille la Banque centrale depuis toujours, vu sa grande pertinence sur le coût de nos importations…

Pour l’euro, qui faiblit sur cette période face au dollar et qui représente une devise plus fréquente de nos ventes de biens et de services (*), la situation ne nous est pas très favorable, le taux de change passant de 41,16 roupies en janvier 2020 à 42,88 actuellement (+4,1 %). Pour le sterling, englué comme il l’est avec les conséquences du Brexit, les frasques de Johnson et les débuts inquiétants de Truss, le parcours n’est pas bien différent, le taux passant de 48,23 roupies à 48,72 (+ 1 %). Le rand semble avoir passé par de plus mauvais moments que notre roupie puisqu’il valait 2,63 roupies à l’orée de 2020 et ne vaut plus que 2,50 maintenant. Par contre, la roupie indienne vaut aujourd’hui 5,5 % plus cher qu’en janvier 2020…

 

«Si l’inflation maîtrisée est clairement plus importante qu’une croissance en roupies dévaluées, il y a plus important encore, et c’est la progression continue et agressive d’une meilleure productivité nationale, seule véritable source de richesse, à terme ! Or, c’est symptomatique, personne n’en parle !»

En l’absence de chiffres précis, nous ne savons pas à quel degré nos exportateurs/hôteliers auront vendu forward leurs recettes euros à venir, pour des dollars ou des roupies, ni à quel point ils feraient du treasury management somme toute légitime pour leur groupe, mais il faut ici préciser que le choix de l’horizon sélectionné est, comme toujours, déterminant. Ainsi, même la valeur du dollar a baissé depuis trois mois comme déjà noté jeudi dernier (**) !

Jugez-en vous-même !

Le dollar a débuté l’année à environ Rs 43,00, fait une pointe de Rs 44,35 au début d’avril, retrouvé son niveau de Rs 43 jusqu’au début de juin après une intervention de la Banque centrale, puis grimpé rapidement vers Rs 45,90 au début de juillet, pour graduellement baisser, en zigzaguant à Rs 43,80 au 12 octobre dernier. Le dollar a donc baissé de Rs 2,10 sur les 3 derniers mois. Ce qui aura peut-être un impact positif sur les prix des importations qui ont suivi, mais sûrement pas ceux d’avant juillet 2022, ce qui nous aura menés à un taux d’inflation de plus de 10 %...

À bien regarder le graphique ci-joint, les zigzags récents sont révélateurs d’une valse musette entre la Banque centrale et les banques commerciales, le premier nommé ouvrant le bal chaque matin avec son taux souhaité et les banques affichant un taux plus ‘réaliste’ dans un deuxième temps, dans la matinée. Néanmoins, après le 7 septembre, la position se stabilise et se lisse. Vers le bas.

Il y a des incohérences qu’il faut essayer de comprendre dans la présente situation.

Une balance des comptes courants qui ne cesse de se détériorer (nous pourrions atteindre -13,8 % du PIB cette année v/s -8,9 % en 2020 et -3,8 % en 2018 ! Soit un déficit de Rs 74 milliards !), des difficultés non feintes et répétées pour acheter des devises, des taux de rémunération de dépôts en roupies inférieurs à ceux du dollar, des rumeurs de contrôle de change ‘tacite’, la déclaration de juillet dernier du FMI qui affirme une «substantial overvaluation» de la devise nationale ; entre autres, devraient jouer contre la roupie. Les Rs 158 milliards de financement de l’économie par la Banque centrale, dont Rs 103 milliards au Trésor public, directement ou pas, représentent de la création monétaire pure, ce qui n’aide pas la roupie, non plus. En l’absence d’une explication officielle, qu’est-ce qui expliquerait donc que la roupie va dans l’autre sens et se consolide face au dollar ? Est-ce que cette tendance de raffermissement depuis juillet est, au moins en partie, artificielle ? Ce qui sûr et certain, c’est que dans la tendance actuelle, qui suggère une confiance solide et plutôt inattendue dans l’économie nationale et sa devise, la Banque centrale lamine son bilan en voyant s’effriter la valeur de ses réserves…

Est-ce que cela peut durer longtemps encore ? Si les interventions répétées de la Banque centrale pour soutenir la roupie et alimenter la demande doivent durer, il faudra surveiller de près la position de nos réserves de devises, à l’exclusion des emprunts que l’on pourrait encore faire. Or, même sans l’exclusion de nos emprunts, les interventions de la Banque centrale sur le marché des devises ont commencé à toucher nos réserves qui selon le dernier bulletin d’octobre 2022 ont évolué comme suit : Q4 2021 : $7,995 milliards, Q1 2022 : $7,930 milliards, Q2 2023 : $7,329 milliards, Q3 2022 : 7,140 milliards, une chute moyenne de $855 millions en 12 mois, soit quelque 38 milliards de roupies. Ce n’est pas peu et il n’y a véritablement que les recettes grandissantes du tourisme à pouvoir renverser la vapeur à court terme et aider à équilibrer l’offre et la demande pour du dollar au cours des prochains mois et ainsi contenir la pression inflationniste liée à la devise…

Prions !

Notamment pour que l’on trouve les employés qui semblent manquer aux hôtels…

Finalement, si l’inflation maîtrisée est clairement plus importante qu’une croissance en roupies dévaluées, il y a plus important encore, et c’est la progression continue et agressive d’une meilleure productivité nationale, seule véritable source de richesse, à terme ! Or, c’est symptomatique, personne n’en parle ! C’est pourtant ce qui mettra de la confiance dans la devise ET favorisera l’investissement et la croissance ET qui permettra d’améliorer les salaires de manière soutenable et durable, sans érosion ultérieure (et déconcertante !) du pouvoir d’achat…

(*) Le dollar est utilisé pour 71 % de nos importations et 60 % de nos exportations en 2021. Les chiffres correspondants pour l’euro sont 20 % et 34 %. Les chiffres des recettes du tourisme n’étaient pas disponibles au moment voulu.

(**) https://www.lexpress.mu/idee/414594/pourquoi-paniquer-si-dollar-coute-moins-cher

(***) Un ami, économiste respecté, me signale aussi que si l’on ajuste les recettes touristiques encaissées pour la dévaluation de la roupie et la durée moyenne du séjour, qui est passée de 10,8 nuitées entre janvier et septembre 2019, à 12,3 nuitées pour la même période en 2022, on retrouve sensiblement le même revenu par touriste d’environ Rs 46 000. Or, si les tarifs hôteliers n’ont pas augmenté de manière significative, et qu’il y avait retenue de devises et spéculation, ce revenu moyen par touriste aurait dû baisser. Ce n’est pas le cas.